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Lutte de classe à Madagascar

4 février 2015, 10:41

L’usine de fabrication de sucre SUCOMA située à Morondava, une grande ville de la côte ouest du pays, est actuellement fermée et gardée par les forces de l’ordre après que les patrons et les cadres, ont été évacués vers Tananarive, la capitale. Il y aurait environ 2 000 personnes à travailler dans et autour de cette usine qui appartenait auparavant à l’État Malgache. Elle est aujourd’hui aux mains de propriétaires venus de Chine.

Depuis des mois, les travailleurs réclamaient des droits ainsi que des hausses de salaire : les 10% de hausse décrétés par le gouvernement dans tout le pays, ne leur ont pas été accordés par les dirigeants de l’usine ; le salaire minimum n’est pas respecté ; les employés ne sont souvent pas déclarés à la CNAPS ou à l’OSIE, organismes de protection sociale ; les conditions de travail sont déplorables et les règles d’hygiène et de sécurité sont sans cesse violées. Par ailleurs en plus des travailleurs de l’usine, les patrons exploitent des travailleurs saisonniers qu’ils jettent chaque année à la porte dès que la récolte est terminée, que le sucre (17 000 tonnes cette année) est stocké dans les dépôts et évacué en direction des circuits commerciaux nationaux et internationaux. L’adhésion à un syndicat est refusée aux travailleurs et cependant un certain nombre de représentants des travailleurs sont montés à plusieurs reprises à la capitale pour faire entendre leurs revendications auprès des autorités de l’État sans que celles-ci n’interviennent auprès des patrons.

Suite à ce conflit accompagné de grèves, 6 représentants des travailleurs ont été arrêtés ; les 10 et 11 décembre 2014, 500 employés en colère ont manifesté pour les faire libérer. Les gendarmes ont ouvert le feu et c’est un jeune de 17 ans qui, sur le chemin de l’école, est mort tué d’une balle. Cela a déclenché la colère de la population pauvre qui, munie de lance-pierres, de bâtons etc. a assailli la caserne. Une partie de la population a réussi à rentrer dans l’usine, et quelques tonnes de sucre ont été récupérées par les gens démunis pour être consommées ou vendues. Il y a des dégâts dans l’usine dont certaines parties ont été incendiées ou mises à sac.

Des 17 000 tonnes de sucre produites, la grande partie a été exportée par les patrons et les autorités disent qu’il en reste 5 000 tonnes dans les entrepôts. Des militaires et des gendarmes ont été dépêchés sur les lieux depuis la capitale pour arrêter l’émeute et empêcher que les travailleurs et la population ne mettent la main sur ces stocks. Dans les affrontements, des éléments des forces de l’ordre ont été tués. Au final il y aurait eu 7 morts en tout.

Zhou Jianping, porte-parole de la firme, a déclaré : « le salaire de 126 000 Ar (autour de 42 euros par mois) est déjà respecté par la société. Il n’y a pas de SMIC à 320 000 Ar à Madagascar pour des employés agricoles ». Quant au reclassement des employés saisonniers il a déclaré : « Il n’y a aucune loi obligeant une société à les reclasser en des employés permanents ». Il pousse l’arrogance jusqu’à réclamer (à l’État et aux travailleurs) des dédommagements consécutifs aux dégâts lorsque ceux-ci seront évalués par la firme.

Décidément, ce n’est jamais assez pour les patrons.

Le ministre de l’Industrie Jules Étienne Roland, estime que l’État a fait son travail depuis le 18 mai par la mise en place d’une cellule de coordination pour apaiser la tension. Pour ce ministre, bien au service du patronat, ce n’est pas l’avidité patronale qui est à la base du déclenchement du conflit mais c’est « un choc de culture qui a causé cette émeute meurtrière. Les chinois voulaient emprisonner tout de suite les meneurs déjà identifiés, alors que nous, nous avons privilégié tout d’abord la négociation avant de passer à cette étape ».

Ces propos laissent entendre que les 6 délégués qui ont été libérés, ne sont pas à l’abri de poursuite ultérieure et que la répression ne s’arrêtera pas là si les travailleurs se démobilisent.

Il est difficile de savoir si les travailleurs de cette usine gagneront ou pas la bataille. Mais ce qui est sûr c’est que toute la province et même le pays est au courant de ce combat des travailleurs. Des journalistes et autres animateurs de radios locales et régionales ont fait échos et ont donné la parole à ceux que les patrons et le gouvernement à leur service, qualifient avec mépris, de « meneurs ». Nombre d’entre eux se trouvent dans le collimateur du gouvernement qui les accuse de vouloir le « déstabiliser ». C’est le même langage et la même attitude que les gouvernements qui se sont succédé et qui ont chuté.

Les travailleurs ont montré leur combativité et leur capacité de mobilisation. Cela pourrait être une première étape dans la prise conscience que sans leur travail, rien ne fonctionne et qu’ils représentent une force.

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