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Il y a cent ans, la première guerre mondiale (1914-1918) démarrait. Oui, mais pour quelle raison ?

20 juillet 2014, 17:37

La Chambre syndicale nationale des cheminots passe pour la première fois à l’action le 8 juillet 1891 pour les salaires, les conditions de travail et contre des révocations de militants. Au bout de trois jours, face aux difficultés d’extension, d’aucuns
incitent à recourir à l’action directe : la prise d’assaut de la gare Saint-Lazare est suggérée, on propose de noyer les feux des locomotives... Le pouvoir réagit, déploie la troupe. La grève ne parvient pas à irradier en dehors de la région parisienne, où l’on dénombre 6 000 grévistes.

Si les compagnies cèdent quelque peu sur les revendications, elles répriment durement. La grève s’éteint le 21 juillet et 2 000 agents sont révoqués, parmi lesquels le secrétaire de la Chambre syndicale, Prades. Au lendemain de cette révocation, Eugène Guérard, alors proche de l’ancien communard Jean Allemane et qui s’affirme partisan du syndicalisme révolutionnaire, est élu secrétaire de la Chambre syndicale, qui va se transformer en 1895 en Syndicat national des travailleurs des chemins de fer de France et des colonies.

Le syndicat national s’enquiert auprès des syndicats d’autres corporations d’un soutien en cas de grève. Moins de 50 des 2 000 syndicats contactés font connaître leur soutien et le conseil d’administration décide en conséquence de reporter la grève à... l’année suivante.
Cependant, en septembre, les terrassiers déclenchent un mouvement puissant et la grève atteint bientôt la province. Cette dynamique relance l’idée de la grève chez les travailleurs du rail. Le 6 octobre 1898, le conseil d’administration s’adresse par circulaire aux groupes et les somme de répondre dans les trois jours. Soixante-quatorze réponses parviennent dans les délais : 29 groupes sont partisans de la grève, 31 y sont hostiles, 14 se déclarent hésitants.

Au cours de la deuxième semaine d’octobre, à plusieurs reprises, le CA vote sur la grève générale. Ces votes successifs révèlent une minorité importante hostile au déclenchement de la grève. Les groupes, à nouveau consultés, se partagent quasi à égalité : 36 pour, 34 contre. Dans la nuit du mercredi 12 octobre, au terme d’un long débat, la décision de grève est prise : le mouvement doit commencer le vendredi 14 au matin. Alors que les membres provinciaux du conseil d’administration rejoignent leurs localités, des plis sont envoyés aux militants sous des enveloppes dépourvues d’identifiant et à des adresses de convenance. Las ! La police est prévenue, intercepte nombre de plis et d’affiches et lacère les placards apposés en région parisienne. Le 14 au matin, l’armée est dans les gares, sur les voies, dans les ateliers, partout où le mouvement risque de prendre. Non prévenus dans leur immense majorité, les cheminots apprennent en découvrant la troupe sur les lieux de travail qu’un ordre de grève a été lancé !
Dans ces conditions, le mouvement est un échec complet : on ne dénombre, le 14, que 135 grévistes et, au cours des trois jours que dure la grève, la moyenne est de 75. La répression s’abat tout de même : 36 révocations sont prononcées. Effets secondaires non négligeables, l’échec de la grève et de déploiement de la troupe cassent la dynamique du mouvement du bâtiment.

En 1910, Aristide Briand se dit sensible aux revendications des cheminots, mais il se déclare hostile aux manifestations et à la grève. En juin 1910, les cheminots apprendront par la presse que les compagnies ont précisé leur position auprès du gouvernement et qu’elles n’auront aucun contact avec les syndicats. Le 29 juin 1910, un meeting commun du Syndicat national et de la Fédération des mécaniciens et chauffeurs concrétise l’alliance. Emile Toffin fera partie du Comité de grève. Le 17 juillet 1910, le conseil d’administration du Syndicat national mandate le Comité central de grève, élu par le congrès, pour qu’il déclenche la grève lorsqu’il jugera le moment propice.
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Fin septembre 1910, une ultime tentative de la Fédération des mécaniciens et chauffeurs pour nouer un dialogue avec les compagnies échoue.

Nous sommes, on le voit, bien éloignés de la précipitation qui a prévalu tant en 1891 qu’en 1898, où l’entrée dans la grève générale était un objectif en soi.

