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Syndicalisme en Irak

23 janvier 2014, 08:57

Depuis que l’Irak est occupé militairement par l’impérialisme, les médias ne nous parlent que d’attentats et d’assassinats, mais les luttes sociales et les alternatives y sont particulièrement vigoureuses.

Depuis mars 2003, l’Irak est occupé par les forces coalisées menées par les USA. Après la guerre contre l’Iran, les deux guerres du Golfe, les douze années d’embargo, la classe ouvrière irakienne vit dans la plus grande misère : 70 % de la population est au chômage. Les femmes sont les plus touchées, car le régime de Saddam Hussein les a progressivement écartées des emplois dans l’administration, pour satisfaire les revendications des autorités religieuses. Celles et ceux qui ont encore un métier travaillent dans des conditions désastreuses pour leur sécurité et leur santé, en raison de la vétusté des installations industrielles. Loin d’avoir amélioré la condition des travailleurs et des travailleuses, les forces d’occupation et le gouvernement qu’elles ont mis en place répriment les mouvements sociaux, prétendent interdire les grèves et restreindre la liberté syndicale. Malgré cela, les grèves se succèdent pour obtenir l’amélioration des salaires et des conditions de travail, pour l’égalité entre hommes et femmes, pour rappeler au monde que la classe ouvrière d’Irak est toujours, malgré les difficultés, la seule force capable d’amener le progrès social face à l’occupation, au capitalisme et à l’exploitation.

Dès le 1er mai 2003, peu après l’occupation de l’Irak, est fondé le Syndicat des chômeurs, qui proclame à la fois son refus de l’occupation, du nationalisme et de l’islamisme. Son porte-parole, Qasim Hadi, a déjà derrière lui un long passé d’organisateur clandestin ; il est l’un des rares meneurs ouvriers à avoir organisé des grèves dans les usines de traitement du gypse durant la dure période de l’embargo, et a déjà été arrêté de nombreuses fois. Il est membre du Parti communiste-ouvrier d’Irak, une organisation née de la fusion de plusieurs groupes communistes à l’issue de l’insurrection des conseils ouvriers en Mars 1991 au Kurdistan. Le syndicat des chômeurs connaît un succès immédiat en raison de sa principale revendication « 100 $ d’indemnité pour tous et toutes », dans un pays où il n’existe aucun droit pour les chômeurs et chômeuses.

Quelques mois plus tard est fondée à Bagdad, avec le concours du Syndicat des chômeurs, la Fédération des conseils ouvriers et syndicats en Irak (Fcosi), un syndicat de base qui organise, malgré la répression, des élections libres dans de nombreuses entreprises pour mettre en place des conseils ouvriers élus et révocables par les travailleurs eux-mêmes. Actuellement, la Fcosi rassemblerait plus de 350 000 travailleuses et travailleurs dans l’industrie (coton, cuir, bois, agro-alimentaire, transports) aussi bien que dans les services publics (administration, santé, banques, étudiants).

La Fcosi est implantée dans l’ensemble de l’Irak, aussi bien au Kurdistan que dans le centre et le sud de l’Irak, et n’est pas liée à un mouvement religieux. Politiquement, elle est soutenue par le Parti communiste ouvrier d’Irak. Principale organisation d’extrême-gauche opposée aux groupes religieux et nationalistes, ce parti tire son inspiration de la pensée du communiste iranien Mansoor Hekmat, très critique sur « l’anti-impérialisme » et le marxisme-léninisme traditionnel. La Fcosi encourage la libre élection des délégués syndicaux et réclame une nouvelle législation du travail, puisque les lois répressives de Saddam Hussein sont toujours en vigueur.

Le gouvernement pro-américain a décidé de ne reconnaître officiellement que la seule Fédération irakienne des syndicats (Iftu), créée par le Parti communiste au gouvernement ; les moyens manquent absolument pour l’activité syndicale, qui dépend largement de l’aide internationale apportée notamment par les syndicats japonais. Malgré cela, la Fcosi poursuit son développement et touche un nombre grandissant de secteurs avec un programme radical :
 Expulsion immédiate des troupes d’occupation américaines et britanniques.
 Reconnaissance de la Fcosi et du syndicat des chômeurs comme de véritables syndicats représentatifs des travailleurs et travailleuses d’Irak.
 Mise en place d’une loi de modernisation sociale, rédigée par les représentants élus par les travailleurs et les travailleuses.
 Liberté inconditionnelle d’organisation, de grève et reconnaissance de droits civiques réels et garantis.
 Pleine égalité des hommes et des femmes devant la loi, dans tous les droits civils et individuels.
 Séparation de la religion, de l’état et de l’éducation.

La Fcosi mène des luttes en collaboration avec l’Organisation pour la liberté des femmes en Irak. L’Olfi a connu un certain succès à partir de février 2004, pour son opposition à la mise en place de la charia islamique par le gouvernement intérimaire pro-américain. Cette lutte a valu à sa porte-parole, l’architecte Yannar Mohammed, des menaces de mort de la part de l’Armée des compagnons du prophète, un groupe proche des Talibans afghans. L’Olfi a créé à Bagdad et dans d’autres villes d’Irak des foyers d’accueil pour femmes menacées de meurtre d’honneur ; la journaliste italienne Giuliana Sgrena était en train de leur consacrer une enquête lorsqu’elle a été enlevée.

La Fcosi cherche à se renforcer à travers l’Irak en initiant des syndicats et des conseils ouvriers d’un nouveau genre, créés par les travailleurs et les travailleuses eux-mêmes, réunis en assemblées générales pour exprimer leurs revendications. Si elle est considérée comme illégale par le régime, elle bénéficie d’une large reconnaissance dans la classe ouvrière.

En novembre 2004, elle a réuni 350 délégués de toutes les branches de l’industrie et des services à Bassorah, pour une conférence qui a été un grand succès. Présente à Bagdad, Bassorah, Kirkuk, Nassiriyah et Kut, elle édite un journal
al-Majalis al-Umaliya (Les conseils ouvriers), qui circule largement dans le monde du travail.

Malgré cela, elle ne dispose ni d’un central téléphonique, ni d’ordi-nateurs -et encore moins de connexion Internet- ni même de photocopieuses ou de matériel d’impression autonome. Cela limite grandement sa capacité d’action. Sa situation financière est très difficile, car ses adhérents ne disposent pas toujours du minimum vital pour vivre. C’est pourquoi elle compte largement sur la solidarité internationale pour se développer et être toujours plus présente dans les luttes. Des syndicats américains et japonais, notamment, conscients de la nécessaire solidarité de classe et opposés à l’envoi de troupes de leur pays en Irak, ont déjà répondu à cet appel.

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