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Un seul monde, une seule science

28 juin 2009, 11:45, par F. Kletz

J’ai entendu une émission sur l’urbanisme et l’architecture l’autre jour sur une radio culturelle d’Etat. Le présentateur mêlait des discours politiques et des programmes architecturaux et urbanistiques pour les années à venir.

Un de leurs architectes faisait tout un discours politique sur l’architecture et l’urbanisme. Il parlait très bien, il pourrait être ministre de l’urbanisme ou de l’aménagement de la capitale ou même du « grand Paris ».

En fait, ce que j’ai compris, c’est que les capitalistes, par des commandes d’Etat, vont relancer les constructions dans la capitale de la France.

Est-ce que leur but serait de relancer le bâtiment, en panne, du à la crise ?

Cela explique peut-être l’emprunt qu’a annoncé le gouvernement cette semaine, je ne sais pas ce n’est qu’une hypothèse à creuser. En fait, ils projettent des grands travaux, comme tout gouvernement qui a une vision de relance d’un système en pleine crise.

Je ne sais si vous avez suivi ça, mais le président a annoncé la construction dans le 15e arrondissement du pentagone de la France, il y a quelques semaines.

Tous ces éléments sont à mettre en corrélation : entre ce qu’ils annoncent par communiqués de Presse et ce qu’ils discutent profondément, nous ne percevons que la partie émergée de leurs plans. Mais ils en bâtissent tous les jours.

En tous cas, les effets d’annonce semblent aller dans ce sens.

Quoi qu’il en soit, dans ce discours de l’architecte, qui était vraiment passionnant, j’ai remarqué un truc qui me semble important.

Il parlait du Paris historique, il remettait en cause certaines constructions ultra-modernes fabriquées au 20e siècle. Il expliquait le fonctionnement architectural ancien dans de très jolis termes que je ne suis malheureusement pas encore en mesure de retranscrire.

Il expliquait la vie d’une ville, que les espaces inutilisés peuvent être tout à fait intégrés dans les constructions. Il réfutait une certaine architecture qui s’était battue pour imposer une rationalisation, récupérer tous les espaces soi-disant inutiles.

En fait, disait-il, ces espaces morts sont très utiles pour la lumière, pour faire entrer la lumière dans une cour, ou par une fenêtre qui ne serait pas directement exposée à la lumière. Car une exposition directe qui n’est pas toujours possible permet une lumière indirecte plus douce, intéressante pour le repos dans l’appartement, etc. Bref, l’espace mort permet la variété de la vie d’un bâtiment ou d’une construction.

Vraiment j’ai découvert que ce bonhomme, un pur produit de la bourgeoisie que j’exècre et que je veux voir disparaître, ce bonhomme donc, mêlait architecture, urbanisme, économie, politique, luminosité, et poésie.

En fait, c’est un véritable artiste.

Il est vivant, il a une connaissance impressionnante et une sensibilité que peu de gens qui me semblent bien plus fréquentables n’ont pas. Moi-même, j’ai appris à mettre des mots, sur ma sensibilité à la lumière. J’ai appris que d’autres avaient réfléchi à mettre des mots très bien agencés sur ce que je percevais dans ces bâtisses anciennes. Car ses mots, à ce bonhomme, étaient poétiquement agencés dans un discours de planification économique, urbanistique, architecturale et politique

Pourtant, ce sont ces bonhommes-là qui mettent toutes ces qualités au service de la classe qui les paye, souvent très cher, mais fort peu en comparaison de ce qu’ils apportent à cette classe. Le bonhomme vivant a mis son talent au service de la mort pour essayer de faire perdurer un système mourant dont le cœur s’est arrêté et qui perdure artificiellement. Son programme est donc un pacemaker. Un programme qui paraît grandiose, mais qui n’est qu’une chirurgie sur un cadavre.

Ces bonhommes-là ont un milliard de choses à nous apprendre, si on veut bien aller les écouter. Mais la seule chose qu’ils ne nous apprendront pas, c’est la haine pour ce système, puisqu’ils sont à son service.

Toute cette réflexion me permet d’affirmer que je commence à comprendre plus profondément une idée que je n’avais fait qu’effleurer, puisque je le faisais, mais sans le concevoir. Nous, les prolos, (et même les petits bourgeois, souvent font de même), nous nous limitons au rôle qu’on nous demande de choisir depuis l’enfance : « choisi un métier et n’en sort pas ».

Moi, j’ai toujours voulu faire mille choses, je n’arrivais pas à concevoir qu’on puisse s’enfermer comme ça.

Et pour cause : les bourgeois eux-mêmes ne s’enferment pas, pourquoi faudrait-il que cette liberté leur soit réservée ?

C’est très simple : la liberté de connaître un tas de trucs, d’approfondir chaque science, plusieurs domaines te permet de voir clair, d’avoir une vision globale du monde, une vision plus complète. Alors que si je me limite, je n’aurais vu qu’un aspect, donc je n’aurais rien vu.

Si j’étudie la psychologie seule, je grossis un truc, mais je ne vois rien du reste. Si j’étudie l’architecture, je perçois comment on oriente des comportements sociaux, mais je ne vois rien du reste. Si j’étudie l’histoire, j’omets de voir d’autres aspects du monde.

On ne pourra sans doute jamais tout savoir, mais croiser les regards, c’est toujours une richesse supplémentaire qui construit mon regard pour l’avenir comme pour maintenant. Surtout, surtout, c’est absolument nécessaire pour chaque prolo de faire ce boulot-là maintenant si on veut pouvoir un jour remplacer des monstres si fins, si intelligents, si riches, si puissants dans leur vision du monde, et en même temps si petits qu’ils ne mettent toute cette grandeur qu’au service de leur dieu-argent !

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