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Qu’est-ce qu’une boucle de rétroaction ?

15 août 2010, 16:41, par François Duchesneau

Revenons toutefois, à ce stade de l’analyse, sur la nécessité d’insérer la rétroaction des structures et des processus émergents dans l’explication biologique. Il est aisé de se représenter le corps comme une mécanique complexe dont le développement serait entièrement commandé par des gènes moléculaires, ordonnés à leur propre réplication et agissant comme des éléments de détermination stricte des constructions organiques émergentes. La vision qui se dégage alors de la description visée est celle d’une parcellisation extrême des structures vitales et d’une dérivation rigide des fonctions résultantes. Contre cette vision radicalement réductionniste, se développe la tendance à prendre en compte le point de vue de l’intégration. Suivant cette perspective, l’analyse doit se fonder sur la représentation des systèmes de développement de l’organisme intégré et sur leur dynamique variable : ce qui ressort alors, c’est le caractère changeant et ajustable des processus et des combinaisons de structures élémentaires qui déterminent la construction organique et par suite l’organisation vitale. La construction organique repose en effet sur les interactions multiples entre les gènes moléculaires et d’autres composantes non géniques, à la fois internes et externes aux organisations cellulaires. La notion même de gène moléculaire devient alors relative à la combinatoire de ces interactions. À la limite, le gène moléculaire n’apparaît même plus comme une structure circonscrite de triplets d’acide aminés, constitutive des divers allèles à un locus chromosomique donné et sous-tendant de façon causale les réactions chimiques du développement organique. Outre la pluralité des types de segment génique moléculaire en cause et outre la fréquente pluri-fonctionnalité de ces segments, les mécanismes de transmission, eux-mêmes divers, altèrent en effet fréquemment l’ordre de segmentation des molécules géniques. À l’autre bout de la chaîne, ce sont des contextes contingents et variables qui déterminent et affectent les processus morphogénétiques en agissant sur la base moléculaire et sur les mécanismes de transcription des éléments géniques.

La critique ne peut que s’exercer à l’encontre d’une génétique moléculaire qui supposerait que l’ADN contient sous formes de segments géniques parfaitement discrets l’ébauche préformée de toute expression sous forme de séquences de polypeptides indépendamment du système organique dans lequel cette expression se manifeste, que ce soit une cellule ou l’organisme tout entier. Certes, personne ne nie que le contexte morphogénétique puisse avoir une influence sur le mécanisme d’expression, mais la tendance réductionniste voudrait que l’on considère cette influence comme méthodologiquement accessoire, donc non strictement requise pour expliquer l’organisation résultant de l’expression génique. C’est d’ailleurs sur ce point que la métaphore du programme ou du code régissant la transcription est le plus susceptible de troubler la compréhension des processus en les rabattant sur un système de préformation déterminante, plutôt que sur un système qui laisse place à l’épigenèse dans la mise en œuvre des prédispositions géniques et de leur infrastructure moléculaire type. Il ne s’agit certes pas de dénier aux gènes moléculairescommesegments types d’ADN un rôle causal essentiel dans l’explication des traits phénotypiques de l’organisme, mais de contester que l’on puisse décomposer analytiquement les propriétés structurales et fonctionnelles des cellules et des organismes globaux en des raisons déterminantes strictes au plan des combinaisons moléculaires, sans tenir compte des déterminations qui dépendent du contexte cellulaire et organismique. Pour citer Griffiths et Gray :

Les gènes ne sont qu’une des ressources disponibles pour les processus de développement. Il y a symétrie fondamentale entre le rôle des gènes et celui du cytoplasme maternel ou celui de l’apprentissage du langage par l’enfant. La gamme complète des ressources de développement représente le système complexe qui est reproduit dans le développement. Il y a fort à dire sur le rôle spécifique des ressources particulières. Mais rien ne permet de les distinguer en deux espèces fondamentalement distinctes. Le rôle des gènes n’est pas plus unique que le rôle de maint autre facteur .

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