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La grande hypocrisie face au génocide des Arméniens

17 avril 2017, 05:02, par Robert Paris

Le massacre des Arméniens par les Turcs est inséparable de la révolution qui menaçait l’empire ottoman avant, pendant et après la première guerre mondiale voir ici et voir là, ainsi que des visées impérialistes sur cet empire allié de l’impérialisme allemand. Ce sont les puissances alliées, les impérialismes opposés à l’Allemagne, qui ont poussé au-delà des Arméniens, tous les assyro-chaldéens à s’organiser en armées contre l’empire en leur laissant entendre qu’ils les soutiendraient militairement mais en comptant en fait en faire des forces supplétives de leurs propres objectifs de conquête.

La révolution russe a modifié la perspective.

La perspective de l’effondrement total des forces russes sur le front du Caucase et du Kurdistan devait être bientôt sérieusement prise en compte. C’est dans ce cadre qu’il faut envisager les divers projets élaborés à cette époque par les états-majors alliés. Pour remédier à la défaillance russe. Un des plus importants fut élaboré en octobre 1917, très peu de temps avant la prise du pouvoir par les Bolcheviks, par le Général Niessel, chef de la mission militaire française en Russie ; celui-ci écrit : "Toute action militaire contre la Turquie peut et doit s’appuyer sur une action de désorganisation politique de cet Empire hétérogène. L’entente a déja proclamé l’Arabie aux Arabes, elle doit continuer en proclamant le Kurdistan aux Kurdes...

Ce sera l’un des moyens d’action les plus efficaccs à employer sur le front du Caucase au moment où l’action militaire russe semble perdre de son ancienne valeur... Tous les efforts des Russes pour rattacher les Kurdes à leur cause ont échoué... Les pillages et les meurtres... ont beaucoup contribué à ce résultat".

Le Général préconisait l’installation à Van d’une commission interalliée chargée de mettre en oeuvre cette nouvelle politique et ajoutait : "Les Arméniens nous aideraient dans cette tâche bien que l’hostilité séculaire entre les deux peuples soit un fait historique". Le rôle dévolu aux Assyriens se lit en filigrane.

Ce projet ne fut suivi d’aucun effet concret, mais il fut cependant discuté dans les sphères dirigeantes alliées et donna lieu à des discussions qui précisèrent les politiques de l’Entente dans le nouveau contexte. C’est ainsi que le Président du Conseil français, par l’intermédiaire du Maréchal Foch, définit les axes le la politique française dans un télegramme adressé le 15 décembre 1917 au Général Niessel, en réponse à ses propositions : "Le Gouvemement estime qu’il est possible de s’assurer à peu de frais le concours durable des Arménìens et de toutes les populations chrétiennes du Caucase... il considère, en revanche, qu’une manifestation de sympathie vis-à-vis des tribus kurdes serait de nature à nous aliéner les sentiments de ces populations chrétiennes... il ne croit pas opportun en conséquence de favoriser ouvertement la création du Kurdistan autonome... Le Gouvemement envisage cependant les possibilités offertes d’obtenir à prix d’argent le concours militaire des tribus kurdes".

Les objectifs étaient donc clairs : remplacer les armées russes sur le front du Caucase par des troupes issues des minorités nationales qui, unies par leur commune hostilité aux Ottomans pourraient tenir tête aux forces turques. Le rôle des Assyriens était, dans ce cadre, de tenir Ourmia et la région pour empêcher une descente turque vers la Mésopotamie.

Le concours durable des populations chrétiennes fut effectivement assuré à peu de frais, si ce n’est pour elles-mêmes, du moins pour les états-majors alliés.

Tout d’abord la montée explosive de la question nationale arménienne provient de la victoire de la révolution russe et elle fait partie de la victoire de la question des nationalités opprimées de la Russie puisqu’une partie de l’empire russe était arménienne. Profitant de cette victoire, la petite bourgeoisie arménienne a tenté de tirer son épingle du jeu comme les autres petites bourgeoisies nationalistes des autres provinces de Russie. Bien entendu, la vague révolutionnaire s’étendait et touchait aussi l’empire ottoman comme elle touchait l’empire austro-hongrois ou allemand.

