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Art et révolution

9 février 2009, 10:12, par F. Kletz

A tous les passionnés d’art et de poésie, je livre ce passage, début d’un texte formidable de dénonciation de la poésie au service de quelque cause que ce soit, et en particulier de la propagande nationaliste de la « libération » bien chauvine, gaullo-stalinienne, qui eut lieu en 1944-45 en France.

La poésie, et par extension l’art n’a rien à voir avec aucune cause que ce soit. Il est révolutionnaire par essence. Dès qu’il se veut au service d’une cause, il devient autre chose : art appliqué, communication, propagande, publicité, objet marchant au service de la marchandise et du capital, marchandise-capital, capitale au profit, à l’accumulation, au profit accumulé en capital, en capital assoiffé de vie humaine pour mieux gonfler et t’emporter dans le gonflement de lui-même, capital qui spéculera sur ton dos, sur ta peur, sur ta force, force de travail accumulée dans le sang des guerres et des meurtres pour la propriété privée du capital, capital assoiffé de sang et d’oppression pour que ton sang le nourrisse. Alors la poésie imagine autre chose et sort de la marchandise, mais le capital luttera toujours pour la transformer en marchandise...

Révolution permanente pour libérer la poésie et le cri de la vie qu’elle incarne !

J’adore ce texte et suis totalement en accord avec chacun de ses mots.

Si l’on recherche la signification originelle de la poésie, aujourd’hui dissimulée sous les mille oripeaux de la société, on constate qu’elle est le véritable souffle de l’homme, la source de toute connaissance et cette connaissance elle-même sous son aspect le plus immaculé. En elle se condense toute la vie spirituelle de l’humanité depuis qu’elle a commencé de prendre conscience de sa nature ; en elle palpitent maintenant ses plus hautes créations et, terre à jamais féconde, elle garde perpétuellement en réserve les cristaux incolores et les moissons de demain. Divinité tutélaire aux mille visages, on l’appelle ici amour, là liberté, ailleurs science. Elle demeure omnipotente, bouillonne dans le récit mythique de l’Esquimau, éclate dans la lettre d’amour, mitraille le peloton d’exécution qui fusille l’ouvrier exhalant un dernier soupir de révolution sociale, donc de liberté, étincelle dans la découverte du savant, défaille, exsangue, jusque dans les plus stupides productions se réclamant d’elle et son souvenir, éloge qui voudrait être funèbre, perce encore dans les paroles momifiées du prêtre, son assassin, qu’écoute le fidèle la cherchant, aveugle et sourd, dans le tombeau du dogme où elle n’est plus que fallacieuse poussière.

Benjamin Péret, Le déshonneur des poètes

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