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Témoignages sur Léon Trotsky, le plus grand et le plus calomnié des révolutionnaires

23 avril 2018, 07:02

Boris Souvarine sans « Sur Lénine, Trotsky et Staline » :

« Pour prendre la décision sur l’Allemagne, Henrich Brandler et Auguste Thalheimer. Ils présentent la situation en Allemagne comme révolutionnaire. Le Bureau politique russe se prononce alors en faveur de l’action révolutionnaire.

Mais, derrière cette unanimité de façade, une cassure se produit au bureau politique. Dans son plaidoyer pour la révolution, Brandler demande une aide fraternelle soviétique sous de multiples formes, dont l’une doit être l’envoi d’un chef historique de la révolution russe pour diriger les opérations. À la question précise : qui ? Brandler répond sans hésiter : Trotski. À la seconde même, Zinoviev, frappé de stupeur, réagit : il est le président de l’Internationale, et le choix ne se porte pas sur sa personne ! Moment de tension extrême : Staline intervient habilement en disant : « Les camarades Trotski et Zinoviev sont trop importants pour être exposés aux dangers d’une présence en Allemagne ; ils sont indispensables à la direction de notre Parti. Je propose l’envoi des camarades Karl Radek et Georges Piatakov. » Effectivement, ces deux dirigeants sont allés en Allemagne.

Les travaux du Présidium suivent les délibérations du Bureau politique russe. Quand Zinoviev, Boukharine et Radek font des propositions précises au Présidium de l’Internationale, je sais qu’ils apportent des décisions prises la veille au Bureau politique.

Le Bureau politique russe se réunit chaque jeudi, mais, souvent, les séances se prolongent tard dans la nuit. À son tour, le Présidium siège le vendredi, je m’en souviens bien, car, le samedi, Zinoviev rentrait à Petrograd, par le fameux wagon du Tsar, que j’ai utilisé plusieurs fois avec lui. Le Présidium n’a qu’à entériner la décision du Bureau politique. Il y a, toutefois, une originalité dans notre réunion : nous sommes une dizaine de membres du Présidium, auxquels d’ajoutent les délégués allemands et russes. Mais nous sommes stupéfaits de voir entrer dans la salle Staline, secrétaire général du Parti, et Dzerjinski, chef de la police politique. L’un et l’autre font leur première apparition dans nos réunions. Bien entendu, ils n’appartiennent à aucune haute instance de l’Internationale. Leur présence signifie symboliquement que l’Internationale mais aussi le parti et la Police russes sont du côté des communistes allemands…

Je retrouve Radek. Il me met au courant du désaccord qui règne dans le Bureau politique russe. Il prononce une phrase qui reste gravée dans ma mémoire : « Au Bureau politique, ils sont six contre un (Trotski). Espérons que cela fera l’équilibre. » Par ces propos, Radek constate la supériorité intellectuelle écrasante de Trotski sur les autres. Mais il exprime aussi d’espoir que la discorde ne dégénérera pas en schisme définitif…

La révolution allemande échoue, les 21, 22 et 23 octobre 1923, avant même d’avoir été déclenchée sérieusement.

Tout le monde se retrouve à Moscou : les émissaires russes, les chefs du PC allemand, désormais divisé en trois tendances, moi-même. Mais cette fois, le climat politique est empoisonné : l’échec de l’Octobre allemand offre l’occasion d’un règlement de comptes général : La « troïka » (Staline-Zinoviev-Kamenev) intrigue contre Trotski et l’accuse d’avoir été longtemps contre Lénine. Trotski riposte par le rappel de l’attitude défaitiste de Zinoviev et de Léon Kamenev en novembre 1917. Zinoviev rejette la responsabilité de l’échec de l’Octobre allemand sur les deux chefs du PC déjà en difficulté, Brandler et Thalheimer. Ceux-ci se défendent et accusent à leur tour. La foire d’empoigne commence dans le Parti bolchevik et dans l’internationale communiste….

Je m’entretiens pour la dernière fois avec Trotski en janvier 1925, dans son bureau, à Moscou. Je suis sur le point de quitter l’URSS. Nous évoquons les sombres perspectives qui se dessinent pour le Russie, en général, et pour Trotski en particulier. À ce moment, il prononce une phrase laconique qui tombe comme couperet : « Ils me tueront. » Trotski n’a que quinze ans d’avance sur l’événement. »

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