Accueil > ... > Forum 45543

Le "socialiste" Proudhon contre les femmes

9 mai 2019, 13:47, par Robert Paris

Effectivement, "Qu’est-ce que la propriété ?" était salué par Marx de la manière suivante :

Lettre de Karl Marx à J.-B. Schweitzer

Londres, le 24 janvier 1865.
Monsieur,

(...) J’ai reçu hier la lettre dans laquelle vous me demandez un jugement détaillé sur Proudhon. Le temps me manque pour répondre à votre désir. Et puis je n’ai sous la main aucun de ses écrits. Cependant pour vous montrer ma bonne volonté, je vous envoie, à la hâte, ces quelques notes. Vous pourrez les compléter, ajouter ou retrancher, bref en faire ce que bon vous semblera.
Je ne me souviens plus des premiers essais de Proudhon. Son travail d’écolier sur la Langue universelle témoigne du sans-gêne avec lequel il s’attaquait à des problèmes pour la solution desquels les connaissances les plus élémentaires lui faisaient défaut.

Sa première œuvre : Qu’est-ce que la propriété ? est sans conteste la meilleure. Elle fait époque, si ce n’est par la nouveauté du contenu, du moins par la manière neuve et hardie de dire des choses connues. Les socialistes français, dont il connaissait les écrits, avaient naturellement non seulement critiqué de divers points de vue la propriété [96], mais encore l’avaient utopiquement supprimée. Dans son livre, Proudhon est à Saint-Simon et à Fourier à peu près ce que Feuerbach est à Hegel. Comparé à Hegel, Feuerbach est bien pauvre. Pourtant, après Hegel il fit époque, parce qu’il mettait l’accent sur des points désagréables pour la conscience chrétienne et importants pour le progrès de la critique philosophique, mais laissés par Hegel dans un clair-obscur [97] mystique.

Le style de cet écrit de Proudhon est encore, si je puis dire, fortement musclé, et c’est le style qui, à mon avis, en fait le grand mérite. On voit que, lors même qu’il se borne à reproduire de l’ancien, Proudhon découvre que ce qu’il dit est neuf pour lui et qu’il le sert pour tel.

L’audace provoquante avec laquelle il porte la main sur le “ sanctuaire ” économique, les paradoxes spirituels avec lesquels il se moque du plat sens commun bourgeois, sa critique corrosive, son amère ironie, avec çà et là un sentiment de révolte profond et vrai contre les infamies de l’ordre des choses établies, son sérieux révolutionnaire, voilà ce qui explique l’effet “ électrique ”, l’effet de choc que produisit Qu’est-ce que la propriété ? dès sa parution. Dans une histoire rigoureusement scientifique de l’économie politique, cet écrit mériterait à peine une mention. Mais ces écrits à sensation jouent leur rôle dans les sciences tout aussi bien que dans la littérature. Prenez, par exemple, l’Essai sur la population de Malthus. La première édition est tout bonnement un pamphlet sensationnel [98] et, par-dessus le marché un plagiat d’un bout à l’autre. Et pourtant quel choc cette pasquinade du genre humain n’a-t-elle pas provoqué !

Si j’avais sous les yeux le livre de Proudhon, il me serait facile par quelques exemples de montrer sa première manière. Dans les chapitres que lui-même considérait les plus importants, il imite la méthode de Kant traitant des antinomies - Kant était à ce moment le seul philosophe allemand qu’il connût en traduction ; il donne l’impression que pour lui comme pour Kant, les antinomies ne se résolvent qu’ “ au-delà ” de l’entendement humain, c’est-à-dire que son entendement à lui est incapable de les résoudre.

Mais en dépit de ses allures d’iconoclaste, déjà dans Qu’est ce que la propriété ?, on trouve cette contradiction que Proudhon, d’un côté, fait le procès à la société du point de vue et avec les yeux d’un petit paysan (plus tard d’un petit-bourgeois [99] ) français, et de l’autre côté, lui applique l’étalon que lui ont transmis les socialistes.

D’ailleurs, le titre même du livre en indiquait l’insuffisance. La question était trop mal posée pour qu’on pût y répondre correctement. Les “ rapports de propriété ” antiques avaient été remplacés par la propriété féodale, celle-ci par la propriété bourgeoise. Ainsi l’histoire elle-même avait soumis à sa critique les rapports de propriété passés. Ce qu’il s’agissait pour Proudhon de traiter c’était la propriété bourgeoise actuelle. A la question de savoir ce qu’était cette propriété, on ne pouvait répondre que par une analyse critique de l’économie politique, embrassant l’ensemble de ces rapports de propriété, non pas dans leur expression juridique de rapports de volonté, mais dans la forme réelle, c’est-à-dire de rapports de production. Comme Proudhon intègre l’ensemble de ces rapports économiques à la notion juridique de la propriété, il ne pouvait aller au-delà de la réponse donnée par Brissot, dès avant 1789, dans un écrit du même genre, dans les mêmes termes : “ La propriété c’est le vol [100]. ”

La conclusion que l’on en tire, dans le meilleur des cas, c’est que les notions juridiques du bourgeois sur le vol s’appliquent tout aussi bien à ses profits honnêtes. D’un autre côté, comme le vol, en tant que violation de la propriété, présuppose la propriété, Proudhon s’est embrouillé dans toutes sortes de divagations confuses sur la vraie propriété bourgeoise.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.