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Quelques thèses sur la question syndicale en vue d’un large débat

10 avril 2010, 15:27, par marek

CRISE DU SYNDICALISME ? Barta, janvier 1946
Le Congrès du S.N. des Instituteurs a pris position contre la politique suivie par la C.G.T. Ainsi se sont manifestés publiquement le manque d’unité et la crise profonde que traverse le syndicalisme en France.

Le Congrès du S.N. "revendique hautement pour le mouvement syndical le droit de déterminer démocratiquement sa position". Mais il se garde par ailleurs de préciser concrètement quelle est sa position. La C.G.T. n’a pas fait ce qu’elle aurait dû faire. Mais qu’aurait-elle dû faire ? Le S.N. s’est contenté de reproches formels à l’égard de la C.G.T. qui à son tour critique formellement les partis politiques. (Editorial du Peuple, 22-12-45).

Le fond de l’affaire est soigneusement évité. Toute cette discussion de principe ne vise, en définitive, dans la tête des dirigeants qu’à masquer les responsabilités, et la peur de la lutte qu’ils ont manifestée dans les faits.

Au nom du S.N., Bonissel qualifie de "malheureuses" (!) les paroles prononcées par H. Raynaud au Vel’ d’Hiv’ le 12-12, se déclarant opposé au principe d’une grève générale qui désorganiserait le pays (pourtant, pour ce qui est du désordre, le gouvernement des capitalistes ne craint pas de concurrence...)

Mais que dit Neumeyer, secrétaire de la Fédération des Fonctionnaires et syndicaliste "pur" ?

"... Nous aurions dû avoir recours à la grève générale... Dès à présent, nous pouvons dire qu’une seule considération a arrêté les responsables de l’ordre à donner : la crainte d’engager le pays dans un chaos économique sans précédent qui aurait pu conduire à une véritable révolution, dont l’issue pouvait être très dangereuse à bien des points de vue, surtout après les manifestations de dictature gouvernementales dont nous avions été témoins.

N’ayant pas été jusqu’à ce stade, nous étions forcément amenés à subir la position du gouvernement, comme nous avions subi jusqu’à présent l’augmentation du coût de la vie qu’il avait été incapable d’arrêter. Nous en sommes à peu près là aujourd’hui." (Tribune des Fonctionnaires, 25-12-45).

En réalité, nous étions bien loin de la révolution. Mais les travailleurs révolutionnaires doivent se rappeler qu’un de leurs propres "chefs" a déclaré de lui-même que c’est la crainte de la révolution qui a seule empêché de pousser la lutte jusqu’au bout, et que, à défaut de la pousser jusqu’au bout, il ne reste qu’à subir la volonté du gouvernement.

Mais alors, toutes les rodomontades de Neumeyer, etc..., sur la reprise de la lutte revendicative ne sont que de la poudre aux yeux des travailleurs.

Du stalinien Raynaud au "syndicaliste" Neumeyer, les préoccupations sont les mêmes.

S’ils font montre d’une pareille incapacité et d’une pareille peur de la lutte, c’est qu’ils agissent en défenseurs et provocateurs de la politique bourgeoise au sein du mouvement ouvrier. Voilà pourquoi ils sont obligés de mentir, et pourquoi il y a un tel écart entre leurs paroles et leurs actes. Car si cette politique bourgeoise se montrait sous son vrai visage, pas un ouvrier, pas un travailleur ne la supporterait. Cependant, la lutte de classes fait sauter le masque, et sous la pression des circonstances, il arrive même qu’un Neumeyer dise la vérité !

En même temps que producteur, le travailleur est "citoyen". Aussi la lutte anti-capitaliste se mène-t-elle sur tout les fronts à la fois, sur le plan politique et sur le plan économique. La lutte syndicale – la résistance des masses à l’exploitation économique – n’est qu’un des aspects de la lutte immense qui oppose les exploités et les exploiteurs, et elle reste soumise à sa stratégie générale : la lutte de classe. Il n’existe pas de politique de syndicalisme. L’impuissance et la servilité de la C.G.T. ne viennent pas de la pénétration politique dans ses rangs mais de la pénétration de la politique bourgeoise par l’intermédiaire des partis ouvriers dégénérés. Merrheim écrivait déjà en 1909 que "si les Briand et les Viviani (les Thorez et Tillon de l’époque) n’avaient pas trouvé de domestiques au sein de la C.G.T. pour y faire leur besogne, tout comme ceux de Millerand en 1900, leurs efforts n’eussent pas abouti à cette défiance naturelle qui règne dans les milieux syndicaux... Celle-ci (la crise) n’est pas une crise domestique, mais une crise de domestication". L’"indépendance syndicale" n’est qu’un mot d’ordre réactionnaire si on ne lui donne pas un contenu de classe – et si on lui donne un contenu de classe, comment les travailleurs pourraient-ils mener leur action syndicale "indépendamment" de leur action politique ?

Pourraient-ils dire noir et blanc du même coup, défendre leurs conditions de vie et "gagner la bataille de la production" ?

Au nom de l’"indépendance" du mouvement syndical, les "syndicalistes purs" brisent l’unité du mouvement ouvrier, et par là font la besogne des capitalistes. C’est pourquoi, devant la crise du syndicalisme, nous voyons des bonzes invétérés, qui craignent l’éveil de conscience des masses, se raccrocher si vite à la branche pourrie du "syndicalisme pur".

La question en fait est la suivante : qui impulse les syndicats, qui exerce son hégémonie sur eux ? Si c’est la bourgeoisie, nous aurons toute la gamme des syndicats larbins actuels jusqu’aux "syndicats" fascistes. Si c’est le prolétariat, nous aurons des syndicats de combat, non pas "indépendants", mais intimement liés à l’ensemble de la lutte ouvrière. De quoi celle-ci a-t-elle besoin ?

Le mouvement communiste est la forme la plus évoluée, la plus consciente de la lutte de classe. Il est la théorie pratique du mouvement ouvrier qu’il représente, dit Marx, en totalité. Comment alors pourrait-il entrer en contradiction avec un des aspects principaux (le syndicalisme) du mouvement ouvrier ? En fait, au nom de l’indépendance syndicale, nous assistons à un règlement de comptes entre ex-unitaires et ex-confédérés. Les cliques embourgeoisées et leurs idéologies divisent et empoisonnent les syndicats. Le rôle des ouvriers révolutionnaires, communistes, c’est d’unifier les syndicats sur la base de la lutte.

La complète indépendance vis-à-vis de la bourgeoisie, l’hégémonie prolétarienne réalisée grâce au parti révolutionnaire : voilà comment résoudre la crise syndicale.

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