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Sri Lanka : le syndicat des plantations pousse les travailleurs à terminer leur grève

samedi 28 février 2015

Sri Lanka : le syndicat des plantations pousse les travailleurs à terminer leur grève

Par M. Devarajah et W.A. Sunil

Le syndicat pro-gouvernemental National Union of Workers (NUW, syndicat national des travailleurs) a saboté une grève déterminée de six-cents travailleurs des plantations de Glenugie Estate à Maskeliya, au centre de l’île, qui luttaient contre l’accroissement de leurs charges de travail. Les travailleurs étaient censés reprendre le travail le 13 février.

Les travailleurs de la plantation Deeside de Glenugie Estate avaient débuté leur grève au début de la semaine dernière et présenté deux revendications : la réduction de leur charge journalière de travail des 18 kilogrammes actuels au niveau précédent de 16 kilogrammes de feuilles de thé par jour et le paiement des deux kilogrammes supplémentaires cueillis depuis avril 2014 où cette charge avait été relevée.

La direction avait demandé aux travailleurs d’augmenter la charge de travail pour deux mois seulement car, selon elle, la Maskeliya Plantation Company à qui appartient le domaine, enregistrait alors des pertes. Cette augmentation de la production n’avait donné lieu à aucune augmentation de salaire. La société cherche à présent à rendre cette hausse de la charge de travail permanente.

Les travailleurs avaient débuté la grève sans consulter les syndicats, le Ceylon Workers Congress (CWC), l’Upcountry People’s Front (UPF) et le syndicat NUW qui tous se mettent invariablement du côté de la direction. Un travailleur a dit au WSWS : « La direction et les syndicats travaillent main dans la main. C’est pourquoi nous avons pris la décision de lancer la grève indépendamment. »

Naguleswaran, le dirigeant local du NUW, a dit hier aux travailleurs que la direction avait accepté de ramener l’objectif de la charge de travail au niveau précédent. Il a aussi affirmé que les arriérés de salaire pour la cueillette de feuilles de thé supplémentaire pourraient être obtenus en déposant une plainte auprès du tribunal du travail. Il n’existe cependant aucune déclaration écrite d’abaisser l’objectif des charges. De plus, il faut beaucoup de temps au tribunal du travail pour traiter les affaires et il se range souvent du côté de la direction.

Répondant aux questions des travailleurs, Naguleswaran leur a assuré qu’ils pouvaient faire confiance à la société. Comme l’a cependant dit un travailleur au WSWS, « Ceci est une autre trahison des syndicats. Les travailleurs retourneront au travail car il n’y a pas d’alternative pour le moment. »

Comme tous les syndicats des plantations, le NUW fonctionne aussi comme un parti politique. Son dirigeant, R. Digambaram, est ministre dans le gouvernement nouvellement formé, dirigé par le président Maithripala Sirisena. Une poursuite de la grève aurait le potentiel de se propager à d’autres domaines où les travailleurs sont confrontés au même problème d’augmentation des charges de travail : le NUW est donc immédiatement intervenu pour mettre fin au débrayage.

Le NUW est totalement corrompu, il s’aligne sur les sociétés de plantations et s’engage dans des combinaisons politiques lamentables pour renforcer ses privilèges. Digambaram avait remporté son siège lors des élections de 2010 en faisant campagne avec l’United National Party (UNP), puis il avait changé de camp pour rejoindre le gouvernement de l’ancien président Mahinda Rajapakse.

Trois mois à peine avant les élections présidentielles du 8 janvier, Rajapakse l’avait nommé ministre afin de maintenir le NUW au sein de la coalition au pouvoir. Deux semaines après que Sirisena ait déserté le gouvernement de Rajapakse pour devenir candidat de l’opposition dans ces élections, Digambaram fit une autre pirouette et se rallia à Sirisena.

Les autres syndicats des plantations sont tout aussi vénaux. Le dirigeant de l’UPF, V. Radhakirshnan est également ministre. Le dirigeant du CWC, Arumugam Thondaman a été ministre du précédent gouvernement Rajapakse mais récemment il s’est déclaré pour le nouveau gouvernement dans l’espoir d’un nouveau poste ministériel.