L’attitude bloquée des compagnies et du gouvernement donne à penser que l’épreuve de force est souhaitée, voire provoquée. En août, quelques escarmouches se sont produites au PLM et dans le Nord à propos de révocations faisant suite à des ripostes contre des mesquineries du quotidien et l’attitude de petits chefs.

Le vendredi 7 octobre 1910, des milliers de cheminots se réunissent à la Bourse du travail de Paris pour protester contre les révocations. Le lendemain, la Compagnie du Nord annonce que tous ses ouvriers toucheront au moins la fameuse « thune »
(5 francs) quotidienne, mais la plupart ont déjà un salaire supérieur.

C’est sur le réseau Nord que le mouvement de grève s’engage, car la Compagnie du Nord a créé les conditions du conflit en supprimant les heures supplémentaires et en les remplaçant par des compensations financières moins importantes. C’est là aussi où les 5 francs sont attribués de façon particulièrement sélective. Le mouvement débute le 8 octobre dans le dépôt de La Chapelle, où travaille Emile Toffin. Plusieurs centaines de grévistes se dirigent vers le dépôt de la Plaine Saint-Denis, qui entre à son tour en lutte. Le lendemain, le 9 octobre, le Comité de grève propre au réseau Nord se réunit à Amiens et décide de l’extension de la grève à l’ensemble du réseau.

Finalement, dans la soirée du lundi 10 octobre, 3 000 cheminots se rassemblent en meeting à la Bourse du travail.

Dès le 11 octobre, les soldats du Ve Génie investissent les deux premiers dépôts entrés dans la grève, ainsi que la gare du Nord. L’armée s’installe rapidement sur tout le réseau. Le gouvernement Briand accentue la pression en décidant le même jour la mobilisation des cheminots du réseau Nord pour une instruction de vingt et un jours à partir du 13 octobre. La formule sera applicable aux autres réseaux, mais les cheminots refusent massivement d’obtempérer. Dans la nuit du 11 au 12 octobre, un éphémère Comité de grève national, qui regroupe des représentants de chaque réseau, se réunit en formation restreinte. Beaucoup de responsables de la tendance réformiste (dont le secrétaire général du Syndicat, Marcel Bidegaray) sont à Toulouse au congrès de la CGT. Le Comité appelle à la généralisation de la grève pour le 12. En riposte, le gouvernement lance vingt et un mandats d’arrêt contre les membres présents ou non à la réunion.

Le 13 octobre, le pouvoir force les feux. Le préfet Lépine arrête cinq membres du Comité central de grève en charge de l’organisation du mouvement dans les locaux du journal L’Humanité, où ils ont trouvé refuge.

Une vingtaine de mandats d’amener sont d’autre part délivrés à l’encontre de syndicalistes accusés d’actes de sabotage. Très vite, les compagnies répliquent à la grève par des révocations, dont les premières sont effectives le 13 octobre. Le premier concerné est Emile Toffin.

Le mouvement de grève a été puissant. Le 11 octobre, Paris-Nord ne fait plus rouler que 18,5 % des trains habituels. Le lendemain, 12 octobre, 12,5 % des trains seulement sont acheminés et les marchandises ne circulent plus. Le 13, la situation se stabilise mais, le
vendredi 14, un reflux est perceptible et le mouvement va vite s’affaiblir avec des îlots de résistance. Sur les autres réseaux, le mouvement reste restreint, sauf sur le réseau Etat (le réseau Ouest vient d’être repris en gestion directe par les pouvoirs publics).

Suite à l’arrestation des membres du Comité central de grève, un deuxième Comité a été mis en place dont les orientations, connues des principaux animateurs, ne rassurent guère : Jean-Pierre Grandvallet, ouvrier aux ateliers d’Epernay (compagnie de l’Est), s’affiche réformiste et Robert Communay, du PLM, n’a pas une grande audience. De plus, ils viennent de deux réseaux faiblement présents dans la grève. De son côté, la CGT décide de laisser au mouvement son caractère corporatif et ne s’engage guère au-delà de l’édition d’une affiche intitulée : « Bravo les cheminots ! ». De fait, L’Humanité devient l’organe officiel du deuxième Comité de grève et l’appui des députés socialistes est recherché pour dénouer le conflit

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