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Qui était Vassili Grossman, l’auteur de « Vie et destin »

9 juin 2014, 10:09, par Robert Paris

Le texte qui suit contient un large extrait de ’Tout passe" de Vassili Grossman
Le 5 mars 1953, Staline mourut…

Et soudain, le 5 mars 1953, Staline mourut. La mort de Staline fit littéralement irruption dans le système gigantesque de l’enthousiasme mécanisé, de la colère populaire et de l’amour populaire décrétés par le comité de district du Parti. Staline mourut sans qu’aucun plan l’eût prévu, sans instruction des organes directeurs. Staline sans ordre personnel du camarade Staline. Cette liberté, cette fantaisie capricieuse de la mort contenait une sorte de dynamite qui contredisait l’essence la plus secrète de l’Etat. Le trouble s’empara des esprits et des cœurs.

Staline est mort ! Les uns eurent le sentiment d’un malheur. Dans certaines écoles, les maîtres forcèrent leurs élèves à se mettre à genoux, puis, s’agenouillant à leur tour et fondant en larmes, ils leur donnèrent lecture du communiqué officiel qui annonçait la mort du guide. Aux réunions qui se tinrent dans les établissements publics et dans les usines pour marquer le deuil, un grand nombre de gens furent pris d’une sorte d’hystérie. Des femmes criaient comme des démentes, éclataient en sanglots, certaines s’évanouissaient. Il était mort le grand dieu, idole du XXème siècle, et les femmes de pleurer…

D’autres eurent le sentiment de bonheur. La campagne qui se dépérissait sous la poigne de fer de Staline, poussa un soupir de soulagement. Les millions d’hommes qui peuplaient les camps furent en liesse… Les dizaines de milliers d’hommes sous escortes se transmettaient la nouvelle à voix basse : « Il a crevé… crevé ! » et ce chuchotement de milliers et de milliers d’hommes grondait comme le vent… Hommes instruits ou travailleurs manuels, ils furent nombreux ceux qui, en apprenant la nouvelle, furent partagés entre le chagrin et le désir de danser de joie… Staline est mort ! Il y avait dans cette mort un élément de liberté soudaine, absolument étranger à la nature de l’Etat stalinien.

Cette liberté soudaine fit frémir l’Etat, comme il avait frémi lors de l’attaque soudaine du 22 juin 1941…

Le 5 avril au matin…

 Les médecins ne sont pas coupables ! On les avait torturés !

L’Etat reconnaissait sa terrible culpabilité, avouait qu’on avait usé de méthodes d’interrogatoire prohibés par la loi… Et demain, l’Etat allait reconnaître que l’on avait soumis à la torture Boukharine, Zinoviev, Kamenev, Rykov, Piatakov et que ce n’étaient pas des ennemis du peuple qui avaient tué Maxime Gorki. Et après-demain, l’Etat avouerait qu’on avait fait périr des millions de paysans pour rien.

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