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Malthus contre Marx, le face à face…

23 mars 2015, 13:53

Cependant la plus brutale déclaration de guerre de la bourgeoisie au prolétariat c’est la Théorie malthusienne de la population et la nouvelle loi sur les pauvres qui s’en inspire directement. Il a déjà été plusieurs fois question de la théorie de Malthus. Résumons une fois de plus sa conclusion essentielle : la terre est constamment surpeuplée, et par conséquent, il est fatal que règnent la misère, la détresse, la pauvreté et l’immoralité ; c’est le sort de l’huma­nité et sa destination éternelle que d’exister en trop grand nombre et par conséquent d’être divisée en différentes classes, dont les unes sont selon lui plus ou moins riches, cultivées, morales, et les autres plus ou moins pauvres, misérables, ignorantes et immorales. D’où il s’ensuit, du point de vue pratique - et ces conclusions c’est Malthus lui-même qui les tire - que la bienfaisance et les caisses de secours ne sont que des non-sens puisqu’elles ne servent qu’à maintenir en vie et faire se multiplier la population surnuméraire dont la concurrence pèse sur le salaire de l’autre fraction de la population, qu’il est tout aussi absurde de la part de l’administration de l’Assistance de donner du travail aux pauvres car - puisque seule une quantité déterminée de produits fabriqués peut être consommée - chaque ouvrier en chômage qu’on occupe met au chômage un ouvrier jusqu’alors occupé et ainsi l’industrie privée subit un préjudice du fait de l’industrie de l’Assistance publique ; la question n’est donc point de nourrir la population surnuméraire mais de la limiter autant que possible d’une manière ou d’une autre. En quelques formules sèches Malthus déclare que le droit à l’existence, jusqu’alors reconnu à chaque homme qu’il y a au monde, est un pur non-sens. Il cite les paro­les d’un poète : le pauvre vient à la table de la Nature parée pour le festin et ne trouve point de couvert mis pour lui - et il ajoute - et la Nature lui ordonne de filer (she bids him to be gone) « car il n’a pas demandé à la société avant de naître, si elle voulait de lui [d] . » Cette théorie est maintenant la théorie préférée de tout bourgeois [e] anglais authentique et c’est bien naturel, car elle représente pour lui le lit de paresse le plus agréable et aussi parce qu’elle contient beaucoup de vrai dans les conditions actuelles. Si donc il ne s’agit plus d’exploiter la « population surnuméraire », de la transformer en population utilisable, mais simplement de laisser les gens mourir de faim le plus douce­ment possible et de les empêcher en même temps de mettre trop d’enfants au monde, c’est une bagatelle - à supposer que la population excédentaire prenne conscience de sa pro­pre superfluité et trouve quelque goût à mourir de faim. Mais en dépit des efforts les plus tenaces de la bourgeoisie humanitaire pour inculquer ces vérités aux ouvriers, il ne semble pas qu’elle ait actuellement quelque chance de succès. Les prolétaires se sont au contraire mis en tête, que c’étaient eux, avec leurs mains laborieuses, qui étaient précisément indispensa­bles, et que c’étaient ces Messieurs les riches capitalistes, qui ne font rien, qui étaient à vrai dire les superflus.

Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre

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