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Réflexions sur la nature de l’État et de la dictature du prolétariat dans la transition au communisme - La discussion sur la question de l’Etat a démarré

30 août 2019, 06:44

Le prolétariat russe a certainement pris le pouvoir dans les pires conditions mais avait-il le choix ? Lénine et Trotsky avaient parfaitement conscience que ce n’était pas les meilleures conditions mais ils pensaient que se refuser à prendre le pouvoir c’était trahir le prolétariat révolutionnaire mondial...
Voir ce qu’en dit ici Trotsky, polémiquant avec le social-démocrate allemand Kautsky :
« Kautsky cite nos propres paroles pour montrer que même avant la révolution d’Octobre, nous nous rendions parfaitement compte des défauts d’éducation du prolétariat russe, mais que, considérant comme inévitable le passage du pouvoir entre les mains de la classe ouvrière, nous pensions avoir le droit d’espérer qu’au cours même de la lutte, grâce à l’expérience et avec le soutien toujours croissant du prolétariat des autres pays, nous parviendrons à maîtriser les difficultés et à assurer le passage de la Russie au régime socialiste. A ce sujet, Kautsky pose la question suivante : "Trotsky se hasarderait-il à monter sur une locomotive et à la mettre en marche en comptant simplement tout étudier et tout régler en cours de route ? Il convient d’abord d’acquérir les qualités nécessaires pour conduire une locomotive, avant de la mettre en marche. De même, le prolétariat aurait du tout d’abord acquérir les qualités nécessaires pour être capable de diriger l’industrie, puisqu’il devait la prendre en mains" (p. 117)
Cette comparaison édifiante pourrait faire honneur à n’importe quel pasteur de village. Elle n’en est pas moins sotte. On serait beaucoup mieux fondé à dire : Kautsky se hasarderait-il à monter à cheval avant d’avoir appris à se tenir en selle et à guider le quadrupède à toutes les allures ? Nous avons des raisons de penser que Kautsky ne se hasarderait pas à risquer une expérience si dangereuse et si typiquement bolchevique. Mais nous craignons d’autre part que Kautsky, n’osant se mettre à cheval, n’éprouve quelque difficulté à pénétrer tous les mystères de l’équitation. Car le préjugé bolchevik fondamental consiste à penser qu’on ne peut apprendre à faire du cheval qu’en montant dessus.
Pour ce qui est de la conduite d’une locomotive, ce n’est pas, de prime abord, aussi évident, mais ce n’en est pas moins vrai. Personne n’a jamais appris à conduire une locomotive en restant assis dans son cabinet. Il faut grimper sur la machine, se mettre dans la cabine, poser la main sur le régulateur, le faire tourner. Il est vrai que la machine permet d’effectuer des manœuvres d’entraînement sous la direction d’un mécanicien expérimenté. On peut apprendre à monter à cheval dans un manège, sous la direction de cavaliers expérimentés. Mais dans le domaine de l’administration de l’Etat, on ne peut créer de pareilles conditions artificielles. La bourgeoisie ne crée pas pour le prolétariat des écoles d’administration publique, et elle ne lui confie pas pour des essais les leviers de l’Etat. D’ailleurs, même pour apprendre à monter à cheval, les ouvriers et les paysans n’ont pas besoin de manèges, ni de l’assistance des écuyers.
A ces considérations il convient d’en ajouter une autre, qui est probablement la plus importante : personne ne laisse au choix du prolétariat de se mettre à cheval ou de ne pas s’y mettre, de s’emparer du pouvoir immédiatement ou de remettre la chose à plus tard. Dans certaines conditions, la classe ouvrière est obligée de prendre le pouvoir, sous peine de se supprimer politiquement elle-même pour toute une période historique. Lorsqu’on s’est emparé du pouvoir, il est impossible d’accepter, à son gré, certaines conséquences de cet acte et de rejeter les autres. Si la bourgeoisie capitaliste transforme consciemment et malignement la désorganisation de la production en un moyen de lutte politique pour récupérer le pouvoir d’Etat, le prolétariat doit s’engager dans la voie de la socialisation, sans se demander si cela lui est avantageux ou non à ce moment donné. Et lorsqu’il s’est chargé de la production, le prolétariat est contraint, sous la pression d’une nécessité de fer, d’apprendre par lui-même, par l’expérience, à accomplir cette tâche si difficile qui consiste à organiser l’économie socialiste. Lorsqu’il est à cheval, le cavalier est obligé de guider son cheval, sous peine de se casser le cou. »
Trotsky

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