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Classes sociales en Haïti

29 novembre 2010, 19:41, par Placius Jean Alexis

Dans bien de pays, la notion d’élite économique est souvent employée d’une manière pratique, déterminant la Bourgeoisie comme étant l’une des principales bases sur laquelle repose la structure économique. Elle contribue à l’action historique par son poids dans l’ensemble du processus de prise de décisions et dans les actions économiques à l’intérieur de leur société.

Mais en Haïti, l’image de la modernité bourgeoise que reflètent les pays développés est quelque peu illusoire. La bourgeoisie telle qu’elle s’est développée dans ces pays a pu, tout en renforçant sa propre puissance, élaborer une idéologie. Contrairement à la notre, c’est une bourgeoise dynamique, instruite qui a réussi pleinement son entreprise d’accumulation de capital et a donné à leur nation un minimum de prospérité.

Sur ce point, il est normal de dire qu’en Haïti il n’existe pas de véritable bourgeoisie, mais plutôt une sorte de petite caste aux dents longues, avide et vorace, dominée par l’esprit unique de profit venant de leur petit commerce. Le jour où un gouvernement s’arroge le droit d’exiger d’elle de payer des taxes - le jour où leurs intérêts mesquins sont menacés, ne soyez pas étonné si vous voyez ces bourgeois dans les rues de Port au Prince, au milieu de quelques manifestants naïfs, brandissant énergiquement leurs pancartes avec des slogans on ne peut plus nationalistes pour demander le départ de ce dit gouvernement. Ils seront prêts à vous proposer des réformes de tout genre, et même un contrat dit Social dans le but de feindre de faire quelque chose de bien ou de sérieux.

En fait, où est donc passé le fameux « Groupe 184 » avec son contrat social décrivant ses prétentions de vouloir : refonder la société, bâtir un nouvel état, combattre la discrimination et l’exclusion, développer le pays, lutter contre la misère, sauvegarder l’environnement, définir d’autres repères pour Haïti, démocratiser le savoir et combattre l’ignorance ?

Toutes ces idées se sont volatilisées, une fois que les technocrates ont pris le pouvoir après le départ de Jean Bertrand Aristide et leur ont donné tout ce qu’ils désiraient ; une fois la course au pouvoir terminée, André Apaid Junior et ses acolytes (Charles H. Baker, André J. Lafontant, Yannick Lahence ect.) enlèvent tous leurs pions sur l’échiquier politique et social du pays.

De là, on peut se demander : A quoi sert cette bourgeoisie ? La phase bourgeoise dans l’histoire d’Haïti n’est-elle pas une phase inutile ? Avec elle, Depuis plus d’un demi-siècle il n’y a jamais eu une vraie croissance économique durable, à chaque fois il faut tout reprendre et repartir à zéro.

L’économie nationale est aujourd’hui, littéralement dirigée ; le budget est alimenté à plus de 60% par des prêts et des dons provenant de la coopération externe. Cette bourgeoisie n’arrive même pas à arracher de l’occident ses concessions spéculatives : investissements intéressants pour l’économie, mise en place de certaines industries.

De plus parce qu’elle est crispée dans ses intérêts immédiats, parce qu’elle ne voit pas plus loin que le bout de ses ongles, elle se révèle incapable d’édifier la nation sur des bases économiques solides et fécondes. Cette Bourgeoisie est tout à fait médiocre dans ses réalisations aussi bien que dans sa pensée et tente de masquer cette médiocrité par des constructions prestigieuses à l’échelon individuel à Pétion Ville, Belle Vil, Vivi Michel et autres ainsi que par des voitures flambants neuves valant plus de 60 mille dollars usd, par des vacances en Europe et des week ends aux bords des plages.

Il n’y a rien de plus écoeurant que de les voir, tôt le matin, (descendre) dans leurs entreprises situés autour des orgies de boue, de détritus et, retourner chez eux, dans l’après-midi, dans leur univers de confort et de luxe. Nous admettons qu’à l’intérieur de leurs voitures climatisées ils ne peuvent pas prendre l’odeur infecte de certaines zones de la capitale, mais nous nous demandons : qu’est ce qui peut bien les empêcher de voir la fresque dépravante et laide de la capitale ?

