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Assemblée générale interprofessionnelle du 1er mai à Paris

5 mai 2015, 07:46, par Robert

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 Nous ne devons pas exclure non plus les militants syndicalistes les plus combatifs qui ont un rôle à jouer et qui peuvent, à la faveur des expériences concrètes locales, partager nos points de vue. Nous avons le besoin de partager des expériences avec d’autres militants. Pour mener les grèves de manière plus radicale, il ne faut pas craindre de combattre sur le terrain tous ceux qui s’y opposent, afin d’offrir une politique combative.

 Nous ne faisons pas que militer pour des grèves revendicatives radicales. Rien ne prouve que le capitalisme parvienne à se redresser et à aller vers une reprise économique. Rien ne prouve qu’il ait les moyens financiers étatiques pour faire face à la prochaine crise financière, boursière et spéculative. Dans ces conditions, il importe que notre comité ou nos comités ou assemblées interpro militent pour que les travailleurs organisent eux-mêmes leurs luttes. Les appareils syndicaux peuvent parfaitement s’adapter si le climat se radicalise et faire mine d’adopter y compris une vraie grève générale ou se généralisant, comme en 36 ou en 68, et s’ils en prennent la tête, ce sera pour l’envoyer dans l’impasse comme ils l’ont alors fait dans le passé. Nous organiser aujourd’hui en comités anticipe peut-être sur la montée des luttes mais cela est peut-être nécessaire pour éviter de nous retrouver trompés comme les travailleurs en 36 àu en 68.

 Les directions syndicales nous volent notre autonomie, nous empêchent de nous exprimer, nous volent nos luttes. Elles revendiquent le droit de nous empêcher de faire grève en imposant leur monopole des préavis de grève. Elles prétendent décider à notre place des revendications. Elles négocient dans le dos des grévistes, en refusant à ceux-ci de participer aux négociations et d’en contrôler le cours. Elles décident et imposent les fins de grève. Elles divisent et isolent les luttes en monopolisant les liaisons inter-secteurs et en refusant d’appeler à des luttes d’ensemble face à des attaques d’ensemble. Elles présentent des défaites pour des victoires et empêchent les travailleurs d’échanger leurs expériences et les leçons de leurs luttes en les dépossédant ainsi de la conscience collective pourtant indispensable. Et c’est nous qui payons leurs stratégies et les échecs de nos luttes qui en découlent ! Il en résulte que nous échiner à réformer les syndicats est une perte de temps. Il faut nous organiser de manière indépendante sans les directions syndicales et, si nécessaire, contre elles.

 Est-ce que l’expression « interpro » du comité ou de l’assemblée est suffisamment claire ? Il ya des personnes qui nous ont dit se demander si cela s’adressait vraiment à eux puisqu’ils sont chômeurs, retraités, jeunes, habitants des banlieues mais ne sont pas « pro » d’aucun secteur de la classe ouvrière, alors que, bien entendu, leur participation serait nécessaire au comité et à l’assemblée. D’autres questions se posent pour les gens sur ce qu’est et ce que veut l’interpro : est-ce que nous sommes pour ou contre les syndiqués et, en somme, qu’est-ce que nous voulons. Faire un petit texte du type « qui nous sommes et que voulons-nous » semble nécessaire à ce stade. On y préciserait par exemple qu’on est pour que les travailleurs conduisent eux-mêmes leurs luttes de bout en bout, en décidant y compris quel est ce bout. On peut avoir des divergences entre nous sur les limites et les trahisons du syndicalisme mais, si nombre d’entre nous militent dans des syndicats, nous affirmons tous une défiance totale vis-à-vis des bureaucraties syndicales. Mais ce point n’est pas la seule raison de notre existence : même s’il se trouvait que tous les syndicats étaient très corrects et combatifs, même s’ils n’étaient pas aux mains de bureaucrates liés au patronat et à l’Etat, de tels comités seraient indispensables quand même pour prendre la tête des luttes car ils seront indispensables ensuite pour prendre la tête de toute la société. D’ailleurs, si parfois, il peut sembler que les syndicats ont une attitude correcte, ne torpillent pas la lutte, cela peut être un calcul momentané. Ainsi, on a vu, lors de la grève de Radio France, des syndicats qui paraissaient corrects, torpiller ensuite la grève en faisant venir voter les non-grévistes, en rameutant leurs adhérents anti-grèves pour faire reprendre le travail malgré une assemblée ouvertement pour la continuation de la grève. Donc même là où les syndicats sont corrects, il faut des comités indépendants des appareils syndicaux. Les syndicalistes corrects pourront très bien y participer sans y imposer leur direction.

