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Où va la Grèce de Syriza ?

5 juillet 2015, 10:44

A la veille du référendum
Grondements de coup d’Etat militaire alors que les travailleurs grecs exigent la fin de l’austérité de l’UE
Par Alexandre Lantier WSWS
4 juillet 2015

Quelques heures avant que les manifestants anti-austérité n’envahissent les rues du centre d’Athènes vendredi, des officiers en retraite de l’armée grecque, défiant l’appel à voter « non » du premier ministre Alexis Tsipras, ont publiquement appelé à voter « oui » au référendum sur les exigences de l’Union européenne.

Le contraste entre les masses de travailleurs qui dénoncent l’austérité de l’UE et les déclarations de figures en vue de l’armée n’aurait pu être plus manifeste. Le général à la retraite Fragkoulis Fragkos, ancien ministre de la Défense et jadis à la tête de l’état major grec, a appelé à voter dimanche pour un « oui sonore ». Fragkos avait été démis de ses fonctions en 2011 par le premier ministre de l’époque, George Papandréou, suite à des rumeurs de coup d’Etat.

Parlant manifestement de Tsipras, Fragkos a dit que « les valeurs morales et les principes qui nous ont toujours définis, nous Grecs, ne constituent pas une monnaie d’échange pour un [politicien] déboussolé et historiquement inculte qui met en avant les intérêts de son propre parti. »

Un groupe de 65 officiers de haut rang à la retraite ont publié un communiqué où ils évoquent leur « serment de fidélité à la patrie et au drapeau » et avertissent qu’« en choisissant l’isolement, nous mettons en danger la patrie et son avenir. »

Le communiqué dit encore : « La force de notre pays est la chose la plus importante que nous ayons et c’est ce qui est mis en péril. Notre sortie de l’Europe affaiblira notre pays. Nous perdrons des alliés qui nous ont soutenus. Nous perdrons la force que nous tirons d’associations et de groupements auxquels nous appartenons historiquement et culturellement. »

Ces déclarations représentent un formidable acte d’intimidation politique. Un peu plus de quarante ans après l’effondrement de la junte des colonels soutenue par la CIA, des officiers disposant d’un réseau bien établi abandonnent tout semblant de neutralité pour annoncer leur soutien aux positions de l’UE et de Washington contre une grande partie de la population et contre l’actuel gouvernement.

Pour saisir la signification des déclarations des officiers grecs, il faut rappeler le coup d’Etat de 1967 qui, en pleine crise politique, avait porté au pouvoir la junte brutale qui a gouverné jusqu’en 1974. Son objectif était de réprimer le mouvement de protestation de la classe ouvrière et de prévenir toute tentative d’orienter la politique étrangère de la Grèce vers une neutralité entre l’OTAN et l’Union soviétique. Le coup d’Etat fut dirigé par le colonel George Papadopoulos, un agent de liaison haut placé de la CIA, qui supervisa l’arrestation d’au moins 10.000 adversaires politiques dont un grand nombre furent torturés ou tués.

Cette semaine, de hauts fonctionnaires allemands ont dit vouloir tout faire pour obtenir un « oui » au référendum grec pour renverser le gouvernement dirigé par Syriza, le parti de Tsipras. