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Premier mai et conscience ouvrière révolutionnaire

3 avril 2009, 15:29

Une journée de manifestation le 29 Janvier, une autre le 19 Mars, et finalement un défilé unitaire pour le 1 er mai. Les journées se suivent et finissent par ressembler à un enterrement de première classe. Les syndicats sont en effet tellement soucieux de préserver l’indispensable unité qu’ils ont finalement décidé de ne rien décider.

En effet, la seule bonne nouvelle, c’est qu’au lieu de défiler en ordre dispersé, les syndicats manifesteront ensemble. Et pour la première fois, même la CGC qui, habituellement, ne se mêle pas au cortège, y sera. Il ne manque plus que le ralliement de la CNT anarchiste pour que l’unité soit globale. Cette unité qui, comme chacun le sait est un combat, nous est présentée aujourd’hui comme une authentique victoire qui devrait faire peur à Nicolas Sarkozy. Mais en réalité, cette unité apparaît de plus en plus comme une fin en soi. En effet, elle ne repose sur aucune revendication précise qui permettrait de transformer cette unité en outil de combat comme le fut aux Antilles, la plateforme revendicative qui a débouché, au terme de plus d’un mois de grève, à des accords permettant notamment l’augmentation des bas salaires de 200 euros par mois.

L’unité réalisée ne suffit pas, contrairement à ce qu’il y parait, à établir une force. Elle se fonde sur des mots d’ordre si généraux et généreux que personne ne peut s’y opposer. Qui peut en effet ne pas se reconnaître dans la défense de l’emploi, l’augmentation des salaires, le maintien des services publics, etc…Mais comment gagner quelque chose de concret quand l’objectif est si peu précis qu’on ne sait quelle base prendre pour une possible négociation. Nicolas Sarkozy ne s’y trompe d’ailleurs pas. Il ne propose, depuis le début des mobilisations, aux syndicats que des rencontres destinées à sonder les cœurs et les poumons, et à donner le change de celui qui, après avoir constaté l’ampleur de la mobilisation, prend acte de ce que ses interlocuteurs y ont ressourcé leur légitimité. On appelle cela le jeu politique. Et invariablement, à la sortie de la réunion, les syndicats nous resservent la même litanie sur ce « gouvernement qui n’a pas pris toute la mesure de la crise ».

Apparemment, les syndicats non plus. Car si tel était le cas, ils mobiliseraient sur des objectifs tangibles. La CGT réclame ainsi, depuis des mois, tout comme le NPA d’ailleurs, un SMIC à 1.500 euros par mois. Ce qui signifie une augmentation de 300 à 400 euros net pour les bas salaires. Mais dans les manifestations, ce n’est pas ce mot d’ordre clair qui est repris. Sud propose, pour obtenir quelques chose de concret, l’outil de la grève générale, c’est-à-dire non pas la succession stérile d’une journée tous les deux mois, mais un mouvement d’ampleur qui s’inscrit dans la durée et contraigne les employeurs et le gouvernement à la négociation. Ce n’est pas la stratégie qui est retenue.

Pourtant, les mouvements qui durent et bloquent le gouvernement à défaut de l’obliger à transiger ont tous des objectifs précis. Les étudiants réclament depuis huit semaines la suppression de la Loi sur l’autonomie des universités laquelle organise une concurrence entre établissements. Ils ont été rejoints pas nombre de Présidents d’universités. Les enseignants chercheurs rejettent l’idée de dépendre, pour leurs activités, des Présidents transformés en chefs d’entreprises, et revendiquent que leur soit restituer le millier de poste supprimé. Ils ont été rejoints par Axel Khan dont la Ministre Valérie Pécresse proclamait avoir le soutien. Le mouvement de solidarité avec les enfants de sans papiers animé par Réseau École Sans Frontières mobilise, depuis au moins trois ans, parce qu’il s’oppose aux expulsions et parraine des familles. A chaque cas nouveau, de nouvelles familles s’engagent résistants ainsi à une légitime lassitude. On pourrait multiplier les exemples qui, certes, n’obtiennent pas tous systématiquement un gain mais maintienne ouvert la question que le gouvernement voudrait clore, une bonne foi pour toute. L’unité syndicale du moment n’a finalement même pas cette prétention puisque il ne chiffre pas ses demandes.

Il y a cependant à cette attitude une objection recevable. Quand on fait grève longtemps, sans être sûrs d’obtenir, on commence d’abord par perdre de l’argent. Mais à t-on jamais obtenu un gain sans d’abord investir du temps et de l’argent ? Et quand le mouvement se durcit, selon les formes qu’il prend, on perd parfois une partie de ceux qui se mobilisent et redoutent ce raidissement. Il y a du vrai dans ces remarques qui font en fait le pari de l’échec. En effet, penser ainsi, c’est d’emblée considérer qu’il n’y a pas de débouché possible à la mobilisation. Soit que l’on considère, comme le gouvernement que les caisses sont effectivement vides et qu’il n’y a donc plus rien à y puiser pour les salariés, soit que la capacité de résistance de l’adversaire est plus importante qu’on ne le pense. Dans les deux cas, on s’abstient parce qu’on redoute ou le pourrissement, ou le débordement.

En effet, lancer un mouvement de longue haleine est une chose, le maîtriser jusqu’au bout, une autre chose. Nos syndicats ont apparemment le sentiment de ne pas être taillés dans le même tissu que le LKP qui lui a réussi à maintenir et les objectifs et l’unité des nombreuses organisations qui le constituent. Nous manquerait il, en métropole, un Elie Domota pour fédérer nos syndicats ? Apparemment oui !

L’unité du 1 er Mai n’est donc bien qu’un service minimum. On marchera donc sur la route dans une flopé de fanions hétéroclites, dans le rugissement des sonos, scandant à l’occasion de maigres slogans et puis, chacun rentrera chez soi. Comme la mobilisation du 1 er Mai est un rituel, Sarkozy ne proposera pas de rencontres aux syndicats qui se réuniront pour décider qu’il est urgent d’attendre parce qu’à défaut d’un printemps chaud, l’automne, c’est promis, ne sera pas froid.

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