 Actuellement, nous, travailleurs, n’avons plus l’habitude de nous organiser. Cela fait tellement longtemps que nous avons complètement désappris. Nous n’avons plus du tout le réflexe simple de nous réunir, de nous parler, d’échanger nos avis, de discuter pour décider ensemble. Il faut retrouver ces modes de fonctionnement. Les comités doivent être un moment pour se parler, pour s’organiser, pour décider ensemble, pour s’informer aussi. On remarque par exemple bien des fois, lors des attaques, que les dirigeants syndicaux étaient au courant bien avant et se sont bien gardés de nous en informer et de nous permettre de discuter et de décider nous-mêmes de ce que nous en pensions. Même dans cette manifestation du premier mai, aussi petite soit-elle, les appareils syndicaux se sont bien gardés de mélanger les manifestants, de mêler les cortèges, les syndicats, les secteurs d’activité. Bien sûr, au sein de notre assemblée, on peut être en désaccord sur bien des points mais ce qui doit nous rassembler c’est la volonté de construire des lieux où on peut débattre et converger.

 On a beaucoup discuté de la question syndicale mais il n’y a que 8% de syndiqués en France. Les syndicats ne sont pas tout le problème et les problèmes que nous avons avec les syndicats, nous les avons aussi avec les travailleurs eux-mêmes. Bien des travailleurs refusent la solidarité ouvrière. Il y a des travailleurs qui votent Le Pen. On ne peut pas tout mettre sur le dos des syndicats, de manière aussi générale et abstraite alors qu’il y a des syndicalistes et des syndiqués très bien et des non syndiqués qui sont pourris. Certains salariés se moquent que d’autres soient précaires ou perdent leur emploi alors que les syndicats se battent parfois pour tous les salariés et défendent tous les salariés que leurs camarades de travail ont parfois abandonnés. Les syndicats peuvent se battre pour l’emploi pour tous. Les syndicats sont un cadre. C’est à nous d’y mettre un contenu, celui du droit au travail pour tous par exemple, celui de la répartition des revenus.

 On ne revendique pas seulement du salaire, de l’emploi, du travail. On veut changer les rapports sociaux. On veut se battre pour une autre société. C’est compliqué, bien sûr, parce que nous ne sommes pas organisés dans ce but. C’est cela qu’il s’agit de réapprendre et de reconstruire.

 Nous ne voulons pas seulement des grèves mais que les luttes prennent un caractère de lutte de classe et c’est très différent.

 On fait tous le même constat : dans les grosses mobilisations, on se retrouve sans contrôle sur notre lutte et on n’arrive pas à unifier même les luttes en cours et encore moins à faire en sorte qu’elles entraînent d’autres travailleurs dans la lutte. La sabotage syndical a mille formes : journées d’action sans lendemain (quelle est la suite du 9 avril ?), grèves par secteur, par corporation, par site, etc, etc… Voilà l’objet de l’assemblée interpro : sortir du cadre étouffant imposé par les syndicats en permettant aux luttes de s’entraider, de s’unir, de se contacter, de travailler à l’extension. Pour cela, il faut qu’il y ait des minorités militantes organisées et coordonnées qui défendent l’unité de la lutte. Bien sûr, il peut être difficile de maintenir en vie ce type de comité et cela peut dépendre de l’ampleur des mobilisations en cours mais c’est un travail qui a de l’avenir.

