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Quelle était la raison du génocide rwandais ? Pour les classes dirigeantes rwandaises ? Et pour l’impérialisme français ?

12 mai 2014, 19:06, par Robert Paris

Lorsque François Mitterrand arrive à la présidence, la France a déjà remplacé la Belgique au Rwanda, depuis les accords de 1962. Il établit aussitôt des relations amicales avec le président Habyarimana. Il lui déclare, en 1982 : « Nos relations sont anciennes et la France a déjà reconnu en vous un ami fidèle, un homme sur lequel nous pouvons fonder une amitié durable. »

Le président français est informé de l’offensive du FPR d’octobre 1990 alors qu’il se trouvait dans un avion revenant d’Oman. Il prend seul et secrètement la décision d’envoyer des troupes pour soutenir l’armée rwandaise. Le 10 décembre 1990, le journal rwandais Kangura, publication raciste financée par des proches d’Habyarimana, publie un portrait de François Mitterrand avec en légende : « Les grands amis, on les rencontre dans les difficultés. C’est dans ce même numéro que furent publiés les fameux » Dix commandements du Hutu » qui appellent à la haine raciale anti-tutsi.

“Nous entretenons des relations amicales avec le Gouvernement du Rwanda qui s’est rapproché de la France après avoir constaté la relative indifférence de la Belgique à l’égard de son ancienne colonie.” Intervention du Président de la République M. François Mitterrand en Conseil des Ministres du 17 octobre 1990.

De 1990 à 1994, M. Mitterrand attache une importance particulière à un pays dont il affirme que le dictateur « représentait à Kigali une ethnie majoritaire à 80 % ». Lors de ses déplacements, il se tient en permanence informé de la situation militaire au Rwanda (Politique africaine, octobre 1993). Durant le génocide, il apparaît comme le responsable français le mieux informé de la question. Lors des innombrables réunions de cellules de crise ou comités interministériels consacrés au problème, il expliquait aux autres la situation. Il continue de recevoir les concepteurs et les réalisateurs du génocide alors même que celui-ci était dénoncé par la communauté internationale. Il fait porter des fleurs à Agathe Habyarimana à son arrivée en France, bien qu’elle soit membre du clan des ultras qui ont planifié les massacres. Au cours du mois d’avril 1994, il reçut Jean-Bosco Barayagwiza et Jérôme Bicamumpaka, deux responsables du génocide, respectivement leader du parti raciste CDR et ministre des Affaires étrangères du gouvernement intérimaire, que la France fut le seul État à reconnaître.

Mitterrand parle d’un « gouvernement représentant à Kigali une ethnie majoritaire à 80%. » cité par Jean-Paul Gouteux dans « La nuit rwandaise ». Cité également par Mehdi Ba dans « Rwanda, un génocide français » et par Patrick de Saint Exupéry dans « L’inavouable ».

Le 22 mai 1994, le président du gouvernement intérimaire qui assure l’’exécution du génocide, Sindikubwabo, adresse à François Mitterrand une lettre. Alors que les cadavres de plusieurs centaines de milliers de Tutsi et opposants politiques jonchent le sol rwandais, cette lettre, lue et commentée à l’Élysée, montre à quel point les deux instances sont soudées autour du projet d’’extermination : « Le Peuple rwandais vous exprime ses sentiments de gratitude pour le soutien moral, diplomatique et matériel que Vous lui avez assuré depuis 1990 jusqu’à ce jour. En son nom, je fais appel à Votre généreuse compréhension et celle du Peuple français en Vous priant de nous fournir encore une fois Votre appui tant matériel que diplomatique. Sans Votre aide urgente, nos agresseurs risquent de réaliser leurs plans et qui Vous sont connus. » Dès 1990, les militaires français ont formé les futurs « cadres » du génocide. Entre 1990 et 1994, l’’armée rwandaise passe ainsi de 5000 à 50000 hommes. Des rescapés et des bourreaux témoignent de l’implication directe de l’armée française dans l’extermination de Tutsi*. Des « conseillers » militaires français, comme ceux qui officient encore aujourd’’hui dans les dictatures françafricaines, sont restés au Rwanda pendant le génocide. Avant le déclenchement des massacres, lorsque la majeure partie des effectifs a déjà plié bagage, certains d’’entre eux se font surprendre à Kigali et déclarent alors y être revenus pour passer des « vacances ». L’appel au front racial, qui a permis de cimenter les forces du génocide, ainsi que la formation du gouvernement intérimaire, ont été réalisés sous la houlette de la diplomatie française Les livraisons d’armes par la France se sont poursuivies tout au long du génocide, en dépit de l’’embargo de l’ONU.

Ce que nos médias et représentants politiques ont qualifié de « massacres interethniques », de « double génocide », de « guerre tribale », ou encore de colère spontanée suite à un attentat. C’était un génocide, une destruction planifiée perpétrée sur un groupe désigné comme « ennemi intérieur » par ses bourreaux. Ce fut l’aboutissement de l’idéologie coloniale et raciale, telle qu’elle a été élaborée au XIXè siècle. Ce crime des crimes n’a été que l’application de la guerre dite révolutionnaire, une technique militaire théorisée dans les années 50 par les colonels Trinquier et Lacheroy.

« Dans ces pays-là, un génocide, ce n’est pas trop important » Le président François Mitterrand dans une déclaration de l’été 1994, citée par Le Figaro du 12/01/1998

Pour minimiser le génocide, François Mitterrand défend alors l’idée d’un double génocide. Ainsi, au sommet franco-africain de Biarritz, fin 1994, il parle « des » génocides. Interrogé sur la question, il répond : « De quel génocide voulez-vous parler ? De celui des Tutsis ou celui des Hutus ? » 8 novembre 1994

Dans le texte écrit du discours de François Mitterrand aux participants du Sommet franco-africain de Biarritz, il est question "des génocides " du Rwanda, les adversaires étant renvoyés à leur envie réciproque de " s’autodétruire ".

« Je ne suis pas né à gauche, encore moins socialiste, on l’a vu. Il faudra beaucoup d’indulgence aux docteurs de la loi marxiste, dont ce n’est pas le péché mignon, pour me le pardonner. J’aggraverai mon cas en confessant que je n’ai, par la suite, montré aucune précocité. (…) J’ai pensé qu’il était possible d’obtenir de la société capitaliste qu’elle se réformât elle-même. (…) Bref, j’ai dialogué. Et la société en question a dialogué avec moi, comme elle a dialogué avec tous les autres qui lui parlaient aussi poliment. » dans « Ma Part de vérité »

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