Les travailleurs des plantations continuent eux, à recevoir des salaires journaliers de misère, 620 roupies (moins de 5 dollars ou un peu plus de 4 euros), toutes indemnités confondues. Leur revenu mensuel dépend du nombre de jours où on leur donne du travail, qui est de l’ordre de 25 jours, ou moins. Compte tenu des fortes augmentations du coût de la vie, le salaire est insuffisant même pour faire face aux besoins élémentaires.

Au cours des trois dernières années, les syndicats ont collaboré avec les producteurs de thé, ont conclu des accords secrets et imposé une productivité accrue aux travailleurs. En 2012, des milliers de travailleurs des plantations de Welioya et de Bogwantalawa avaient fait grève contre une accélération de la cadence de travail, mais ils furent trahis par les syndicats qui permirent aux compagnies d’imposer leurs objectifs.

La dégradation des salaires et des conditions de travail est motivée par une lutte internationale impitoyable pour les marchés, à laquelle sont confrontés les producteurs de thé du Sri Lanka, du Kenya, de la Chine, du Vietnam et de l’Inde. Roshan Rajadurai, le président de l’Association des planteurs (Planters Association of Ceylon, PA), a remarqué dernièrement que 70 pour cent des coûts de production consistaient en frais de main-d’œuvre. Il a insisté pour dire que ces coûts devaient être allégés.

Rajadurai a dit en octobre dernier à Daily.ft : « Ce que nous demandons c’est une augmentation échelonnée extrêmement raisonnable d’au moins 2 kg de la cueillette journalière moyenne par ouvrier, ce qui est facilement réalisable et qui aiderait néanmoins énormément les compagnies à couvrir les coûts. » Un tel objectif baisserait les coûts de production à l’unité de 7 pour cent mais représente un surcroit de travail bien plus important pour les travailleurs.

Le nombre de travailleurs employés dans les compagnies de plantations de thé a été réduit de manière drastique. Il est passé de 345.000 à 208.000 au cours des vingt ans écoulés depuis la privatisation des entreprises publiques qui possédaient et géraient les plantations de thé. Vu le niveau extrêmement bas des salaires, de nombreux travailleurs ont été contraints de trouver d’autres emplois. La population des travailleurs et de leurs familles qui vivent sur les plantations dépasse encore un million. Beaucoup sont au chômage ou sous-employés.

Les sociétés de plantations sont seulement en mesure d’imposer une accélération des cadences et une aggravation des conditions de travail avec l’aide des syndicats et du gouvernement. Les travailleurs dans d’autres secteurs industriels, y compris les zones franches, doivent faire face aux mêmes problèmes.

Le gouvernement Sirisena a récemment annoncé dans son budget provisoire une augmentation de 10.000 roupies du salaire mensuel des salariés du secteur public, versés en deux tranches. Cette hausse est un geste cynique, vu que le gouvernement se prépare à des élections parlementaires pour tirer profit de la colère vis-à-vis du gel des salaires instauré par Rajapakse dans le secteur public en 2006.

Le gouvernement n’a cependant pas proposé une telle augmentation pour les travailleurs du secteur privé. Le ministre des Finances, Ravi Karunanayake, a déclaré que si le secteur privé était obligé d’augmenter les salaires, « il faudra fermer des entreprises. » Il a lancé un appel, peu convaincant, aux compagnies pour qu’elles augmentent les salaires mensuels de 2.500 roupies, dans un avenir indéterminé.
Un membre du SEP s’adressant aux travailleurs des plantations

Des membres du Parti de l’Egalité socialiste (SEP) étaient intervenus dans la grève à Glenugie pour discuter de la crise politique à laquelle fait face la classe ouvrière. Ce n’est qu’en menant une action indépendante des syndicats sur la base d’une perspective socialiste que les travailleurs peuvent défendre leurs droits.

Les ouvriers en grève ont approuvé la proposition de former un comité d’action ouvrier indépendant et de se tourner vers les travailleurs des autres plantations et d’autres industries qui sont confrontés aux mêmes problèmes. La discussion a porté sur le besoin d’un salaire mensualisé pour s’opposer aux augmentations arbitraires des charges de travail, un système de congés garantis ainsi que des équipements médicaux, et éducatifs et des logement appropriés sur les plantations.

Un niveau de vie et des conditions de travail décents peuvent être établis par une lutte politique en faveur d’un gouvernement ouvrier et paysan. Celui-ci appliquera une politique socialiste qui organisera une planification rationnelle de la production et satisfera les besoins sociaux pressants de la population laborieuse au lieu des profits des riches.

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