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Pour le premier anniversaire du tremblement de terre en Haïti

13 janvier 2011, 08:43, par eugene

Même "Le Monde", peu suspect de radicalisme écrit :

"Deux enquêtes épidémiologiques (1) internationales ont confirmé que la source de l’épidémie provenait du camp népalais de la Minustah, situé près de Mirebalais, dans le centre du pays. Les déchets produits par le camp infecté ont été déversés - « en quantités phénoménales », selon le premier rapport - dans un affluent du fleuve Artibonite, le plus important du pays.

L’épidémie a déjà officiellement causé plus de 3 000 décès et affecté plus de 52 000 personnes. Mais, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (2), le nombre de cas pourrait atteindre 70 000, la maladie touchant environ 400 000 personnes au cours des douze prochains mois. De leur côté, les autorités sanitaires et les organisations non gouvernementales (ONG) se déclarent impuissantes à enrayer la contagion.

Ces révélations viennent ébranler la crédibilité de la force internationale dirigée par le Brésil, dont l’efficacité a déjà été mise en question. Alors que l’incertitude sur l’issue du scrutin électoral et les suspicions de fraude provoquent une nouvelle flambée de violence dans la capitale, Port-au-Prince, que près d’un million de personnes vivent toujours dans des campements insalubres livrés aux gangs, l’action onusienne est ressentie une nouvelle fois comme un échec, échec d’ailleurs pleinement reconnu par M. Ricardo Seitenfus, qui représente l’Organisation des Etats américains (OEA) en Haïti depuis 2008 : « Haïti est la preuve de l’échec de l’aide internationale », a-t-il concédé dans une entrevue accordée au journal suisse Le Temps le 20 décembre. Immédiatement après ces propos, le haut fonctionnaire a été rappelé au siège de l’organisation.

La Minustah est la cinquième mission de maintien de la paix organisée sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU), qui compte dix-sept ans de présence dans le pays (3). Elle a fait suite à l’intervention américaine qui renversa le président élu Jean-Bertrand Aristide : son mandat de « restauration de la démocratie » ne manqua pas de susciter quelques doutes parmi la population. Lors du lancement de la mission, en juin 2004, le secrétaire des Nations unies, M. Kofi Annan, ne dissimulait pas ses inquiétudes :« Tâchons cette fois de réussir », avait-il lancé.

Peu cependant réclament encore ouvertement le départ immédiat des casques bleus. Ceux-ci représentent le fragile, mais dernier espoir de sécurité dans un pays dévasté et en proie à l’instabilité politique permanente, qui ne dispose plus d’aucune structure de protection civile efficace. Mais ils doivent cependant faire face à de sérieuses difficultés d’organisation : ils rassemblent plus de 7 800 militaires, 2 136 policiers (UNPOL) et plus de 2 000 civils, originaires de pas moins de 41 nations (principalement du Sud), et la coordination logistique s’est révélée d’une complexité insurmontable pour le commandement brésilien, encore inexpérimenté dans ce genre de mission.

Pis : la force multinationale a connu de nombreux scandales. Deux ans après le début de la mission, le chef de la police haïtienne, M. Mario Andresol, a dû reconnaître la collusion qui liait les gangs du bidonville de Cité-Soleil aux services de police et au contingent de casques bleus jordaniens (4). En novembre 2007, 108 soldats sri-lankais étaient rapatriés pour avoir eu recours à des prostitué(e)s mineur(e)s (5). Le mois suivant, une enquête révélait que des employés onusiens s’étaient rendus coupables de mauvaise gestion, de fraudes et de malversations à hauteur de 610 millions de dollars (6). Enfin, la mort du précédent chef militaire de la mission, le lieutenant-général brésilien Urano Bacellar, dans sa chambre d’hôtel à Port-au-Prince, le 6 janvier 2006, demeure un événement parmi les plus troubles qui entourent la mission.

Car même sur le volet de la sécurité, le bilan de la Minustah est décevant. Dans une situation de guérilla urbaine, ni les coûteux équipements ni les stratégies militaires ne se sont révélés adaptés pour affronter des gangs qui circulent et se cachent à leur aise dans les bidonvilles de la capitale. Les troupes essuient régulièrement des tirs dans ces zones et les répliques de la part des casques bleus font des victimes dans la population. Les méthodes musclées de la police ont d’ailleurs été épinglées par Amnesty International, qui accuse la Minustah de l’appuyer dans des actes de violation systématique des droits humains, principalement dans les quartiers défavorisés (7). En janvier 2006, la population s’était émue après que les casques bleus eurent ouvert le feu sur des Haïtiens qui protestaient, à la frontière dominicaine, contre la mort de vingt-cinq Haïtiens retrouvés asphyxiés dans le pays voisin.

Ces trop nombreuses affaires ont avivé la colère de la population haïtienne, qui voit s’ajouter à ses épreuves une épidémie ravageuse. Lasse, elle demande à savoir quand les soldats se retireront.

La spécificité du contexte politique, social, historique et géographique fait de la Minustah une mission des plus délicates ; l’armée américaine le sait bien, qui a encerclé les bidonvilles lors de son intervention en 2004 pour empêcher un soulèvement populaire en faveur de M. Aristide, avant de laisser le Brésil se charger de la gestion de la situation."

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