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Qu’est-ce que la conscience ?

20 avril 2010, 15:19, par robert paris

« La plupart des neurobiologistes admettent plutôt qu’on ne saurait localiser la conscience, cette dernière résultant de l’interactivité d’une mosaïque de processus allant de la conscience liminaire à la conscience de soi. Cependant, cette absence de localisation, ou d’isolement d’un processus spécifique, ne les empêche pas de définir la conscience : il s’agit d’un événement subjectif, expérience de la présence unique, holistique, impartageable. (…)

La conscience suppose des disparités synchroniques

Le degré de conscience ne résulte pas de la quantité de neurones au travail en même temps dans le cerveau ni de l’intensité de leur activité. Une activité neuronique, en l’absence de conscience, peut être égale ou même plus forte que pendant la conscience : dans les crises d’épilepsies, par exemple, les neurones sont hyperactifs. De même, pendant le sommeil, on suppose parfois que l’activité des neurones diminue et qu’il en résulte une perte de conscience. Or le taux d’activité des neurones pendant le sommeil est égal à celui de la veille. Comme le remarquent Edelman et Tononi, la proportion de neurones en activité peut même augmenter pendant le sommeil dans certaines aires corticales. Ils ajoutent aussi que ce qui provoque « un changement net entre veille et sommeil, ce n’est pas le taux d’éveil des neurones, mais leur structure d’éveil. » Le sommeil se distingue de la veille par une telle structure : la conscience éveillée s’accompagne d’une activité du cerveau suffisamment différenciée entre des aires distinctes. Au contraire, le sommeil se caractérise par une grande homogénéité des états cérébraux : les discriminations fonctionnelles entre les différentes aires tendent à s’uniformiser. Indice de la conscience, la disparité s’évanouit lorsque l’ensemble des neurones fonctionne en synchronie (comme c’est le cas lors des crises d’épilepsie ou pendant le sommeil profond).

La conscience dépend de la complexité associative de plusieurs aires, elle ne se réduit pas aux sous-ensemble de neurones qui la supportent (ce n’est pas une fonction localisable). Lorsque les assemblées de neurones sont synchrones, la conscience s’évanouit. En période d’activité consciente, les neurones du système thalamocortical s’éveillent seulement par à-coups, de une à quatre fois par seconde. »Dans les conditions spéciales de la crise d’épilepsie généralisée ou du sommeil profond, au contraire, cette structure se synchronise : on observe alors un EEG hypersynchrone qui correspond à l’éveil à l’unisson des cellules corticales. Cette réduction du différentiel est incompatible avec la conscience. L’éveil intégré de l’ensemble du cerveau s’accompagne d’un évanouissement de la subjectivité. Contrairement à ce qu’ont imaginé les neurophysiologistes du rêve, l’activité onirique a très peu de chance de se produire pendant le sommeil profond, puisqu’il faut un certain niveau de complexité pour susciter la conscience (qui existe aussi à l’intérieur même des rêves).

La disparité d’excitation entre plusieurs aires du cerveau signifie que la conscience résulte d’une comparaison entre un événement actuel et un événement passé ou virtuel. Elle juge et adapte l’action aux événements en cours. (…)

Pourquoi la conscience devrait-elle jaillir sous prétexte que plusieurs aires sous prétexte que plusieurs aires sont connectées entre elles ? Il existe à cet égard une adéquation entre le fonctionnement de l’appareil psychique que décrit la psychanalyse et ce qu’expose un neurophysiologiste comme Edelman. Du point de vue psychanalytique, le départage du conscient et de l’inconscient réclame lui aussi la connexion de plusieurs instances distinctes, celles qui concernent la pulsion et celles qui régissent l’effectuation de la parole. La disparité de synchronisation entre les aires est du même ordre que celle qui existe entre le système pulsionnel (qu’il faut refouler) et la pensée (qui autorise la conscience). La différence de potentiel entre plusieurs aires témoigne du travail de refoulement. A telle enseigne que, lorsque le refoulement échoue et que toutes les aires sont hypersynchrones en même temps, la conscience s’abolit.

Les disparités de niveau entre les aires connectées provoquent la conscience : cette étincelle jaillit dans la différence de potentiel existant entre les aires de la sensation et celle du langage. La conscience d’un sujet résulte du refoulement du danger de la pulsion, grâce à un processus réentrant dans le système symbolique. Il s’agit de passer d’un système d’information explosif à un autre qui le désamorce. Réentrer équivaut à refouler. (…)

Classiquement, la conscience réclame un acte réflexif, mais qu’est cet acte réflexif ? (…) Lorsque le sujet nomme sa perception, il fait déjà un pas vers la conscience. (…) Ce n’est pas la réflexivité en général qui qualifie la conscience humaine, mais la réflexivité discursive : le fait qu’un mot se définisse par un autre mot. »

Gérard Pommier dans "Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse"

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