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Témoignages sur la révolution russe de 1917

3 décembre 2017, 08:02, par R.P.

Extraits :

— « Organes autonomes de « défense ouvrière » dans une conjoncture de crise économique et d’opposition de plus en plus acharnée des patrons, les comités d’usine vont progressivement se rallier à l’idée de « nationalisation » des entreprises, défendue par les bolcheviks. Quant aux unités de gardes rouges », ce sont des milices ouvrières armées (grâce au pillage, à partir du 27 février, des arsenaux et des usines d’armement) prêtes à défendre l’usine contre toute tentative de lock-out, mais aussi à « sauvegarder la Révolution » si celle-ci était menacée. L’été 1917, on comptera plus de 20 000 ouvriers en armes à Petrograd, 12 000 à Moscou, mais aussi 3 000 à Ivanovo-Voznessensk, le « Manchester russe », 1 500 à Tver, 300 dans la petite ville de Toula. Autant de petites et grandes armées ouvrières, fermement décidées à défendre « leur » révolution, de plus en plus perméables à la propagande bolchevique qui exalte la lutte des classes.

Dans une lettre désabusée, mais ô combien perspicace, un jeune capitaine décrivait ainsi à son père, propriétaire foncier dans la province de Toula, la révolution dans son régiment : « Entre nous et les soldats, l’abîme est insondable. Pour eux, nous sommes et nous resterons des barines [maîtres]. Pour eux, ce qui vient de se passer, ce n’est pas une révolution politique, mais bien une révolution sociale, dont ils sont les vainqueurs et nous les vaincus. Ils nous disent, maintenant qu’ils ont leur comité : « Avant, vous étiez les barines, maintenant c’est à notre tour de l’être ! Ils ont l’impression de tenir enfin leur revanche après des siècles de servitude ... » Dans le cours de la révolution de 1917, le rôle des soldats-paysans - une masse de 10 millions d’hommes mobilisés - est décisif. La décomposition progressive de l’armée russe, gagnée par les désertions et le pacifisme joue un rôle d’entraînement dans la faillite généralisée des institutions. Pour le commandement, c’est le Décret n°1, instituant les comités de soldats, qui est à l’origine du mal. En effet, loin de se borner aux prérogatives réelles mais limitées, que leur donne le texte, les comités de soldats en viennent à s’occuper de stratégie militaire, appellent à la désobéissance, récusent tel ou tel officier, prétendent en élire de nouveaux ... Les unités sont progressivement gagnées par un « pouvoir soldat », qui fait le lit d’un « bolchevisme de tranchée » ... » (WERTH, La Russie en révolution, pages 51/ 53)

— « Dans la capitale, une fois que la révolution l’eut emporté, c’est le Soviet et lui seul qui détenait le pouvoir de fait. L’Ordre n° I lui acquit le soutien de la garnison et donc de la force armée. Ainsi Guékov, le ministre de la Guerre, pouvait-il écrire le 9 mars au généralissime Alekseev : « Le Gouvernement provisoire n’a pas le moindre pouvoir effectif. Vos ordres ne seront exécutés que dans la mesure où le Soviet des députés ouvriers et soldats le permettra. C’est lui qui dispose des éléments de base du pouvoir réel, les troupes, les chemins de fer, les liaisons postales et télégraphiques. Soit dit carrément, le Gouvernement provisoire n’existe que pour autant que le Soviet le tolère ... » (ANWEILER, Soviets en Russie, page 159)

— « Dans l’ardente atmosphère de cette heure-là, dans le chaos d’une séance semblable à un meeting, sous la dictée directe de soldats que les leaders absents n’avaient pu arrêter, naquit le fameux « Prikaz n° 1 » (Ordre n° 1), le seul document estimable de la Révolution de Février, la charte des libertés de l’armée révolutionnaire. » (Trotsky, La révolution de février, page 321)

— « Il était près de six heures du soir. Stéklov était parti faire un rapport au Soviet sur le problème du pouvoir. Derrière la porte de la salle 13 où venait de se tenir la séance du Comité exécutif, je trouvai le tableau suivant : Sokolov était penché sur le bureau en train d’écrire ; des soldats le serraient de tous côtés, assis, debout ou appuyés au bureau. Ces soldats lui dictaient ou lui soufflaient ce qu’il écrivait. Je me souvins de la description de Tolstoï : comment, à l’école de Yasnaia Poliana, il inventait des contes avec les enfants. Mais il ne s’agissait pas d’infantillages, c’était la Commission élue par le Soviet pour travailler à la rédaction de « L’Ordre du jour à l’armée ». Ils travaillaient sans aucun plan et sans débat, tout le monde parlait et tous étaient entièrement absorbés par leur tâche. Ils n’avaient pas besoin de votes, eux, pour donner une forme à leur opinion collective. Je restai debout à écouter, intéressé au plus haut point. Lorsque le travail fut terminé, on mit sur la feuille un titre : « Ordre du jour numéro I. »

Telle est l’histoire du document qui devint si fameux. Il était devenu nécessaire par les conditions générales de la révolution et en particulier, par le manque de tact et la politique provocatrice des représentants du Comité de la Douma à l’égard des soldats. » (SOUKHANOV, Révolution russe, page 85)

— « Le processus révolutionnaire de 1917 est extrêmement rapide : tout va se jouer en huit mois seulement. [...] Les libéraux ont naïvement cru, comme Kerensky un peu plus tard, que le fait que la Russie soit maintenant démocratique allait galvaniser les troupes russes, comme les armées révolutionnaires françaises le furent par la république de 1793. Ils ont cru que l’on pouvait refouler les Allemands, mettre fin à la guerre, assurer une victoire alliée et donc une paix qui renforcerait la position nationale de la Russie.

Mais tout est faussé dans le gouvernement provisoire parce que les structures de l’armée sont minées par l’« Ordre n°1 » et tout ce qu’il représente. Nous ne savons pas qui a rédigé cet « ordre », mais il sort du soviet. L’important, c’est qu’il reflète l’état d’esprit anarchisant de la masse de l’armée russe. [...] Mais la situation d’anarchie n’a pas été créée par l’Ordre n°1, elle est le résultat spontané de l’effondrement de l’autorité antérieure. [...] A partir de février, il n’y avait déjà plus d’armée russe capable de fonctionner parce qu’une armée régie par le principe de l’élection démocratique est une contradiction dans les termes. [...] Elle va se désagréger dès qu’on essaiera de l’utiliser, c’est-à-dire dès l’offensive de Broussilov au cours de l’été. Entre février et juillet, on n’a pas osé l’utiliser et c’est pour cela que les choses restent en place. [...] Et quand Kornilov a essayé de reprendre en main la machine après l’échec, le mois suivant, cet essai a déclenché la désagrégation totale et définitive. Il s’agissait d’une machine qu’on ne pouvait plus réparer ... » (Malia, Comprendre la Révolution russe, pages 99/ 100) ;

source dans le site Smolny

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