 On n’est pas là pour remplacer les syndicats. Nous ne voulons pas que le comité ou l’ag interpro dirigent les luttes à la place des travailleurs. Si nous critiquons les syndicats, ce n’est pas parce que nous avons une solution miracle d’un syndicalisme correct. Si les syndicats sont devenus partout et toujours ce qu’ils sont aujourd’hui, cela a des causes objectives et pas seulement subjectives. Certains camarades pensent que notre action peut suffire à transformer ou entraîner les syndicats. D’autres pensent que non. En tout cas, que l’on milite ou pas dans les syndicats, il faut favoriser une organisation des travailleurs indépendante des appareils.

 Un camarade travaillant à l’INSEE donne l’exemple d’une grève à laquelle il a participé et qu’il a estimé conduite jusqu’à la victoire par les syndicats de manière correcte, les revendications yant été globalement satisfaites. Il estime que, dans ce cas, le syndicat est un organe efficace de la lutte et donc qu’il ne faut pas partir en guerre d’une manière générale contre les syndicats. Il estime qu’aujourd’hui les luttes pâtissent plus du fait que les travailleurs sont démotivés que du frein des syndicalistes. Il nous appelle, si nous en sommes capables, de prouver que nous faisons mieux qu’eux.

 S’organiser peut se faire de différentes manières, à différents niveaux et à divers moments de la lutte. Il y a le comité interpro qui réunit d’abord des minorités militantes dont un grand nombre de militants révolutionnaires de divers groupes. On le voit bien au fait que sortir du capitalisme est une position qui est majoritaire dans le comité interpro. Au cours d’une lutte, il y a le comité de grève. Même avant la grève, il peut y avoir un comité de mobilisation. Face aux politiques gouvernementales et patronales, on peut mettre en place des comités de surveillance, de contrôle, de solidarité. Mais, dans tous cas, on s’organise pour se fixer des objectifs et des perspectives face aux plans de nos adversaires et ces objectifs de mobilisation peuvent nous permettre entre autres d’unir syndiqués et non syndiqués.

 Il ne s’agit pas d’être contre les syndicalistes, contre les syndiqués. Nous n’avons jamais dit cela. Nous sommes contre toutes les bureaucraties syndicales et contre la manière dont elles mènent les luttes. Cela ne nous assimile pas à des anti-syndicalistes et d’ailleurs nombre de camarades du comité sont eux-mêmes syndiqués, syndicalistes militants ou élus et parfois responsables syndicaux. Mais les syndicalistes membres du comité, comme ceux qui ne sont pas syndicalistes, affirment que les appareils syndicaux ne doivent pas diriger les luttes à la place des travailleurs eux-mêmes. La vraie question, c’est que le comité vise à regrouper tous ceux qui ont confiance dans les capacités des travailleurs à s’organiser eux-mêmes, à discuter eux-mêmes, à décider eux-mêmes. L’analyse partagée par les militants du comité interpro, c’est que les bureaucraties syndicales divisent nos luttes et les font échouer.

 Un camarade cite l’exemple d’une grève à Keolis où un responsable syndical se charge d’empêcher tout contact des grévistes avec d’autres salariés de Carrefour en grève juste à côté. Résultat : isolement de la grève et son échec après plusieurs jours de grève. On ne peut pas nier le rôle très négatif des dirigeants syndicaux et de la bureaucratie. Bien entendu, cela ne signifie pas fermer la porte à tous les militants syndicalistes mais leur permettre de ne pas dépendre entièrement de l’appareil de leur syndicat.

