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Chronologie syndicale des luttes ouvrières en France et dans le monde - Les raisons de la défaite -

25 octobre 2010, 18:26, par Toto

Le rôle de la gauche au gouvernement

Sur le front social, entre septembre 1981 et juin 1982, on assiste à une augmentation importante (+50 %) des conflits localisés, c’est-à-dire touchant un seul établissement. Dans de nombreuses entreprises moyennes éclatent des grèves sur les salaires. Surtout, c’est la question des 39h qui alimente cette vague de luttes. Par rapport à 81, le nombre de journées de grève dépasse les deux millions pour le seul secteur des entreprises publiques et privées.

Le texte du gouvernement sur les 39h ne pipe pas mot des compensations salariales. Les patrons s’engouffrent dans la brèche et cherchent à remettre en cause de nombreux acquis. Les dirigeants politiques s’inquiètent et finalement imposent les 39h payées quarante. Ils désamorcent ainsi le mouvement.

Mais le foyer de la lutte des classes en ce début des années 80, c’est le secteur automobile. Les travailleurs de l’automobile passent à l’offensive. Le premier choc a lieu dans l’entreprise Citroën, aux pratiques particulièrement rétrogrades, où la grève éclate pour la conquête des droits syndicaux. Le gouvernement appuie cette lutte et le syndicat CGT va profiter de la victoire pour s’implanter dans cette branche. Pour les dirigeants politiques, c’est le moyen d’avoir un interlocuteur. Dans ce mouvement victorieux, il faut noter la forte implication des OS (ouvrier spécialisés), les plus souvent d’origine immigrée.

Dès le début, l’attitude des syndicats est claire. Au sein des gouvernements Mauroy, des membres de la CFDT font leur entrée dans les cabinets ministériels, plus marginalement FO et les syndicats d’enseignants sont présents. Quant à la CGT, avec l’entrée des communistes dans le gouvernement, elle s’aligne symétriquement sur la ligne du PCF. Les bureaucraties syndicales sont intégrées dans la gestion.

Fabius et le tournant libéral (83-85)

De janvier à avril 83, des vagues de grèves sur les salaires (revendication uniforme de 300f) éclatent à nouveau dans l’automobile. Les travailleurs, confiants suite à leurs succès de 82, s’opposent au blocage des salaires. Elles touchent les usines Fiat, Chausson à Genevilliers, Citroën, Renault. Mais les élections municipales approchent et la droite, favorite, mène campagne sur des thèmes racistes. Le gouvernement, par la bouche du Premier ministre dénonce les "extrémistes religieux" qui manipuleraient les travailleurs de confession musulmane. La CGT met tout son poids dans la balance pour inciter à la reprise, et réussit dans son rôle de briseur de grèves, empêchant toute généralisation.

Les élections municipales sont mauvaises pour la gauche et le Front National réalise déjà des percées localement.

La politique du gouvernement se durcit avec le plan de rigueur de mars 83, et quelques mois plus tard un "jeune" technocrate devient Premier ministre : Laurent Fabius (actuellement ministre de l’économie). Il incarne le tournant libéral et la totale adhésion des dirigeants socialistes à la politique d’austérité, en vigueur partout ailleurs en Europe. La monnaie nationale reste dans le système monétaire européen.

En 1984, dans l’entreprise Talbot, un atelier de 3000 salariés (sur les 14 000 que comptent l’usine) se met en grève contre des licenciements, c’est la CFDT qui mène la lutte. Ce conflit intervient après une série de revers partiels dans ce secteur automobile. Sur le plan local et national, la CGT va se conduire à nouveau en briseur de grève, quant à la direction de la CFDT elle ne fera rien pour briser l’isolement de cette grève.

C’est une défaite locale, dans l’isolement, mais qui marque la fin de la combativité dans ce secteur, le seul où elle s’était maintenue. La défaite dans l’automobile est aussi importante que celle de la sidérurgie en 1979.

Le gouvernement annonce d’ailleurs des dizaines de milliers de licenciements dans la sidérurgie, la direction de Renault programme 20 000 licenciements avant la fin de 86. Il y a peu de réactions. En 1983, le nombre de chômeurs atteint les deux millions. Si dans la fonction publique les grèves se multiplient entre 1983-84, contre l’austérité, elles ne peuvent inverser la tendance. Le rapport de force est en faveur du gouvernement et du patronat qui ont les mains libres.

En 1984, il y a encore des élections, cette fois pour les Européennes, sur fond de forte abstention. Le Front National fait presque jeu égal avec le PCF qui recueille 11 % des votes, il a obtenu deux millions de voix. Cette percée des fascistes va se confirmer dans les années suivantes. Par son audience et son idéologie, le FN va tirer tout l’échiquier à droite.

Le PS va se lancer dans la surenchère, ainsi lors d’un débat à l’assemblée, G. Dufois se targue d’avoir organisé 12 000 expulsions d’immigrés clandestins. En matière de sécurité comme de politique de l’immigration, la gauche veut prouver qu’elle peut faire aussi bien que la droite.

Fabius, pour désigner la politique qu’il mène, parle de "sale boulot". Mais cette politique, orthodoxie budgétaire et gestionnaire, n’est pas neutre au niveau social. Les milieux gouvernementaux en viennent à pourchasser l’esprit de protestation et de lutte avec lequel la gauche s’identifiait plus ou moins avant 1981.

Ainsi, dans le programme de 1981 les socialistes promettent d’accorder le droit de vote aux immigrés. Une fois au pouvoir, ils régularisent 300 000 sans-papiers, mais le ministre de l’Intérieur, G. Deferre, maintient les contrôles d’identité (au faciès) et les expulsions. En 1983, Maire de Marseille, il mène campagne et sur ses affiches on peut lire : "La droite, 20 ans d’immigration sauvage. Avec la gauche, enfin un contrôle vigilant dont on mesure les effets."

La montée du FN est spectaculaire, il passe de 0,1 % aux législatives à 10 % en 1984. En 1986, aux élections législatives du scrutin proportionnel, le Front confirme son score et entre à l’assemblée avec une trentaine de députés. Mais cette moyenne cache des résultats qui localement sont inquiétants. Ainsi à Marseille, le FN obtient 24 %, et 22 % dans le département des Bouches-du-Rhône. Quelle est la part de démagogie de la politique Deferre dans cette ascension ?

La gauche porte une lourde responsabilité dans ce retour du fascisme. Sa politique a démoralisé les salariés, des régions entières ont été désindustrialisées. Elle a non seulement géré le système dans le sens des intérêts de la bourgeoisie, mais a aussi joué la carte raciste, "diviser pour mieux régner".

L’échec de la gauche en 1986 n’est pas vraiment une surprise.

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