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Les dix commandements de l’âne

11 mai 2018, 07:58

« Mais qu’est-il besoin de citer la loi lorsque nous avons dans notre sac une pièce victorieuse pour confondre l’imposture. C’est le certificat du curé et des notables de la paroisse de Vanvres en faveur de l’âne de Féron.
« Nous soussignés, Prieur-Curé et habitants de la paroisse de Vanvres, avons connaissance que Marie-Françoise Sommier, femme de Jacques Féron, avaient UN ÂNE depuis quatre ans pour le service de leur commerce et que pendant tout le temps qu’ils l’ont eu, PERSONNE NE L’A CONNU MECHANT, ET N’A JAMAIS BLESSE PERSONNE, même pendant six ans qu’il a appartenu à un autre habitant, qu’aucun ne s’en est jamais plaint, NI ENTENDU QU’IL AIT FAIT DE MALICE DANS LE PAYS : en foi de quoi, NOUS, soussignés, lui avons délivré le présent témoignage. A Vanvres, ce 19 septembre 1750. Signés PINTEREI, prieur et curé de Vanvres, JERÔME PATIN, CLAUDE JANNET, LOUIS RETORE, LOUIS SENLIS, CLAUDE CORBONNET.

« On est tenté de croire, à la simple lecture de ce certificat, qu’il est donné à un bon paroissien : il est pourtant certain que c’est à l’âne lui-même. Il est le premier dont de graves et notables personnes aient attesté les mœurs et la bonne conduite. La probité des attestants est ici d’un grand poids et ne peut être suspecte. (...) Enfin, la femme Leclerc n’est pas recevable dans sa plainte et on doit plutôt croire de sages habitants qui attestent aussi authentiquement qu’ils le font que l’âne de Féron est un animal incapable de blesser personne et de faire de malice !

« Quoi ! parce que les mœurs sont aujourd’hui si corrompues que la plupart des femmes sont sans pudeur et les hommes sont sans retenue ; que le vice marche effrontément tête levée, tandis que la vertu n’ose se produire, qu’elle ne soit calomniée ou tournée en ridicule (...), enfin parce qu’une philosophie nouvelle s’efforce d’éteindre dans nos cœurs et dans nos esprits le flambeau de l’antique et véritable sagesse, et que le débordement funeste des villes gagne déjà depuis longtemps les campagnes, la femme Leclerc s’imaginera que tout est changé en mal dans la nature ? Elle portera le même jugement de l’âne de Féron que celui qu’elle porte de son siècle ? Qu’elle sache du moins que si la raison s’obscurcit de jour en jour chez les hommes, l’INSTINCT des bêtes est toujours le même ! C’est donc à tort que la femme Leclerc attaque l’âne de Féron dans sa réputation qui serait encore entière, sans le délit involontaire qu’il a commis et qui ne peut-être regardé que comme l’ouvrage de la fatalité !
« Quant à la demande de vingt sols par jour qu’exige Leclerc pour la nourriture de l’âne, elle tombe d’elle-même. Pourquoi le gardait-il ? »Le talentueux magistrat finit par ses quelques mots :

« On se flatte d’avoir établi les faits avec l’exactitude la plus scrupuleuse et les moyens avec toute l’étendue que la cause mérite. C’est au public à prononcer : quel que soit son jugement, il sera toujours équitable ! »
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