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Au Cambodge, la classe ouvrière se heurte à une répression féroce

samedi 4 janvier 2014

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  • La police cambodgienne a ouvert le feu vendredi à Phnom Penh sur une manifestation d’ouvriers du textile, faisant au moins trois morts, dernier épisode violent d’une mobilisation qui dure depuis des semaines pour réclamer des hausses de salaires.

    Il s’agit des « plus graves violences commises contre des civils depuis 15 ans au Cambodge », a dénoncé la Ligue cambodgienne de défense des droits de l’Homme (Licadho).

    Les tirs ont eu lieu alors que des milliers d’ouvriers bloquaient une route devant leurs usines et que certains manifestants armés de bâtons, de pierres et de cocktails Molotov se sont opposés aux forces de l’ordre.

    La police militaire a d’abord procédé à des tirs de semonce, avant d’ouvrir le feu directement sur les manifestants. « Trois personnes sont mortes et deux ont été blessées », a déclaré Chuon Narin, commissaire adjoint de la police de Phnom Penh. Mais la Licadho a évoqué quatre morts et 21 blessés.

    La mobilisation des ouvriers du textile, qui coïncide avec des manifestations de l’opposition réclamant le départ du Premier ministre Hun Sen, avait déjà conduit en novembre dernier à la mort d’une femme par balle.

    « Cette fois, ils ont utilisé des fusils », a dénoncé Chan Soveth, du groupe de défense des droits de l’Homme Adhoc, qui était sur place, assurant qu’une dizaine de manifestants avaient été grièvement blessés.

    Le porte-parole de la police militaire Kheng Tito a quant à lui indiqué que l’intervention avait été rendue nécessaire après que neuf policiers eurent été blessés dans des incidents avec les manifestants.

    « Nous étions inquiets pour la sécurité, alors nous devions réprimer » la manifestation, a-t-il déclaré.

    « Si nous leur permettons de continuer à faire grève, cela va devenir l’anarchie », a-t-il assuré. Les manifestations du secteur textile, crucial pour l’économie cambodgienne, se sont multipliées ces dernières années pour dénoncer les conditions de travail.

    L’Organisation internationale du travail (OIT) a souligné récemment que celles-ci s’étaient détériorées.

    Au coeur des revendications de cette dernière mobilisation : le passage à un salaire minimum de 160 dollars par mois en 2014. Il est jusqu’ici de 80 dollars et le gouvernement a promis récemment de le porter à 95 dollars dès avril 2014, ce que les syndicats jugent insuffisant.

    Le secteur textile emploie quelque 650 000 ouvriers, dont 400 000 pour des sociétés qui travaillent pour des grandes marques internationales.

    Les ouvriers du textile se sont récemment alliés aux manifestants de l’opposition qui réclament de nouvelles élections, estimant que celles de juillet ont été entachées de fraudes massives.

    « Nous déplorons ces violences, que nous condamnons avec la plus grande vigueur », a déclaré vendredi le chef de l’opposition Sam Rainsy. « C’est une tentative inacceptable de briser non pas seulement une grève ouvrière, mais aussi le mouvement ouvrier dans son ensemble. Et derrière le mouvement ouvrier, de briser le mouvement démocratique qui est en train de se développer au Cambodge », a-t-il ajouté.

    Après la « fusillade » de vendredi, « les gens sont certes choqués, mais ils sont plus déterminés que jamais à obtenir pour les ouvriers un salaire minimum décent et pour tous les citoyens cambodgiens de nouvelles élections », a insisté Rainsy.

    Le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme au Cambodge, Surya P. Subedi a également critiqué les tirs demandant au gouvernement d’ouvrir une enquête « pour savoir s’il y avait eu un recours excessif à la force ».

    « Je demande aux autorités de faire preuve de retenue à l’égard des manifestants. Tout recours à la force par des responsables doit se faire conformément aux principes de la légalité », a-t-il déclaré.