Après la révolution russe de 1917, l’armée russe s’est retirée de tous les fronts et en particulier du front turc et l’armée turque en a profité pour envahir l’Arménie, obligeant les Arméniens à constituer leur propre armée. Les armées blanches tsaristes étaient contre le droit à l’indépendance des peuples opprimés alors que l’Etat ouvrier russe d’octobre 1917 était de leur côté en paroles et en actes et pourtant les provinces qui se rendaient indépendantes prenaient systématiquement parti pour les armées blanches ou pour les armées impérialistes et ce fut le cas pour l’Arménie, comme pour la Géorgie ou pour l’Ukraine.

Le 29 décembre 1917 (11 janvier 1918), le Conseil des commissaires du peuple promulgua le « Décret sur l’Arménie turque » qui reconnaissant « le droit de l’Arménie de sidposer d’elle-mêm. ». Le décret fut publié le 31 décembre 1917 (13 janvier 1918) dans le n° 227 de la Pravda.

Le 4 janvier 1918, Lénine écrivait : « La politique du Conseil des Commissaires du peuple a proclamé l’indépendance complète de la Finlande, commencé le retrait des troupes de la Perse et proclamé la liberté pour l’Arménie de disposer d’elle-même. » voir ici

En février 1918, les Arméniens, les Géorgiens et les Azéris forment leur propre parlement Transcaucasien. Les Arméniens unis sous le Congrès national arménien. Le 22 avril 1918, il vote pour l’indépendance, se proclamant la République démocratique fédérative de Transcaucasie. La fédération est dissoute lorsque la RD de Géorgie proclame son indépendance le 26 mai, le Congrès national arménien lui emboîte le pas deux jours après, le 28 mai.

Les Arméniens qui détenaient le triste privilège d’avoir été les plus éprouvés par la guerre — puisqu’ils comptent parmi les victimes de cette effroyable mêlée environ le tiers de leur chiffre total — étaient fondés à espérer, qu’après un tel passé la victoire des Alliés marquerait, sinon le terme de leurs souffrances, du moins le commencement d’une ère d’amélioration générale dans leur situation. Or, contrairement à toute attente, la victoire finale des Alliés n’a pas apporté aux Arméniens la délivrance promise du joug turc. L’armistice de Moudros, signé le 30 octobre 1918 entre les Principales Puissances Alliées et la Turquie, a arrêté les troupes alliées sur les frontières de l’Arménie turque. Parmi les territoires appelés à être détachés de l’ancien Empire Ottoman, les régions destinées à l’Etat Arménien furent les seules à ne pas être occupées par les Alliés victorieux.

L’Arménie indépendante, dirigée par la bourgeoisie, comptait sur les alliés impérialistes, prenait partie contre l’Etat ouvrier russe et soutenait la contre-révolution du général Wrangel.

L’Armistice de Moudros, déjà défectueux en lui-même, ne fut jamais appliqué comme il devait l’être. C’est ainsi que l’armée turque ne fût que très partiellement désarmée. En même temps que celle-ci était démobilisée, les soldats turcs distribuaient la plus grande partie de leurs armes et munitions, aux populations musulmanes. Les armes et les munitions, dont des stocks considérables se trouvaient entreposés dans les régions de la Turquie d’Asie, contrôlées par les Alliés (Afioun Karahissar, Bozanti, etc.) n’ont pas été détruites, ce qui a permis aux Turcs d’y puiser largement pour équiper et armer les formations nationalistes. Une des clauses de l’armistice prévoyait expressément que si des désordres éclataient dans les provinces arméniennes de la Turquie, ces régions seraient occupés par les troupes alliées, mais en dépit des méfaits journaliers des bandes, des déportations en masse, des massacres et de maints autres désordres qui s’y sont perpétués depuis, les Puissances Alliées n’ont même pas envisagé l’application des mesures de coercition qu’ils détenaient en leur pouvoir.

