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Luttes de classes au Tchad

2 décembre 2017, 09:28

La nomination de Jean-Yves Le Drian par Macron aux Affaires étrangères, lequel, proche de Idriss Déby, n’avait pas hésité à interrompre ses vacances pour assister à la dispendieuse cérémonie d’investiture du président tchadien en août 2016, alors que l’élection était fortement contestée, tend à inscrire le mandat à venir dans la longue histoire des relations entre la France et le Tchad, sous le sceau du militaire. Alors que Macron affirme auprès de Barkhane son attachement prioritaire à la lutte contre le terrorisme et à la stabilité, le président tchadien utilise ces mêmes arguments pour museler sa population, et masquer la gestion délétère du pays.

Fin mai, la marche pacifique des maîtres communautaires, revendiquant des arriérés de salaire de trois ans a été interdite. Les professeurs d’université ont repris la grève depuis quelques semaines, après l’avoir interrompue en janvier, prenant le risque d’une année blanche pour les étudiants, qui eux-mêmes ont effectué plusieurs mois de grève cette année. Depuis plus de deux ans, les grèves de tous les secteurs s’enchaînent et se cumulent. Les contestations sociales et politiques tentent de s’élever dans un climat de répression féroce. Nadjo Kaïna et Bertrand Solloh, du mouvement Iyina ont été emprisonnés pendant quatre semaines, pour avoir lancé un appel à manifester début avril. Le journaliste Mahyedine Babouri croupit en prison depuis septembre 2016, coupable d’avoir critiqué le régime en place dans une vidéo, l’activiste Maoundoé Decladore a été arrêté.

La liste serait longue : intimidations, manifestations interdites, arrestations arbitraires, massacres... et au-delà, la violence d’État quotidienne : impunité, corruption… Le tout, dans l’indifférence de l’allié français, qui s’est contenté dans un point presse en avril dernier de « réitèrer son attachement au respect des libertés fondamentales », sans aucune action. Le président tchadien n’hésite pas à brandir le contexte de risque sécuritaire pour porter atteinte à la moindre velléité de contestation. La population se meurt à petit feu, hors de tout regard. Soutien financier et militaire

L’aggravation de la crise socio-économique que traverse le pays prend source dans la gestion délétère des finances publiques depuis plusieurs années. Après avoir réorienté le fonds des revenus du pétrole destiné aux générations futures, dans le cadre du partenariat d’exploitation du pétrole passé avec la banque mondiale, le consacrant alors au renforcement de l’armée, le Tchad a gagé son pétrole auprès de Glencore. Avec la baisse du cours de l’or noir, le remboursement de la dette est une impasse, d’autant plus que les dépenses militaires ont augmenté, du fait de la mobilisation de l’armée tchadienne sur des terrains d’opération.

Alors que les bénéfices de l’exploitation du pétrole profitaient peu à la population tchadienne, aujourd’hui les caisses sont vides et le gouvernement demande aux Tchadiens de faire des efforts. Les enjeux sécuritaires dédouanent Déby et éclipsent une gestion catastrophique des biens publics. Ainsi, Déby n’a pas hésité pas à convoquer les partenaires étrangers pour leur demander de revoir leur copie en matière de coopération, insistant sur son engagement militaire pour justifier la nécessité de leur aide, et comptant clairement sur la coopération pour le développement du pays. La France a non seulement contribué au financement de la force tchadienne contre Boko Haram mais s’est aussi engagée à soutenir le pays, notamment en plaidant en sa faveur auprès du FMI et de l’UE, comme s’y sont engagés Bernard Cazeneuve et Jean-Yves Le Drian en décembre dernier. A ceci s’ajoute l’appui militaire de la France via la coopération militaire et l’opération Barkhane qui contribue au renseignement, à la formation, à l’appui logistique et matériel de l’armée tchadienne.

La lutte contre le terrorisme éclipse toute autre considération. Cependant la France pourrait se demander dans quelle spirale l’aide militaire et humanitaire s’inscrit, quand il suffit de pointer du doigt l’insécurité et le risque terroriste pour détourner l’attention de la violence d’État, de la corruption, du système clanique, de la défaillance de l’État…

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