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Grève à l’Ecole Spéciale d’Architecture de Paris

samedi 18 avril 2015

A l’Ecole spéciale d’architecture (ESA) de Paris, les cours se déroulent désormais en extérieur. Dans la cour de l’établissement, ou « le jardin » comme l’appellent les étudiants de cet établissement, pupitres et chaises ont été disposés en cercle pour continuer à étudier comme si de rien n’était, sous une grande banderole « Démission direction ! » suspendue au-dessus de leurs têtes. Depuis lundi 13 avril, tous les corps de l’école, professeurs, étudiants et personnels administratifs, sont en grève à la suite d’une procédure de licenciement économique avec dispense immédiate de neuf membres de l’administration sur les vingt-six que compte l’ESA.

Le 9 avril, les responsables de la communication, des services techniques, informatiques, de la reprographie, de l’atelier maquette et deux bibliothécaires ont été raccompagnés à la porte, « manu militari, escortés d’un huissier et de vigiles, dénonce un représentant étudiant rencontré sur place qui souhaite préserver l’anonymat. Puis la direction a fait changer les serrures dans les bureaux des concernés, car ils craignent les sabotages. Tous les licenciés étant soit à la CGT, soit à la CNT, on a le sentiment d’une purge syndicale. »

Si l’explosion est nouvelle, la crise, elle, semble sourdre depuis une année et demie déjà, après que la nouvelle direction a décidé de ne pas renouveler les contrats de dix-huit professeurs internationaux. « Le climat est délétère, les échanges internationaux sont en chute libre, les ateliers ferment, et nous externalisons des services indispensables comme l’informatique ou la reprographie », s’indigne une étudiante. A ses côtés, Brigitte Beauchamp, secrétaire pédagogique, illustre le propos :

« Nous subissons des pressions énormes de leur part. Deux de mes collègues licenciés jeudi ont subi un harcèlement moral répétitif. L’un d’entre eux a même été victime de deux mises à pied et trois demandes de licenciement refusées par l’inspection du travail. »

Dans une salle de classe vidée de ses étudiants, le directeur François Bouvard réfute les accusations, justifiant des licenciements par une situation déficitaire :

« Mes prédécesseurs ont doublé la structure administrative passant de douze à vingt-six personnes, ce qui représente un poids financier très lourd. Dans les comptes de l’année 2012-2013, les résultats net d’exploitation de l’école était en perte de 309 000 euros. Pour cette deuxième année de mandat, je me suis rendu compte que le déficit pouvait atteindre 500 000 euros. Couplé à l’érosion du nombre de nouveaux étudiants, dont les frais de scolarité représentent 90 % des revenus de l’école, la situation menaçait très sérieusement nos capacités d’autofinancement. »

Une pétition a déjà recueilli plus de 560 signatures sur le millier d’élèves inscrits que compte l’école.

L’explication ne satisfait pas aux revendications des étudiants qui exigent la réintégration des neuf licenciés et la démission du directeur. Une pétition a déjà recueilli plus de 560 signatures sur le millier d’élèves inscrits que compte l’école. Un étudiant élu à l’assemblée générale de l’école nous explique :

« Il justifie la réduction du programme international et les licenciements par un manque d’élèves et donc de financement, mais il n’a aucune vision de l’avenir. L’architecture est un métier qui séduit pourtant de plus en plus de jeunes. Et il y a quelques jours, le commissaire aux comptes de l’ESA soutenait qu’il était possible d’emprunter pour faire de nouveaux investissements, recruter des architectes renommés, investir dans du matériel, de nouvelles technologies et, ainsi, attirer des étudiants. Au lieu de ça, il inverse la logique, réduit l’école et ses ambitions, comme pour revenir au petit établissement dont il était l’élève dans les années 1970. »

Dans le jardin de l’ESA, les cours se sont arrêtés pour la pause de midi. Des étudiants en profitent pour scier des planches de bois et déployer des bâches en plastique. « La grève risque de durer encore longtemps, nous avons donc dessiné les plans d’un préau que nous sommes en train de construire pour nous abriter de la pluie, s’exclame un représentant étudiant. Bâtir sa propre école, c’est peut-être la plus belle réponse que des apprentis architectes peuvent faire, face à la surdité de leur direction. »

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