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Le tournant d’extrême droite de la bourgeoisie turque

6 novembre 2019, 20:54

En annonçant début octobre que les Américains se retireraient du nord de la Syrie, Donald Trump a ouvert grand la voie à une invasion turque. Recep Tayyip Erdogan n’attendait que ça. Et comme le cynisme n’a plus de limite, l’opération a été baptisée “Source de paix”. Moins d’une semaine plus tard, des dizaines de civils ont été massacrés, victimes de frappes aériennes aveugles et d’exactions commises par les supplétifs de l’armée d’Ankara. Des exactions saluées par certains médias turcs, qui, à l’image de l’ensemble de la classe politique du pays, affi chent un nationalisme à toute épreuve. La guerre au service de l’unité nationale et le nationalisme au service de la guerre, c’est ce que dénonce Arti Gercek, l’un des rares sites turcs opposés à l’intervention en Syrie… Mais il faut dire que celui-ci, dont le siège est en Allemagne, rassemble des journalistes de gauche exilés, souvent prokurdes. Il y eut le massacre des Kurdes par le régime de Saddam Hussein en 1988, la répression en Turquie depuis des années et enfi n cette nouvelle guerre en Syrie. Les Kurdes semblent les otages perpétuels d’un grand jeu qui se joue contre eux. Et pourtant. Ils ont combattu contre Daech, contre Bachar El-Assad. Ils ont
hérité des milliers de djihadistes dont l’Occident ne veut pas entendre parler mais dont il va bien devoir se préoccuper un jour. C’est peut-être la seule chance des Kurdes, pouvait-on penser jusqu’au week-end dernier. À l’annonce de l’off ensive turque, des voix,
nombreuses, ont condamné Ankara mais, concrètement, il ne s’est rien passé. Et devant l’urgence, les Kurdes ont dû se résigner et se ranger derrière leur ennemi d’hier, Assad, comme l’espérait Poutine, nouveau maître du MoyenOrient. Les voix qui s’étaient élevées pour les défendre seront-elles moins audibles ? C’est bien le risque. Car ce qui se joue sur le dos des Kurdes, c’est le retour en grâce d’Assad, le retour à l’unité syrienne, et peut-être le retour des réfugiés syriens – ils sont plusieurs millions à s’entasser en Turquie, et Erdogan voudrait les renvoyer dans le nord de la Syrie. Au risque d’un désastre humanitaire provoqué par la versatilité de Trump (qui ose aujourd’hui menacer la Turquie de sanctions). Et si la presse américaine n’en fi nit plus de se lamenter sur l’inconséquence de ce dernier, le peuple kurde, lui, n’en fi nit plus d’agoniser.
Extrait de l’article "Silence on tue" dans Courrier international du 17/10/2019

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