Accueil > ... > Forum 42753

En quoi le fondement, réel et imaginaire, des anciennes religions a irrémédiablement disparu ?

4 septembre 2018, 06:54

Lévi-Strauss, dans « Tristes tropiques » :

« Quand on étudie les attitudes envers les morts observées dans les sociétés humaines, on est obligé de respecter une grande division entre les pôles de laquelle le passage s’opère par toute une série d’intermédiaires.

Certaines sociétés laissant exposer leurs morts, moyennant des hommages périodiques, ceux-ci s’abstiendront de troubler les vivants. S’ils reviennent les voir, ce sera par intervalles et dans des circonstances prévues. Et leur visite sera bienfaisante, les morts garantissant par leur protection le retour régulier des saisons, la fécondité des jardins et des femmes. Tout se passe comme si un contrat avait été conclu entre les morts entre les morts et les vivants : en échange du culte raisonnable qui leur est voué, les morts resteront chez eux, et les rencontres temporaires entre les deux groupes seront toujours dominées par le souci des intérêts des vivants… Les Indiens de la côte Ouest du Canada et les Mélanésiens font comparaître tous leurs ancêtres dans les cérémonies, les contraignant à témoigner en faveur de leurs descendants, dans certains cultes d’ancêtres, en Chine ou en Afrique, les morts gardent leur identité personnelle mais seulement pendant la durée de quelques générations : chez les Pueblo, du sud-ouest des Etats-Unis, ils cessent tout de suite d’être personnalisés comme défunts mais se partagent un certain nombre de fonctions spéciales. Même en Europe, où les morts sont devenus apathiques et anonymes, le folklore conserve des vestiges de l’autre éventualité avec la croyance qu’il existe deux types de morts : ceux qui ont succombé à des causes naturelles et qui forment une cohorte d’ancêtres protecteurs tandis que les suicidés, assassinés ou ensorcelés se changent en esprits malfaisants et jaloux. Si nous nous bornons à considérer l’évolution de la civilisation occidentale, il n’est pas douteux que l’attitude spéculatrice s’est progressivement effacée au profit de la conception contractuelle des rapports entre morts et vivants, celle-ci faisant place à une indifférence annoncée peut-être par la formule de l’Evangile : laissez les morts ensevelir les morts… »

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.