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Quelques thèses sur la question syndicale en vue d’un large débat

12 novembre 2009, 10:47, par Yves Coleman

Cher Max, merci de ta réponse qui ouvre des pistes de réflexion nouvelles, en tout cas pour moi.

"je voudrais savoir si le fait de faire uniquement une analyse, c’est à dire pour toi une description sur certains critères, est un gage de quoi que soit pour parler de lutte de classe ou d’autre chose d’ailleurs."

Une analyse ne se réduit pas à une description.
Mais il faut quand même connaître un minimum la réalité. Je te donne un exemple : des polémiques récurrentes éclatent sur la Résistance. Il est bon de savoir que l’on a recensé à la Libération 200 000 résistants officiels et qu’il y avait en France 40 millions d’habitants. Cela ne nous donne aucune clé pour savoir quelle position il fallait adopter durant l’Occupation face à Vichy et à l’armée allemande, mais cela remet les pendules à l’heure par rapport à ceux qui nous expliquent que la majorité de la population française était résistante, quand on sait que pour obtenir l’homologation du titre de résistant après-guerre il suffisait d’avoir dérobé un tampon dans une mairie ou d’avoir une fois servi de boîte aux lettres.
Idem si l’on parle de la grève actuelle des sans papiers. S’il y a (je prends un chiffre invérifiable mais qui donne un ordre de grandeur) 400 000 personnes en situation irrégulière en France, et que à la louche, 200 000 d’entre eux travaillent, quand on sait qu’il y a 5000 travailleurs sans papiers en grève cela montre que cette grève est pour le moment ultraminoritaire.
Si les journaux d’extrême gauche étrangers qui parlent en ce moment d’une "grève générale" des sans papiers soutenus par tous les syndicats (sic) se renseignaient un peu, cela leur donnerait l’occasion de mettre l’événement dans un cadre plus réaliste. Ce qui bien sûr n’augure pas de l’avenir.
Quand je parle d’analyse je ne parle pas simplement de chiffres élémentaires qu’il vaut mieux connaître, et que l’on peut trouver en épluchant la documentation gouvernementale ou patronale (encore faut-il la connaître et l’analyser) je parle d’un véritable travail d’enquête militante, selon notamment le principe de l’enquête ouvrière. Je renvoie pour cela aux questionnaires rédigés par des militants des groupes allemands Wildcat et Prol position que j’avais traduits et adaptés (y compris pour les étudiants lors de la lutte contre le CPE) http://www.mondialisme.org/spip.php?article484, mais il en existe d’autres, comme celui.... de l’Enquête ouvrière de Marx.
L’équipe des Quaderni Rossi (les inventeurs de l’opéraisme italien) en avait rédigé aussi que j’espère traduire bientôt pour Ni patrie ni frontières.
Autre exemple de réflexion et d’action qui combine intervention sur le local et réflexion globale sur le capitalisme, le site anglais http://gurgaonworkersnews.wordpress.com/ qui se fait l’écho des conditions de vie et de travail dans une zone industrielle de l’Inde sans tomber dans le misérabilisme, et en fournissant des analyses remarquables.
Ce qui caractérise le plus souvent les militants dits révolutionnaires c’est une très faible connaissance du "terrain" sur lequel ils interviennent. Et cela se reflète dans leurs tracts comme dans leur presse. J’ai fait partie d’une cellule Renault (celle de l’Ile Seguin), il y avait plusieurs cellules de LO sur Renault, je n’ai jamais vu la moindre analyse ni réflexion ni sur l’entreprise à l’échelle nationale, encore moins sur l’industrie automobile, à l’échelle française, européenne ou mondiale. Nous raisonnions à partir du vécu des camarades de l’usine (je travaillais mais pas à Renault à l’époque), de leur expérience syndicale, mais nous ne tentions jamais de réfléchir au-delà.
Je milite en ce moment au sein de RESF. Je retrouve dans ce Réseau (qui n’a certes aucune prétention révolutionnaire) les mêmes tares qu’à LO ou dans n’importe quel groupe gauchiste, du moins quant à la réflexion sur le sens et la portée de l’immigration, la question de la lutte contre le thème de l’identité nationale, etc. Autant sur les questions juridiques il y a une bonne mise en commun des tuyaux utiles pour la lutte immédiate, autant au niveau de la réflexion politique c’est soit l’indignation humanitaire pleine de bons sentiments (et souvent paternaliste voire inconsciemment chauvine, du moins sur les listes de discussion interne : "Nous la patrie des droits de l’homme", etc.), soit la délégation de la réflexion à des spécialistes... dont certains sont partisans d’un "bon" contrôle de l’immigration et hostiles à la régularisation de tous les sans papiers.
Or une intervention politique efficace doit marcher sur au moins trois jambes, si ce n’est plus : une présence régulière et active sur le terrain, une réflexion fondée sur une enquête sérieuse, et une mise en perspective de cette action et de cette réflexion locales dans un cadre plus général que la simple défense de X ou Y, ou la grève dans telle ou telle entreprise.
Voilà, je ne sais pas si j’ai bien répondu à la question que je tu posais....

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