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La révolution française a commencé

17 décembre 2009, 15:31, par Max

En mettant en comparaison ce texte de Léon Trostsky et celui du procès de Riom ou Blum se défend d’avoir failli à sa tache de gestion des interêts de la bourgeoisie, je me pose la question de savoir si notre camarade et dirigeant de la 4eme inter, ne sous estimait pas le niveau de conscience de classe du gouvernement de front populaire.

Pour preuve ces deux extraits ou on peut comprendre que Leon laisse entendre que Blum aurait une certaine naiveté politique vis à vis des ouvriers et qu’il serait en train de "rassurer" les patrons d’usine sur la réalité des grèves :

"S’arrachant aux cadres corporatifs et locaux, le mouvement gréviste est devenu redoutable non seulement pour la société bourgeoise, mais aussi pour ses propres représentants parlementaires ou syndicaux, qui sont actuellement avant tout préoccupés de ne pas voir la réalité. Selon la légende, à la question de Louis XVI : "Mais c’est une révolte ?", un de ses courtisans répondit : "Non, sire, c’est une révolution." Actuellement, à la question de la bourgeoisie, "C’est une révolte ?", ses courtisans répondent : "Non, ce ne sont que des grèves corporatives." En rassurant les capitalistes, Blum et Jouhaux se rassurent eux-mêmes. Mais les paroles ne peuvent rien. Certes, au moment où ces lignes paraîtront, la première vague peut s’être apaisée. La vie rentrera apparemment dans son ancien lit. Mais cela ne change rien au fond. Ce qui s’est passé, ce ne sont pas des grèves corporatives, ce ne sont même pas des grèves. C’est la grève. C’est le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs, c’est le début classique de la révolution"

Evidemment les propos de Blum au proçès en 1940/41 sont ceux de quelqu’un qui doit justifier sa politique de défense des intérêts bourgeois et donc on peut imaginer qu’il n’avouerait pas des faiblesses d’opinions concernant des jugements qui remontent à 4 années.

Mais cette extrait du proçès semble difficilement inventable de toutes pièces :