Le fait qu’elle soit bornée dans ses idéologies, et parce qu’elle est fermée sur elle-même, coupée du peuple, minée par son INCAPACITÉ CONGÉNITALE à penser à l’ensemble des problèmes en fonction de la totalité de la nation, la bourgeoisie Haïtienne reste passive et continue à assumer son petit rôle de négociants et de gérants d’entreprises et d’industries familiales dans lesquelles elle exige des ouvriers, pour 85 gdes/jrs, un travail énorme au nom bien sur de l’effort national.

Les bénéfices énormes qu’elle empoche, compte tenu du revenu national, ne sont pas réinvestis, tandis que de leur coté le prolétariat des villes, la masse des chômeurs, les petits artisans continuent à mourir de faim, le peuple stagne lamentablement dans une misère insupportable.

Elle s’en fout complètement et continue par tous les moyens, corruption comprise, à annexer à son profit la totalité des richesses du pays, enrichissement scandaleux, rapide et impitoyable.

On a une bourgeoisie en esprit, caractérisée par leur petit nombre, leur concentration dans la capitale et leurs ACTIVITÉS DE PETIT NÉGOCE, on ne trouve pas en son sein ni d’industriels, à proprement parler, ni de financiers.

Elle n’est pas orientée vers la production, l’invention, la construction et le travail, elle est entièrement canalisée vers des activités intermédiaires. Etre dans la combine, telle semble être sa vocation profonde.

Certaines familles bourgeoises haïtienne, en exemple, la famille Brandt avec Fritz et David (incarcérés depuis plus de deux mois pour fraude douanière), ne trouvent pas suffisants les bénéfices démesurés qu’elles ont soutirés de l’exploitation du peuple haïtien, se plongent à fond dans la corruption pour augmenter plus grandiosement le capital familial.

Peut-on imaginer le nombre de temps qu’elles ont à patauger dans ce circuit ? Peut-on compter le nombre de famille bourgeoise haïtienne qui fonctionne dans ce circuit de contre bande et de corruption pour amasser facilement l’argent de l’état en l’occurrence celui de peuple haïtien ? On n’en saura jamais ! Par son comportement, la Bourgeoisie haïtienne rappelle les MEMBRES D’UN GANG qui, après chaque Hold Up, partagent le butin avec ses coéquipiers et leurs familles en préparant sagement la retraite.

Vilfredo Pareto dans « le traité de la sociologie Générale » a fait une distinction entre l’élite gouvernementale et l’élite non gouvernementale mais ce qu’il a appelé l’élite non gouvernementale n’en est pas moins que l’autre une élite de pouvoir.

Notre bourgeoisie ne détient pas, certes, d’autorité politique, mais elle exerce un pouvoir sur d’autres secteurs, notamment dans le domaine économique ; elle exerce aussi une influence considérable sur les décisions que prennent nos dirigeants, sans toutefois, détenir de postes d’autorité et sans avoir de pouvoir reconnu, décrivant son attitude, depuis plus d’un siècle, à pratiquer une politique de doublure.

C’est à la fois la misère du peuple et l’enrichissement désordonné de la caste bourgeoise, son mépris étalé pour le reste de la nation qui durcisse nos réflexions et nos attitudes.

Aujourd’hui, par craintes ou pour bénéficier de leurs faveurs certains ont tendance à cautionner l’entreprise de cette caste et ferment les yeux sur leur insolence, leur incapacité, leur ignorance, leur médiocrité et leur immoralité foncière. Tandis que dans le pays la plus grande misère continue à côtoyer la plus grande richesse.

Cette dernière qui consiste pour cette BOURGEOISIE RAPACE une sorte de carapace qui l’empêche de voir le calvaire et la souffrance qui l’entoure. Mais, par-dessus tout ON GARDE L’ESPOIR ; l’espoir que cette dite bourgeoisie se justifie, l’espoir qu’un jour, elle contribue par sa puissance économique à édifier une nation au lendemain meilleur, à créer des conditions de développement d’un prolétariat important, à industrialiser l’agriculture, à réaliser des investissements importants pour une croissance continue, un développement durable, et rendre possible enfin, une authentique culture nationale.

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