Pendant une longue période, la Turquie fut ainsi laissée libre de ses faits et gestes à l’intérieur, ce qui lui permit de réduire pratiquement à néant la clause de la démobilisation de l’armée turque. Bientôt au commencement du printemps igic,, Mustapha Kemal Pacha fut envoyé par le Gouvernement turc en Anatolie, ostensiblement en qualité d’inspecteur de la IIIe armée, mais en réalité pour y organiser la résistance turque à la décision des Alliés.

Mustapha Kemal Pacha y trouva un terrain tout préparé par une foule de collaborateurs actifs, anciens membres du Comité Union et Progrès, qui avaient été laissés en liberté, et, s’attelant à la tâche qui lui avait été assignée, établit son quartier général au cœur même de l’Arménie.

Et bientôt il se sentait suffisamment fort pour tenir tête aux Puissances Alliées et il allait même jusqu’à les défier ouvertement en lançant son attaque brusquée contre la République Arménienne, reconnue par les Puissances de l’Entente comme Alliée.

En fait, les massacres ont fait partie sans cesse de l’existence des bolcheviks depuis la guerre mondiale et la révolution de 1917 : massacres en Russie, en Finlande, massacres des armées blanches, tueries de la contre-révolution, pogromes de toutes sortes. Le massacre des Arméniens n’est apparu comme de grande ampleur que très longtemps après sa survenue. Il y a eu deux grands massacres : celui de l’empire ottoman et celui de Mustapha Kemal. D’autre part, les bolcheviks ont tenté de conclure des alliances avec des pouvoirs bourgeois nationalistes en lutte armée contre les puissances impérialistes. C’était le cas de Mustapha Kemal et, bien entendu, le fait que ce dernier organise un massacre contre le peuple arménien n’a pas échappé aux bolcheviks. De toutes manières, ce dernier avait déjà conclu un accord avec les puissances impérialistes et rompu avec la Russie révolutionnaire…

Voici comment Zinoviev répondait à ceux qui l’accusaient d’avoir soutenu le régime turc : Lire ici

Andranik Ozanian a proclamé le nouvel État, la République arménienne de la montagne, dont les activités était concentrées dans la zone de communication entre l’Empire ottoman et la République démocratique d’Azerbaïdjan au Karabagh, Zanguezour et Nakhitchevan. En janvier 1919, avec l’avancement des troupes arméniennes, les forces britanniques (Lionel Dunsterville) intiment Andranik de se replier à Zanguezour, et lui donnent l’assurance que ce conflit pourrait être résolu à la conférence de paix de Paris de 1919. La conférence de paix de Paris proclame la République démocratique d’Arménie un État internationalement reconnu et la République de l’Arménie montagneuse est dissoute.

La République de Caspienne centrale est un gouvernement antisoviétique soutenu par les Britanniques, fondée à Bakou le 1er août 1918. Le gouvernement est composé par le parti Socialiste-Révolutionnaire et le mouvement national arménien qui était majoritairement constitué par la Fédération révolutionnaire arménienne (Dachnak). Le détachement britannique de la Dunsterforce occupait la ville et aidait les principales forces dachnak-arméniennes à défendre la capitale lors de la bataille de Bakou. Cependant, Bakou tombe le 15 septembre 1918 et une armée azérie-ottomane entre dans la capitale, provoquant la fuite des forces britanniques ainsi que d’une grande partie de la population arménienne et le massacre des Arméniens qui n’ont pas pu fuir. L’Empire ottoman signe l’armistice de Moudros le 30 novembre 1918 et la force d’occupation britannique retourne dans Bakou.

La République d’Arménie, qui s’était séparée de la Russie soviétique en avril 1918, de septembre à décembre 1920 ne dut cependant sa survie qu’à l’intervention in extremis des troupes bolcheviques contre celles de la Turquie et celles de l’alliance impérialiste.

Le 4 décembre 1920, un article de Staline dénonce le sort des Arméniens et souhait longue vie à la république d’Arménie : voir ici

En mars 1921, la république d’Arménie entre dans la fédération soviétique.

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