"J’en reviens maintenant aux circonstances dans lesquelles ont été votées, non seulement la loi des quarante heurts, mais les autres lois sociales. Je l’ai déjà dit à la Cour ; cette loi de quarante heures fait partie intégrante d’un ensemble politique. Cette politique, je n ai pas eu à la choisir, elle m’a été imposée dans les circonstances où j’ai pris le gouvernement, par une nécessité de droit, et par une nécessité de fait, ayant véritablement le caractère d’un cas de force majeure." Rappelez-vous que les 4 et 5 juin, il y avait un million de grévistes. Rappelez-vous que toutes les usines de la région parisienne étaient occupées. Rappelez-vous que le mouvement gagnait d’heure en heure et de proche en proche dans la France entière La panique, la terreur étaient générales. Je n’étais pas sans rapport moi-même avec les représentants du grand patronat et je me souviens de ce qu’était leur état d’esprit à cette époque. Je me souviens de ce qu’on me disait ou me faisait dire par des amis communs. "Alors quoi ? c’est la révolution ? Alors quoi ? Qu’est-ce qu’on va nous prendre ? Qu’est-ce qu’on va nous laisser ?..." Les ouvriers occupaient les usines. Et peut-être ce qui contribuait le plus à la terreur, c’était cette espèce de tranquillité, cette espèce de majesté calme, avec laquelle ils s’étaient installés autour des machines, les surveillant, les entretenant, sans sortir au dehors, sans aucune espèce de signe de violence extérieure. Je suis arrivé à l’Élysée avec mes collaborateurs vers 7 heures du soir. Je les ai présentés au président de la République. Au moment où nous allions nous retirer, M. Albert Lebrun nous a dit : "J’ai une demande à vous transmettre de la part de M. Sarraut, président du conseil, ministre de l’Intérieur et de la part de M. Frossard, ministre du Travail. Ils considèrent la situation comme si grave qu’ils vous demandent de ne pas attendre jusqu’à demain matin pour la transmission des pouvoirs. Ils vous prient avec instance de vous trouver l’un et l’autre au ministère de l’Intérieur et au ministère du Travail dès ce soir 9 heures, pour qu’il n’y ait pas un instant de délai d’interruption dans le passage des services. Ils ne veulent pas plus longtemps demeurer chargés d’un intérim dans les circonstances actuelles". (…) M. Albert Lebrun m’a demandé de rester auprès de lui et m’a dit ceci : "La situation est terrible, quand comptez-vous vous présenter devant les Chambres ?" Je lui ai répondu : "Après-demain, samedi, je ne vois pas le moyen d’aller plus vite". Il me dit, alors : "Vous allez attendre jusqu’à samedi ? Vous ne voyez pas ce qui se passe ?" "Comment voulez-vous que j’aille plus vite ? ai-je repris. Il faut malgré tout que je rédige la déclaration ministérielle, que je convoque un conseil de cabinet et un conseil des ministres. D’ailleurs matériellement convoquer les Chambres pour demain serait impossible". M. Lebrun me répondit alors : "Les ouvriers ont confiance en vous. Puisque vous ne pouvez convoquer les Chambres avant samedi et que certainement dans votre déclaration ministérielle vous allez leur promettre le vote immédiat des lois qu’ils réclament, alors je vous en prie, dès demain adressez-vous à eux par la voix de la radio. Dites-leur que le Parlement va se réunir, que dès qu’il sera réuni vous allez lui demander le vote rapide et sans délai des lois dont le vote figure sur leurs cahiers de revendications en même temps que le relèvement des salaires. Ils vous croiront. Ils auront confiance en vous, et alors peut-être ce mouvement s’arrêtera-t-il ?" J’ai fait ce que me demandait Monsieur le président de la République, et qui, au point de vue correction parlementaire était assez critiquable, car du point de vue de la stricte correction parlementaire et républicaine, je n’avais pas d’existence avant de m’être présenté devant les Chambres et d’avoir recueilli un vote de confiance. J’ai donc pris la parole à la radio le lendemain et j’ai dit aux ouvriers ce que m’avait dit à moi Monsieur le président de la République....Sans perdre une minute, je m’efforce d’établir un contrat entre les organisations patronales suprêmes, comme le Comité des forges et la Confédération générale de la production, et d’autres part, la Confédération générale du travail. (…) On ne demandait qu’une chose aux Chambres : aller vite, vite, afin de liquider cette situation redoutable, cette situation que j’ai qualifiée non pas de révolutionnaire mais de quasi-révolutionnaire, et qui l’était en effet. (…) La contrepartie, c’était l’évacuation des usines. Dès ce jour-là, les représentants de la CGT ont dit aux représentants du grand patronat qui étaient à Matignon : Nous nous engageons à faire tout ce que nous pourrons et nous le ferons. Mais nous vous en avertissons tout de suite. Nous ne sommes pas sûrs d’aboutir. Quand on a affaire à un mouvement comme celui-là, à une marée comme celle-là, il faut lui laisser le temps de s’étaler. Et puis, c est maintenant que vous allez peut-être regretter d’avoir systématiquement profité des années de déflation et de chômage pour exclure de vos usines tous les militants syndicalistes. Ils n’y sont non plus. Ils ne sont plus là pour exercer sur leurs camarades l’autorité qui serait nécessaire pour faire exécuter nos ordres." Et je vois encore M. Richement qui était assis à ma gauche, baisser la tête en disant : "C’est vrai, nous avons eu tort" (…) Mais je dois vous dire qu’à ce moment dans la bourgeoisie, et en particulier dans le monde patronal, on me considérait, on m’attendait, on m’espérait comme un sauveur. ... un homme auquel on attribue sur la classe ouvrière un pouvoir suffisant pour qu’on lui fît entendre raison, et qu’il la décidât à ne pas abuser de sa force. (…) C’était sur la foi de ma parole, sur la foi des engagements pris vis-à-vis d’eux et du Parlement républicain que, petit à petit le mouvement s’est épuisé. Il n’y a aucun doute en qu’à partir de Matignon la décrudescence ait commencé. Il y avait un million de grévistes à ce moment-là, et trois semaines après 100 000. À la fin de juillet (1536) on pouvait considérer que le mouvement était terminé".

Je pense que Blum, comme Allende et tous les dirigeants réformistes qui sont appelés par la bourgeoisie au pouvoir d’Etat, le sont justement non pas pour adoucir la réalité ou tromper (même en toute honnêteté) leur classe (bourgoisie), mais pour au contraire leur clairvoyance sur les réalités des rapports de force entre les classes,leur dévouement à la nation capitaliste etleur crédit auprès de la classe ouvrière, pour mieux la désarmer.

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