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Le capitalisme industriel transformé en banque puis en faillite générale

24 janvier 2018, 08:56

La financiarisation des groupes industriels

Dans l’industrie manufacturière, l’énergie, les mines et le secteur des services, la libéralisation et la déréglementation ont permis la formation d’oligopole mondiaux, dont certains sont marqués par un degré de concentration encore plus élevé que celui du secteur bancaire. C’est le cas bien sûr pour les géants de l’Internet. De même, d’autres oligopoles que les banques méritent d’être nommées des hydres, notamment ceux de l’agrochimie et de l’agrobusiness.[38] La financiarisation des groupes industriels largo sensu est d’abord tout bonnement leur identité « d’acteurs financiers », l’importance de leurs portefeuilles d’actifs et l’ampleur de leurs opérations sur les marchés financiers. Le travail de référence français est celui ancien de Claude Serfati,[39] ce type de sujet de recherche ayant été éliminé des universités françaises. Dans une étude plus récente une chercheuse a calculé pour les entreprises américaines le ratio de revenus financiers – intérêts, dividendes et profits spéculatifs (capital-market-investment gains) – à leurs flux de trésorerie (cash flows)[40] et en a constaté la hausse de 20% en 1980 à 60% en 2001.[41]

La dimension de la financiarisation des groupes industriels qui a reçu le plus d’attention académique, a été l’introduction voici vingt ans du paradigme managérial dit de la « corporate governance » (gouvernement d’entreprise) tourné vers la maximisation de la valeur actionnariale (shareholder value). Il consacre la prééminence des actionnaires et fait du niveau des dividendes et du cours des actions en bourse le principal objectif des entreprises. Il a vu la mise en place de critères d’évaluation des performances adaptés à cette fin, accompagnés d’instruments de fidélisation des dirigeants, notamment leur rémunération en stock-options. Il s’agit d’une « domination » non des banques mais de tous les investisseurs ; les hedge funds étant les plus actifs dans la surveillance des évaluations.

Un mot sur les rachats des titres en bourse. Les dividendes dépendent des profits, donc de l’efficacité de l’exploitation et du marketing. Mais le cours des titres dépend pour une part sur des techniques strictement financières. Lorsqu’un investisseur achète les actions d’une entreprise, c’est pour empocher des dividendes, mais aussi en retirer un gain au moment de la revente. Tant la hausse du montant du dividende par action que celle du niveau de son cours peuvent être obtenus par le rachat par une société cotée de ses propres actions, suivi de leur annulation. Cette technique de réduction du nombre des actions pour en augmenter le gain potentiel pour ceux qui les détiennent porte le nom de relution.[42] La baisse des taux d’intérêts a permis aux groupes cotés d’emprunter à très bas prix et donc d’accentuer leur recours à cette pratique.

[38] Voir les articles sur Monsanto sur le site de A L’Encontre.

[39] Claude Serfati, ‘Le rôle actif des groups à dominantes industriels dans la financiarisation de l’économie’, dans François Chesnais (coord.) La Mondialisation financière : Genèse, coût et enjeux, Editions Syros 1996.

[40] Pour la dénomination française et le mode de calcul voir : https://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_cash-flow.html

[41] Greta Krippner,‘The Financialization of the American Economy’, Socio-Economic Review, 3, no. 2 : 173–208, 2005.

[42] Voir François Morin, Ibid., page 107.

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