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Le Dalaï Lama et les femmes

23 novembre 2016, 12:45, par Emmanuel D.

Bonjour, Sans une analyse approfondie, le texte proposé dans cet article peut, en effet, choquer et suggérer une infériorité intrinsèque du statut féminin dans le bouddhisme. Pourtant, étant étudiant en bouddhisme tibétain depuis déjà quelques années, je proposerais une tout autre interprétation : Le bouddhisme est pragmatique. Tous ses textes ne visent que la pratique de la méditation et l’actualisation de ’l’éveil spirituel’. La réalisation intérieure passe par, entre autre chose, l’obtention du ’calme mental’. Cet état est une capacité à rester concentré sur un seul ’objet’ (centré en un point) pendant des heures ou des jours... Une personne ayant réalisé le premier stade peu, à loisir, rester autant de temps qu’il le souhaite concentré sans distraction. Dans l’optique de réaliser ce ’calme mental’, il est nécessaire en amont d’apaiser les attachements et le désir envers tous les objets extérieurs. Pour la plupart des hommes, le désir envers le sexe opposé sera le plus grand obstacle. Ce texte s’adresse donc aux hommes qui veulent atteindre ce but. C’est une méditation qui vise non pas à rabaisser l’image de la femme, mais seulement à diminuer l’attirance sexuelle et l’attachement au désir sexuel. Les femmes (et les homosexuels) qui étudient ce textes doivent, pour préparer et réaliser le calme mental, méditer, en amont, non pas la nature ’impure’ du corps féminin mais celui du corps de l’homme ! D’un point de vue ’absolu’ le corps de la femme n’est ni pur, ni impur tout comme celui de l’homme. Dans le bouddhisme, il est très facile de trouver des textes qui semblent en contradiction les uns avec les autres. Mais ces contradictions s’effacent dès lors que l’on comprend ceci : ces différents textes répondent aux problèmes d’un individu à un instant donné de sa pratique. Le bouddhisme n’est pas un dogme. Ses réponses s’adaptent constamment aux pratiquants auxquelles il s’adresse. D’où les réponses des maitres et les textes qui semblent parfois en contradiction. Le contexte est donc la pierre angulaire dans l’analyse... Concernant le texte extrait du livre "Comme la lumière avec la flamme" : il s’agit seulement d’un texte proposant une méditation visant à diminuer l’appétit sexuel. Éroder le désir s’effectue en analysant en profondeur, et de l’intérieur, le corps humain tel qu’il est... Alors, on est en droit de se demander pourquoi ce texte n’existe pas sous sa forme ’féminine’ (description du corps impur de l’homme) ? Sans doute faut-il rechercher cela du côté du contexte historique et culturel. A l’époque, les hommes étaient-ils majoritaires à pratiquer le bouddhisme ? La culture était-elle trop patriarcale ? Toujours est-il que de nos jours, les pratiquants du bouddhisme sont en grande proportion des pratiquantes... Sont-elles davantage touchée par l’humanisme pragmatique, compassionné et sage de cette philosophie ? Quant au propos du lama décrit par Tenzin Palmo, je proposerais trois interprétations (qui ne visent à aucune prétention exhaustive) : 1/ La réponse était celle nécessaire à la progression intérieure de la pratiquante (dans un contexte autre, la réponse aurait-été différente) 2/ Certain lama et pratiquant ne semblent pas comprendre le côté pragmatique des textes et leur utilité, seulement, dans un contexte donné... De ce point de vue tous les lamas ne sont pas des ’bouddhas’... 3/ Cette méditation, une fois le désir diminué, doit être ’abandonné’. Trop méditer ces sujets peu amener à des déséquilibres psychologiques dont la misogynie est un exemple (la méditation est une question de dosage : l’importance du juste milieu...).

Conclusion : Oui nous sommes toutes et tous des mammifères. Posséder un pénis ou un vagin n’est qu’un détail sans importance pour la pratique spirituelle. Pour les personnes ayant un intérêt à la pratique spirituelle, nos particularités biologiques et psychologiques doivent être le moteur d’une réflexion visant à adapter notre pratique à nos problèmes personnels. La voie bouddhiste se réalise par la vision directe de l’absence d’un égo solide et indépendant. L’un des outils proposé, pour y parvenir, consiste à trancher toutes forme de dualisme dans notre manière de ’penser’ le monde (voir par exemple le texte Zen « L’harmonie entre l’unité et la multiplicité » (Sandokaï) dans « La source brille dans la lumière » de Shunryu Suzuki, col. ’Spiritualités vivantes’ Ed :Albin Michel) Instrumentaliser les textes bouddhistes pour en déduire ou promouvoir des opinions tranchées et dualistes sur le statut homme/femme (ou sur tout autre sujet) semble donc être en contradiction avec le chemin proposé par cette philosophie.

Merci aux auteurs de ce site. Emmanuel D. Toulouse (22/11/2016)

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