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Comment Barcia-Hardy a construit le mythe fondateur de Lutte Ouvrière en présentant comme son oeuvre la grève Renault de 1947

23 octobre 2014, 11:02, par F. Kletz

Camarade Alain,

Je suis très intéressé par ta remarque. Tu demandes des preuves de ce qu’affirme R. Paris. C’est grâce à ta remarque que j’ouvre plus sérieusement que par le passé la brochure.

Je pense qu’il n’y a pas d’autre manière que de vérifier ce qu’affirme l’article de R. Paris, et ainsi de le vérifier par soi-même en lisant la brochure. Je vais donc relever quelques éléments dans le but de te donner des éléments de ma lecture (trop rapide, certainement et nous devrons en rediscuter pour approfondir, bien entendu).

Je ne sais si cela constituera une preuve à tes yeux, car tu demandes une preuve sans nous dire le plus essentiel : qu’est-ce qu’une preuve ? Pour moi, une preuve est quelque chose qui n’est pas extérieur à la pensée, mais bien une construction de la pensée. Pour cela, il est nécessaire de lire et relire en interrogeant le texte soi-même. Personne d’autre que toi ne pourra dire à ta place la preuve que tu souhaites te forger. A toi de voir si tu souhaites étudier par toi-même la brochure.

Il n’en demeure pas moins que ta question me pousse à aller lire moi-même et en cela ta question est extrêmement utile. Je vais donc donner ma lecture, fort partielle, certainement, de la brochure.

Pour cela, il s’agit de nous mettre dans la posture d’une hypothèse de lecture pro et contra. Une lecture d’abord qui cherche à valider la thèse (en la prenant pour hypothèse) de R. Paris, et ensuite, une autre hypothèse, celle de LO qui a publié la brochure en mettant en avant comme auteur Pierre Bois.

A mon sens à partir de certains jalons de la brochure, la version de LO ne tient pas, et celle de R. Paris semble bien mieux faire comprendre que la revendication par LO que cet écrit serait de Pierre Bois ne tient pas.

D’ailleurs, il faut faire remarquer que cette brochure est datée de Mai 2009. Hardy-Barcia est lui décédé quelques semaines plus tard, le 12 juillet 2009 s’il faut en croire la presse bourgeoise. Voir ici

A voir si Barcia-Hardy a voulu publier son ultime témoignage à l’approche de ce qui nous attend tous. Cependant, il faut bien noter que Pierre Bois, lui, est décédé 7 ans plus tôt. Il est donc fort étonnant que cette brochure sorte quelques semaines avant le décès prévisible de Barcia et non en 2002, en hommage à Pierre Bois après la mort de ce dernier, ou même avant la mort de Pierre Bois si Pierre Bois avait du faire comme Hardy, écrire à l’approche prévisible de la mort.

R. Paris nous dit, très précisément : « Mieux, la brochure de Lo n’est évidemment pas écrite par Pierre Bois ni par un militant de Renault de l’époque, Pierre Bois et les militants de l’époque étant cités dans la brochure à la troisième personne…. »

Et en effet, à plusieurs reprises, le texte cite Pierre Bois. Parfois un article (page 34 et 35 par exemple), ou un extrait de tract, parfois des propos dont on ne sait précisément d’où ils viennent (page 46, propos en style indirect).

Mais souvent, les individus autres que Pierre Bois ne sont pas cités. L’usage du pronom personnel en 3e personne (du pluriel ou du singulier) est trop fréquent pour étayer la clarté du propos. Trop souvent seul Pierre Bois est cité. Parfois, c’est « le camarade » (pages 43 et 44), le délégué cégétiste (page 44), « un ouvrier » (page 32, ou page 44), pour désigner une personne qui prend la parole et qui est manifestement un militant, au vu de ce qu’il dit , ou encore « notre camarade » (page 32), mais on ne sait pas de qui il s’agit ! Pierre Bois ? un autre dont on veut taire le nom ? si on veut taire le nom, on trouve un pseudonyme, mais pourquoi ne pas dire clairement ? Tout cela est fort surprenant, surtout si l’on pense que ce texte est écrit par dirigeant politique comme Pierre Bois.... (ou plutôt Hardy, si l’on pense, comme moi, que c’est lui qui a écrit la brochure ?)

Bien souvent, ce sont les militants de tel ou tel groupe qui sont cités : « Les camarades regroupés autour de La Voix des travailleurs de chez Renault », page 32. « Le MFA », « Le PCI (trotskyste) », les« syndicalistes de la CNT », page 33.

En clair, quand il s’agit de groupes, ils sont nommés, et encore, pas de la même manière s’il s’agit des autres groupes ou du groupe dont on revendique la continuité, puisque les autres groupes semblent monolithiques et que, pour La Voix des travailleurs de chez Renault, il s’agit de « camarades groupés autour de La Voix des travailleurs de chez Renault » (page 32). Mais sait-on comment sont organisés les uns ou les autres ? et en particulier La Voix des travailleurs de chez Renault ? Jamais on ne le sait !

D’autres éléments d’imprécision seraient à relever, par exemple, page 43 : « Un tract diffusé dans la matinée ». Mais qui a écrit ce tract ? on croirait un journaliste qui a débarqué quelques jours dans l’usine et qui n’y comprend rien, et n’a que peu d’éléments, fort extérieurs à la grève et n’a pas su identifier les acteurs de telle action ou les auteurs de tel tract. Depuis 1947, peut-être que l’auteur du tract devrait avoir été identifié.

Ainsi, la brochure, loin d’expliquer réellement les choses, n’approfondit rien, brouille les pistes car les acteurs ne sont pas identifiés. Cela est révélateur de la manière de fonctionner de Lutte Ouvrière. Le texte reste vague, fort imprécis.

Le texte n’a donc pour but que de faire la part belle à Pierre Bois, mais pas au Pierre Bois réel, un ouvrier avec ses qualités et ses limites, avec la façon dont il travaille avec Barta (absent de la brochure) ou avec les autres camarades des autres groupes (on sait que dans les grèves des militants d’un groupe à l’autre discutent, se mettent d’accord sur certaines choses, apprennent à travailler ensemble, voire changent d’organisation à partir des liens qui se tissent entre les uns et les autres).

Non, il s’agit de faire de Pierre Bois un héros en effaçant les autres acteurs derrières des pronoms personnels (donc impersonnels...) ou une formule générale au lieu de préciser la personnalité du délégué, de l’ouvrier qui prend la parole publiquement, du camarade évoqué, des militants, nombreux, des autres groupes, ou même sans groupe.

Non, ce texte a uniquement pour but de faire ce que Hardy a fait de son vivant autour de sa personne : le culte de la personnalité envers un ouvrier. C’est comme ça que Hardy voyait le monde : il préfère construire une mythologie plutôt que dire la vérité. Il a monté un appareil qui fonctionne encore comme cela. Et ses héritiers cultivent la même chose. Combien de temps encore aurons-nous à faire à un tel appareil, qui fait reculer la conscience de ceux qui y adhère ou qui travaille pour cet appareil ? certainement encore fort longtemps !

C’est pour cela qu’il s’agit de chercher à comprendre cette organisation dans ses idées et ses modes de fonctionnement, et cela au même titre que les autres organisation ou le monde entier.

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