    Par ailleurs dans une allusion à des informations faisant état des violences de la part des manifestants, Surya P. Subedi leur a demandé « de faire preuve de la plus grande retenue quel que soit le motif de leur contestation ».

    Selon les résultats officiels, le Parti du peuple cambodgien (CPP) au pouvoir, malgré son plus mauvais score depuis 1998, a remporté 68 sièges aux législatives du 28 juillet, contre 55 au Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP) de Rainsy.

    Mais l’opposition a revendiqué la victoire et dénoncé un « coup d’Etat constitutionnel ». Ses députés boycottent l’Assemblée nationale depuis son ouverture en septembre, notamment pour protester contre le fait que Rainsy, rentré d’exil juste avant le scrutin, n’avait pas été autorisé à y participer.

    Hun Sen, 61 ans, au pouvoir depuis 1985, a promis d’y rester encore au moins dix ans. Malgré sa croissance rapide, le Cambodge reste l’un des pays des plus pauvres de la planète, et le mécontentement de la population augmente face à l’accaparement des richesses, notamment des terres, par les proches du pouvoir.

  • Les ouvriers grévistes ont protesté devant des usines en périphérie de la capitale et bloqué des routes nationales. Et ce, malgré une injonction des autorités à une reprise du travail jeudi et la menace d’arrêter les leaders syndicaux.

    Toutes ces exigences n’ont donc pas dissuadé les manifestants, comme Kong Athit, le vice-président de la CCAWDU, le plus important syndicat ouvrier du pays : « On ne va pas abandonner. Je pense qu’il est trop tard pour avoir peur. On est allé trop loin. Même si on se fait arrêter, on continuera à défier le gouvernement d’une manière ou d’une autre. »

  • Près de 300.000 ouvriers du textile cambodgiens faisaient grève pour obtenir de meilleurs salaires et contre le Premier ministre, Hun Sen. Au coeur des revendications du textile, le passage à un salaire minimal de 160 dollars par mois en 2014. Il est jusqu’ici de 80 dollars.

  • En une du Phnom Penh Post : la photo d’un homme blessé transporté en moto vers l’hôpital. C’est l’image forte de la répression que le pouvoir exerce ces derniers jours contre, d’une part, les ouvriers du textile en grève pour réclamer une hausse du salaire minimum et, d’autre part, les manifestants qui soutiennent l’opposition.
    Les unités spéciales de la police ont tiré contre les grévistes, faisant 4 morts et 27 blessés. "La situation des droits de l’homme et la démocratie font du surplace", estime dans le quotidien Chan Soveth, un enquêteur de l’organisation des droits de l’homme ADHOC.

    Pour le secrétaire d’Etat du conseil des ministres, Keo Remy, l’intervention des forces de l’ordre "ne constitue pas une répression, mais une réponse à des rassemblements violents", rapporte le journal.

    Keo Remy accuse le parti d’opposition, le Parti pour le sauvetage national du Cambodge (CNRP), d’avoir encouragé les grévistes, notamment en leur apportant des vivres. Le CNRP conteste le résultat du scrutin de juillet dernier qui a reconduit au pouvoir le Parti du peuple cambodgien. Le 29 décembre dernier, il avait organisé une manifestation dans les rues de la capitale rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes qui réclamaient le départ du Premier ministre Hun Sen.

  • Les ouvriers du textile au Cambodge, qui ont payé de leur sang leur opposition au Premier ministre Hun Sen, fabriquent dans des conditions controversées et pour moins de 100 dollars par mois les vêtements vendus en Occident par Nike ou Gap.

    Depuis l’été, les partisans de l’opposition ont manifesté pour réclamer de nouvelles élections, après celles de juillet marquées selon eux par des fraudes massives, sans réellement menacer l’homme fort du Cambodge.

    Mais lorsque les ouvriers des usines textiles en grève ont rejoint leur mouvement, la réponse des autorités a été radicale : au moins quatre personnes ont été tuées par balles selon les ONG et des dizaines d’autres blessées.

