Accueil > ... > Forum 23856

La vraie vie de Gandhi et le mythe de la non-violence

22 janvier 2014, 13:08

Au début, Gandhi ne pense pas du tout à une émancipation générale des peuples coloniaux. Il appelle au contraire la puissance coloniale, la Grande-Bretagne, à ne pas confondre le peuple indien —qui à l’instar des Anglais peut faire état d’une antique civilisation et d’origines raciales « aryennes »— avec les noirs, avec, même, les « grossiers cafres, dont l’occupation est la chasse et dont la seule ambition est de rassembler une certain nombre de têtes de bétail pour conquérir une femme et mener ensuite une existence d’indolence et de nudité » (sic).

Afin d’obtenir la cooptation par la race dominante, par le peuple des seigneurs (aryens et blancs), Gandhi appelle au début du 20ème siècle ses co-nationaux à se mettre au service de l’armée impériale engagée dans une répression féroce contre les Zoulous.

Surtout, durant la Première Guerre mondiale, le présumé champion de la non-violence se propose de recruter 500 000 hommes pour l’armée britannique. Il le fait avec tellement de zèle qu’il écrit au secrétaire personnel du vice-roi : « J’ai l’impression que si je devenais votre recruteur en chef, je pourrais vous submerger d’hommes ». Lorsqu’il s’adresse à ses co-nationaux ou au vice-roi, Gandhi insiste de façon quasiment obsédante sur sa disponibilité au sacrifice dont tout un peuple est appelé à faire preuve : il faut « offrir notre appui total et décidé à l’Empire » ; l’Inde doit être prête à « offrir, à l’heure critique, ses fils valides au sacrifice à l’Empire », à « offrir en ce moment critique tous ses fils aptes à combattre comme offrande à l’Empire » ; « nous devons, pour la défense de l’Empire donner tout homme dont nous disposons ».

Avec une cohérence d’acier, Gandhi souhaite que ses propres fils s’enrôlent et participent à la guerre.

La Révolution d’octobre et la diffusion de l’agitation communiste dans les colonies et en Inde même constituent un formidable coup de buttoir à l’idéologie de la pyramide raciale et rendent obsolète l’aspiration à la cooptation dans la race blanche ou aryenne, qui doit maintenant faire face à la révolte généralisée des peuples de couleur.

Mais ce qui va surtout jouer un rôle décisif est avant tout une expérience directe et douloureuse pour le peuple indien. Celui-ci avait espéré améliorer sa condition en se battant vaillamment dans l’armée britannique au cours de la Première Guerre mondiale. Si ce n’est que, à peine les célébrations de la victoire terminées, le pouvoir colonial se rend responsable au printemps 1919 du massacre d’Amritsar. Cette répression non seulement coûte la vie à des centaines d’Indiens sans armes, mais comporte aussi une terrible humiliation nationale et raciale par l’obligation édictée aux habitants des villes rebelles de devoir se traîner à quatre pattes pour rentrer chez eux ou en sortir. Pour le dire avec Gandhi, « des hommes et des femmes innocents furent obligés de se traîner comme des vers, sur le ventre ». Il en résulte une vague d’indignation à cause des humiliations, de l’exploitation et de l’oppression infligées par l’Empire britannique : son comportement est un « crime contre l’humanité, qui ne trouve peut-être pas de parallèle dans l’histoire ». Tout ceci fait disparaître chez les Indiens le désir d’être cooptés dans une race dominante qui leur apparaît maintenant odieuse et capable de toute infamie.

En réalité, chez le second Gandhi, rien n’a moins disparu que la disponibilité à appeler ses co-nationaux à accourir sur les champs de bataille aux côtés de la Grande-Bretagne ; mais il pose maintenant comme condition à cet appel aux armes la concession de l’indépendance de l’Inde. Il est par contre difficile d‘imaginer le second Gandhi faire la promotion de la participation de ses co-nationaux à la répression d’une révolte comme celle des Zoulous (un peuple cruellement opprimé par le colonialisme). A partir de la révolution d’octobre et de la répression d’Amritsar le mouvement indépendantiste indien est une part intégrante du mouvement de libération nationale des peuples opprimés. Et Gandhi s’identifie pleinement avec ce mouvement sans procéder à une lacération entre violents et non-violents.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.