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Construire la conscience de classe des exploités

13 novembre 2009, 19:15, par Robert Paris

« Dans la révolution, quand la masse apparaît elle-même sur la scène politique, la conscience de classe est pratique, active. Aussi une année de révolution a-t-elle donné au prolétariat russe cette “formation” que trente années de luttes parlementaire et syndicale n’ ont pu artificiellement donner au prolétariat d’ Allemagne » (R. Luxemburg, Grève de masses, partis et syndicats.)

« Qu’était-ce donc que le soviet ? Le conseil des députés ouvriers fut formé pour répondre à un besoin pratique : il fallait avoir une organisation jouissant d’ une autorité indiscutable, libre de toute tradition, qui grouperait du premier coup les multitudes disséminées et dépourvues de liaison (...) ; l’essentiel enfin, c’était de pouvoir la faire surgir dans les 24 heures (...) Pour avoir de l’ autorité sur les masses, le lendemain même de sa formation, elle devait être instituée sur la base d’ une très large représentation. Quel principe devait-on adopter ? La réponse venait toute seule. Comme le seul lien qui existât entre les masses prolétaires, dépourvues d’organisation, était le processus de production, il ne restait qu’à attribuer le droit de représentations aux entreprises et usines. (...) Le 13 octobre au soir eut lieu la première séance du futur soviet. Il n’ y avait pas plus de 30 à 40 délégués. On décida d’appeler immédiatement le prolétariat de la capitale à la grève générale et à l’élection des délégués (...) Il y avait un délégué par groupe de 500 ouvriers. Les petites entreprises s’unissaient pour former des groupes d’électeurs » (Trotsky, 1905 ).

« La Russie tout entière apprenait à lire (...) La soif d’instruction si longtemps réfrénée devint avec la révolution un véritable délire. Du seul Institut Smolny sortirent chaque jour, pendant les six premiers mois, des tonnes de littérature, qui par tombereaux et par wagons allaient saturer le pays. La Russie absorbait, insatiable, comme le sable chaud absorbe l’eau (...) Et quel rôle jouait la parole (...) On tenait des meetings dans les tranchées, sur les places des villages, dans les fabriques. Quel admirable spectacle que les 40 000 ouvriers de Poutilov allant écouter des orateurs social-démocrates, socialistes-révolutionnaires, anarchistes et autres, également attentifs à tous et indifférents à la longueur des discours ! (...) Dans tous les meetings, la proposition de limiter le temps de parole était régulièrement repoussée ; chacun pouvait librement exprimer la pensée qui était en lui ... » (Reed, les 10 jours qui ébranlèrent le monde)

« Quand la Commune de Paris prit la direction de la révolution entre ses propres mains ; quand de simples ouvriers, pour la première fois, osèrent toucher au privilège gouvernemental de leurs « supérieurs naturels », les possédants, et, dans des circonstances d’une difficulté sans exemple, accomplirent leur oeuvre modestement, consciencieusement et efficacement (et l’accomplirent pour des salaires dont le plus élevé atteignait à peine le cinquième de ce qui, à en croire une haute autorité scientifique, le professeur Huxley, est le minimum requis pour un secrétaire du conseil de l’instruction publique de Londres), le vieux monde se tordit dans des convulsions de rage à la vue du drapeau rouge, symbole de la République du travail, flottant sur l’Hôtel de Ville. Et pourtant, c’était la première révolution dans laquelle la classe ouvrière était ouvertement reconnue comme la seule qui fût encore capable d’initiative sociale, même par la grande masse de la classe moyenne de Paris. (…)La Commune de Paris devait, bien entendu, servir de modèle à tous les grands centres industriels de France. Le régime de la Commune une fois établi à Paris et dans les centres secondaires, l’ancien gouvernement centralisé aurait, dans les provinces aussi, dû faire place au gouvernement des producteurs par eux-mêmes. Dans une brève esquisse d’organisation nationale que la Commune n’eut pas le temps de développer, il est dit expressément que la Commune devait être la forme politique même des plus petits hameaux de campagne et que dans les régions rurales l’armée permanente devait être remplacée par une milice populaire à temps de service extrêmement court. Les communes rurales de chaque département devaient administrer leurs affaires communes par une assemblée de délégués au chef-lieu du département, et ces assemblées de département devaient à leur tour envoyer des députés à la délégation nationale à Paris ; les délégués devaient être à tout moment révocables et liés par le mandat impératif de leurs électeurs. Les fonctions, peu nombreuses, mais importantes, qui restaient encore à un gouvernement central, ne devaient pas être supprimées, comme on l’a dit faussement, de propos délibéré, mais devaient être assurées par des fonctionnaires de la Commune, autrement dit strictement responsables. L’unité de la nation ne devait pas être brisée, mais au contraire organisée par la Constitution communale ; elle devait devenir une réalité par la destruction du pouvoir d’État qui prétendait être l’incarnation de cette unité, mais voulait être indépendant de la nation même, et supérieur à elle, alors qu’il n’en était qu’une excroissance parasitaire. Tandis qu’il importait d’amputer les organes purement répressifs de l’ancien pouvoir gouvernemental, ses fonctions légitimes devaient être arrachées à une autorité qui revendiquait une prééminence au-dessus de la société elle-même, et rendues aux serviteurs responsables de la société. Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait « représenter » et fouler aux pieds le peuple au Parlement [4], le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes, comme le suffrage individuel sert à tout autre employeur en quête d’ouvriers, de contrôleurs et de comptables pour son affaire. Et c’est un fait bien connu que les sociétés, comme les individus, en matière d’affaires véritables, savent généralement mettre chacun à sa place et, si elles font une fois une erreur, elles savent la redresser promptement. D’autre part, rien ne pouvait être plus étranger à l’esprit de la Commune que de remplacer le suffrage universel par une investiture hiérarchique. (…)Son véritable secret, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail."

Karl Marx dans "La guerre civile en France"

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