    Une stratégie qui reflète la force politique potentielle de ces centaines de milliers d’ouvriers qui alimentent ce secteur-clef de l’économie d’un des pays les plus pauvres au monde.

    "Si les deux courants de protestation avaient été autorisés à fusionner, opposants politiques et ouvriers en grève, ils auraient représenté une menace énorme pour le régime de Hun Sen", commente Carl Thayer, de l’université australienne de Nouvelle Galle du Sud.

    Le secteur textile emploie quelque 650.000 ouvriers, dont 400.000 au moins au sein de sous-traitants de grandes marques internationales.

    Ces ouvriers réclament un doublement du salaire minimum, à 160 dollars par mois (117 euros), mais le gouvernement n’a proposé que 100 dollars.

    Leurs conditions de travail sont également régulièrement montrées du doigt, les syndicats dénonçant notamment des évanouissements collectifs attribués à la sous-alimentation ou au surmenage.

    Oeurn Dany, mère de famille de 30 ans, travaille dix heures par jour, six jours par semaine.

    "Nous avons du mal à survivre avec le salaire actuel", raconte-t-elle à l’AFP. "Les ouvriers tombent souvent malades (...), y compris à cause des produits chimiques sur le tissu".

    Loin de prôner un boycott des grandes marques, elle appelle les consommateurs occidentaux à acheter du "made in Cambodia". Et plébiscite un travail de lobby en Occident pour contraindre les grandes marques à payer plus pour permettre aux fabricants de payer décemment leurs ouvriers.

    Le leader de l’opposition Sam Rainsy, dénonçant des "vêtements du sang", a de son côté appelé consommateurs à "vérifier s’il n’y a pas de goutte de sang sur le vêtement qu’ils veulent acheter".

    "Pas peur" de retourner dans la rue

    Hun Sen, au pouvoir depuis 1985, a présidé à la transformation d’un pays émergeant de décennies de guerre civile, devenu l’une des économies les plus dynamiques d’Asie du Sud-Est.

    Mais son gouvernement est régulièrement accusé d’ignorer les droits de l’Homme et de réduire les critiques au silence.

    Sam Rainsy et son adjoint Kem Sokha sont convoqués par la justice la semaine prochaine en raison des récents troubles.

    Les défenseurs des droits de l’Homme estiment que la répression sanglante de vendredi dernier contre les ouvriers armés de pierres et de cocktails Molotov a été un prétexte pour disperser le lendemain un rassemblement pacifique de l’opposition et interdire dans la foulée tout nouveau rassemblement.

    Mais, malgré la suspension du mouvement, les ouvriers promettent de continuer le combat.

    "Nous continuerons à réclamer de meilleurs salaires jusqu’à ce que nous ayons assez d’argent", souligne Khim Vat, 42 ans, qui travaille dans un usine fournissant notamment Nike. "Je me joindrai aux grèves à l’avenir, je n’ai pas peur".

    Dans ce contexte, grandes marques internationales et syndicats ont appelé à éviter tout nouveau débordement.

    "Nous nous opposons à toute forme de violence", déclare à l’AFP la porte-parole de Gap, Laura Wilkinson, réclamant des négociations salariales, tout comme H&M et Nike.

    Cette crise souligne le dilemme des fabricants, entre leurs ouvriers et des consommateurs occidentaux avides de vêtements bon marché.

    Les grèves ont déjà coûté 200 millions de dollars au secteur, selon l’Association des fabricants textiles du Cambodge. Et si le pays n’est plus compétitif, il risque d’être remplacé.

    "Il y aura toujours une source de main d’oeuvre bon marché ailleurs", comme le Bangladesh, le Pakistan ou la Birmanie, note Douglas Clayton, de Leopard Capital, société d’investissement active dans les marchés émergents.

    "Les marques occidentales (...) savent que les consommateurs occidentaux s’inquiètent plus de la valeur que des valeurs".

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