 Les syndicats sont pourris, ce n’est pas une nouveauté et ce n’est pas une découverte. On est obligés de compter sur nous-mêmes même si on est conscients que cela signifie s’attaquer à une tâche immense et dans une situation qui, pour le moment, peut sembler défavorable. Ce que l’on fait avec le comité interpro, c’est petit mais il faut bien commencer par un bout. Bien sûr, cela peut sembler plus un espace de psychologie collective où chacun exprime ses espoirs et ses déceptions plus qu’à un début de véritable centre d’information, d’intervention et d’organisation. Cependant, même à ce stade, il faudrait se donner les moyens de tester ce que nous sommes capables de faire. Cela nécessiterait d’utiliser ce moyen pour intervenir dans des luttes. Par exemple, on pourrait participer à des mobilisations comme celle contre des flics qui ont tiré une balle dans le dos d’un jeune et celle face aux flics qui sont intervenus à Clichy-sous-bois et lors de l’énoncé du jugement dans l’assassinat de Zied et Bouna. Il y a des moments comme cela où on peut se retrouver avec des gens que l’on ne voit pas dans les cortèges syndicaux, des gens des banlieues dont on ne parle pas mais qui se battent avec courage, des gens comme ceux du nettoyage qui ont une combativité et une solidarité parfois supérieure aux milieux plus favorisés de la classe ouvrière que cultivent les syndicats. En dehors de mouvements de lutte, une assemblée n’est qu’un espace de discussion.

 Un militant de la CGT du Livre affirme que oui, il s’agit d’une aristocratie ouvrière et il en fait partie, oui, les syndicats sont depuis longtemps non seulement pas révolutionnaires et même contre-révolutionnaires mais ils se veulent efficaces pour limiter les attaques anti-sociales et la révolution n’étant pas pour le moment à l’ordre du jour, ne sont-ils pas le contre-poids le plus efficace face à ces attaques ? C’est un rôle objectivement réactionnaire mais qui permet aus salariés, au jour le jour, d’obtenir quelques satisfactions à leurs revendications. Résultat : c’est quand même là où il y a des syndicats que les travailleurs sont le moins attaqués et qu’ils obtiennent des aménagements plus favorables, pas là où il n’y en a pas du tout. C’est quand même mieux qu’il y ait des syndicats forts. Et, pour le moment, personne, pas même les classes dirigeantes, ne peut prévoir quand reviendra une situation révolutionnaire. Donc on ne peut pas être contre les syndicats.

 Une fois de plus, personne n’a dit que le syndicat est inutile et nous ne disons pas aux gens de ne pas aller dans les syndicats ni même d’être, d’une manière générale, contre les syndicats. Nous disons que nous refusons qu’ils confisquent les luttes. Nous ne devons plus nous laisser voler nos grèves. Dans une période pré-révoluionnaire aussi, il est très important de dépasser les limites qu’imposent les syndicats, des limites corporatistes, des limites qui les maintiennent dans le cadre de la conservation du capitalisme et des limites qui, en empêchant les travailleurs de diriger eux-mêmes leurs luttes, ne leut permet pas de se défendre efficacement comme de préparer l’avenir.

 Un participant rappelle qu’il est chômeur et que le comité interpro c’est le moyen aussi d’associer les chômeurs, ce qui n’est pas le cas avec les appareils syndicaux. Il rappelle quelques leçons du dernier conflit à Radio France, conflit qu’il appelle à étudier et à en diffuser les leçons de cette défaite systématiquement organisée par les appareils syndicaux. Par exemple, c’est les sydicats qui ont imposé le médiateur. C’est eux qui ont imposé le cadre des négociations et pas les grévistes. Il y a des travailleurs de Radio France qui ont commencé à tirer les leçons de cette lutte et de cette défaite et qui ont commencé à s’organiser dans ce but. Ils ont conscience de la nécessité de faire un travail pour se réapproprier nos luttes. D’autres tentatives ont lieu en ce sens comme une convergence entre des postiers en grève du 92 et des salariés de Carrefour Market en lutte. Des efforts à faire connaître, à poursuivre et à amplifier.

 Un participant nous a dit que nous avons le syndicat que nous méritons. Comme si la situation actuelle du mouvement syndical reflétait d’abord des défauts des travailleurs eux-mêmes ! Mais en quoi méritons-nous ces appareils syndicaux et leurs comportements bureaucratiques ? Nous sommes dans un secteur où les travailleurs se sont mobilisés massivement, se sont solidarisés. En quoi ont-ils mérité d’avoir un appareil syndical qui les trahit ? En quoi sont-ils responsables des décisions de cet appareil de lancer et d’arrêter les grèves quand bon leur semble. Comme si on pouvait aisément faire grève sans avoir de préavis de grève et sans risquer de perdre son emploi !

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