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Albert Camus : Chroniques Algériennes

5 janvier 2010, 20:04, par Robert Paris

En 1939, Camus publie, dans divers journaux, des articles dénonçant la politique de répression contre les nationalistes algériens et l’étouffement de toutes les revendications du PPA (Parti du peuple algérien) ; un historien comme Charles-Robert Ageron en parle comme d’« une voix où la générosité s’alliait à l’intelligence politique ».
Mais ce qui a le plus grand retentissement, c’est la série d’articles qu’il publie en juin 1939 dans Alger républicain sous le titre « Misère de la Kabylie » : onze longs articles, fruit d’une enquête de terrain, qui montrent précisément cette misère, dénoncent le système colonial qui la produit et reconnaissent la justesse des revendications d’une « vie plus indépendante et plus consciente » et des initiatives prises en ce sens par les indigènes. Camus y dit nettement sa honte de ce que la France a fait – et surtout n’a pas fait.
En mai 1945, à la suite des émeutes dans le Constantinois, Camus enquête sur place et publie dans Combat six articles où, contrairement à la majeure partie de la presse française, il dénonce la violence de la répression et affirme la fin inéluctable des « impérialismes occidentaux ». Il prend la défense des nationalistes algériens, modérés comme Fehrat Abbas, ou plus radicaux comme Messali Hadj. « C’est la justice qui sauvera l’Algérie de la haine », conclut-il, mais en vain : ce qui deviendra la guerre d’Algérie est déjà commencé. (…)
endant toute cette période, Camus reste en lien avec des militants algériens, en France et en Algérie – même quand ils ne partagent pas ses positions, comme c’est le cas avec Feraoun. Il soutient les initiatives de ceux qui, comme Kessous, plaident pour une « communauté algérienne ». Par ailleurs, des témoignages concordants (Germaine Tillion, Jean Daniel) révèlent qu’à de nombreuses reprises, il intervient directement à l’Elysée pour obtenir la grâce d’indépendantistes condamnés à mort. (…)
Il ne plaide pas pour le maintien du système colonial mais pour une coexistence pacifiée des deux communautés sur la terre d’Algérie, dans une justice instaurée par la redistribution des terres – rêve figuré au premier chapitre du roman par la naissance de l’enfant sous le signe de l’harmonie raciale : sa mère européenne est aidée dans son accouchement par une femme arabe, tandis qu’au dehors son père européen s’abrite de la pluie sous le même sac qu’un vieil Arabe. La littérature peut dire ce qu’une parole directe ne peut plus faire entendre.
(…) Même sans prendre le parti de l’indépendance de l’Algérie, il a été fermement anticolonialiste ; et il a rêvé que le mouvement historique de décolonisation puisse revêtir des formes non-violentes. Il a pressenti les dangers d’un pouvoir aux mains du FLN ; l’histoire de l’Algérie après l’indépendance a confirmé quelques-unes de ses pires craintes. Il a ardemment espéré la coexistence de deux peuples sur une même terre ; c’est une utopie plus actuelle que jamais, une utopie qui trouve parfois sa réalisation.

Agnès Spiquel

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