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Lutte des classes en Egypte en 2006-2009 - C’est la classe ouvrière qui a commencé à ébranler le régime - Ni les Frères musulmans ni El Baradei ni les généraux ne doivent gouverner : c’est aux travailleurs et aux jeunes de prendre le pouvoir par leurs comités !!!

19 novembre 2018, 06:57

La chute d’Hosni Moubarak a d’importantes et multiples répercussions sur le plan social. Conscients que la brèche est ouverte, les travailleurs égyptiens s’y engouffrent mais les syndicats leur disent qu’il s’agit seulement d’affirmer leurs revendications. Une vague énorme de luttes sociales se propage sur l’ensemble du territoire sous la forme de grèves, manifestations ou sit-in d’ouvriers, d’employés, de paysans.

Outre les motifs économiques classiques, s’expriment aussi des demandes de renvoi de responsables d’usine, des dénonciations pour mauvaise gestion ou corruption. Leur rythme connaît une pointe en mars-avril, notamment dans le textile, les transports ou la zone du canal sans pour autant que cesse le trafic maritime.

Malgré les mises en garde de l’armée, les grèves et les protestations se poursuivent. Pour endiguer le mouvement, le
CSFA élabore le décret n°34, le 23 mars 2011, qui interdit les grèves, les manifestations, les sit-in et les rassemblements et prévoit des peines allant jusqu’à un an de prison et une amende d’au moins 100 000 livres (12 500 euros). La police militaire intervient aussi dans les conflits.

Mais cela n’y change absolument rien. Les conflits se poursuivent. Sur le plan politique, les syndicats se limitent à l’exigence de démocratie, et les revendications portent sur des réformes et des décisions en faveur des travailleurs et de leurs droits syndicaux. Les ouvriers de l’Autorité du canal de Suez débutent un long conflit avec grève, rassemblements, manifestations, sit-in, blocages de routes dans les villes de Port Said, Suez et Ismaïlia. Les travailleurs réclament l’intégration de 40% des primes dans le salaire de base, une augmentation de 7% des salaires et une hausse de la prime de repas. La démission du président de l’Autorité du canal de Suez est en jeu.

Les secteurs et les localités touchés sont si nombreux qu’il reste difficile d’en dresser la liste exhaustive. Les autorités veulent poursuivre les grévistes et les faire juger par des tribunaux militaires qui poursuivent déjà des manifestants. Le 29 juin 2011, le tribunal militaire de Madinet Nasr (Le Caire) condamne à un an de prison avec sursis cinq ouvriers de la compagnie pétrolière Petrojet, pour avoir participé devant le ministère du Pétrole à un sit-in contre des licenciements. Le 3 juillet, cinq travailleurs de l’Autorité du canal en grève sont interrogés par le procureur militaire.

Les autorités font aussi des concessions par secteur, par exemple dans le cas emblématique de Mahalla, la santé ou la poste. Ces actions, largement spontanées et indépendantes des groupes militants, obtiennent une série de victoires sur leurs revendications ou dans leur rejet des anciennes directions syndicales. Des syndicats indépendants se forment. Dans de nombreux endroits les syndicats officiels sont dénoncés et leur dissolution exigée.

Le premier mai, les syndicats indépendants manifestent place Tahrir alors que la FGSTE rend hommage aux martyrs de
la révolution lors d’une cérémonie organisée sous le patronage du maréchal Hussein Tantawy, chef du CSFA. Une
manifestation devant le siège de la FGSTE regroupe quelques milliers de personnes. Des manifestants tentent de pénétrer dans
les locaux et exigent que la fédération soit dissoute et son président chassé. Les principales revendications concernent
l’adoption d’une nouvelle loi du travail légalisant la formation de syndicats indépendants et établissant un salaire minimum et
un salaire maximum.
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L’armée tente en vain d’arrêter la grève des travailleurs du canal. Elle intervient, tirant à balle réelle et en l’air le 19 juin à
Suez. La veille à Ismaïlia, un officier a fait de même pour empêcher les grévistes d’envahir le bâtiment de l’administration
de l’Autorité du canal de Suez. Les travailleurs de l’Autorité du canal de Suez sont 8 600 et appartiennent à sept entreprises du
secteur public. Signé le 19 avril 2011, un accord qui prévoyait l’intégration de 40% des primes dans le salaire et 7% de hausse
des salaires n’est pas encore appliqué au premier juin comme il était prévu. Seule, une augmentation de l’indemnité de repas de
2 livres (0,25 euros) au lieu de 4 est obtenue. La grève se poursuit.

Ces grèves représentent une véritable rupture. Leur caractère massif en atteste. Les autorités tergiversent sur les principales questions (législations sociales, FGSTE…). Le patronat résiste, arguant de difficultés de trésorerie, notamment pour le salaire minimum. Face à la monté des protestations et leur impact en parallèle des manifestations politiques, les autorités cherchent à obtenir une stabilisation et sont de plus en plus autoritaires face aux mobilisations. Le ton des manifestations change. Les travailleurs demandent la fin de la nomination de militaires à la tête des départements de ministères, l’arrêt des jugements de civils par des tribunaux militaires, l’abrogation du décret antigrève, la dissolution de la FGSTE, un salaire minimum de 1 200 livres (140 euros) et un salaire maximum ne dépassant pas quinze fois le salaire minimum, l’indexation des salaires sur les prix.
La vague de grèves de septembre implique particulièrement les secteurs de l’enseignement, les transports publics, la poste, les raffineries de sucre, les médecins. De nombreuses grèves spontanées éclatent. Les résistances se poursuivent, même si elles sont moindres pendant la période des élections législatives qui s’étalent de novembre à début janvier.
Les perspectives budgétaires s’avèrent défavorables aux travailleurs. Le 4 janvier, un décret réduit les dépenses de l’État de 14,3 milliards de livres (1,8 milliard d’euros). Les salaires des agents du secteur public sont affectés avec une réduction de 4 milliards de livres (500 millions d’euros). Trois milliards de livres supplémentaires (375 millions d’euros) sont prélevés sur les réserves salariales. Les autorités envisagent de réduire de 10% les primes du public, ce qui signifie une réduction de quelque 8% des salaires : les primes et les indemnités constituent en effet environ 80% d’un revenu du secteur public.
L’augmentation de 10% des retraites des fonctionnaires prévue pour le 1er janvier 2012 est reportée. Une réduction des subventions et une augmentation des taxes sont décidées.

Depuis le 25 janvier 2011, l’Égypte vit une période d’intensification des conflits sociaux par rapport à 2007-2008, mais jamais la question ouvrière n’est posée par les syndicats sur le plan politique, par un programme de transformation de la société…

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