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Ce qui gêne vraiment le pouvoir d’Etat et les classes possédantes dans le mouvement des gilets jaunes

7 décembre 2018, 05:55

L’opiniâtreté de la police, de la grande presse mais aussi des directions syndicales a dissimuler l’ampleur de cette manifestation du 17 novembre n’est pas liée à une banale querelle de chiffres mais à la signification historique de cette ampleur : les invisibles, les petits, les pauvres, les humiliés, les méprisés et exploités se sont rendus visibles. Ce phénomène destiné à durer va avoir une portée considérable.

Si les chiffres n’ont pas pu dire publiquement la profondeur de ce qui se passe, la durée du mouvement et encore plus son évolution le disent et font prendre conscience peu à peu aux militants qu’il se passe quelque chose d’inhabituel.

Le 17.11 n’était pas une manifestation comme les autres, ce n’était même pas une manifestation, et même pas encore une marche vers le "tous ensemble" comme notre vocabulaire traditionnel militant peut l’exprimer de manière courante pour toutes ces dernières années, c’était bien au delà, la première apparition politique depuis longtemps de la classe ouvrière.

Elle existe donc et elle a montré son visage, ce qu’elle est aujourd’hui, en 2018.

Pour tenter d’empêcher cette prise de conscience, pour maintenir la confusion, le brouillard, qu’il ne s’établisse pas de lien entre cette lame de fond sociale et les militants syndicaux et politiques de gauche, il était vital pour le gouvernement et les directions syndicales d’utiliser plusieurs contre-feux pour minimiser ou déformer ce qui se passe. Il n’y a pas de plan machiavélique la-derrière, simplement un instinct – de classe – qui leur fait haïr, craindre et mépriser tout ce qui vient d’en bas.

Ainsi la CGT des Douanes a été jusqu’à porter plainte contre le racisme de quelques gilets jaunes à Flixecourt afin de dénoncer leur appel à la police pour leur livrer des migrants cachés dans un camion plutôt que d’appeler des associations humanitaires. Cette plainte a eu un large écho dans les rangs de militants sincères. Mais, c’est aussi à la police que fait appel, dans son communiqué, la CGT Douanes pour faire respecter le droit dans l’ensemble des blocages des gilets jaunes, celle-la même qui matraque au même moment des exploités qui se luttent contre la vie chère.

Pas question a donc déclaré la direction de la CGT de manifester aux côtés du RN : argument pour tenter de couper sa propre base des gilets jaunes, d’empêcher la jonction. Argument aussi pour défendre ce que la direction de la CGT ne cesse de répéter pour assurer sa survie : si elle échoue dans ses mobilisations ce n’est pas tant que sa politique soit mauvaise mais que les salariés, les pauvres ne se mobilisent pas, ne se battent pas. Aussi, face à la véritable claque que sont les gilets jaunes contre cette argumentation qui est à la base de l’existence de la bureaucratie syndicale, la direction de la CGT n’a pas trouvé mieux que de dire et redire que cette mobilisation populaire se fait sous influence d’extrême-droite.

Or, s’il y a bien quelque chose d’extraordinaire dans ce mouvement qui montre sa nature mais aussi l’état de santé global de la société française, c’est que cette tentative de récupération par l’extrême-droite a totalement échoué pour le moment.

L’aspect apparemment anti-politique et anti-syndical du mouvement lui-même les a confortés dans ce sentiment et les a empêchés d’aller voir et de constater au contraire combien les militants étaient bien accueillis, recherchés même et que toutes les idées pouvaient s’y exprimer à défaut des étiquettes d’organisation. Cette attitude anti-politique et anti-syndicale n’était pas la couverture de l’extrême-droite, mais la volonté de ne pas se faire récupérer par l’extrême droite ou tout autre parti ou syndicat qui les trahissent depuis des années.

Ce sont des directions syndicales institutionnalisées, intégrées, bureaucratisées qui co-organisent le recul social avec le gouvernement et qui ne cherchent plus à donner une voix à la colère. De ce fait, leurs manifestations saute-moutons ou corporatistes n’entraînent plus grand monde alors qu’il n’y a jamais eu autant de luttes qu’aujourd’hui, mais dispersées.

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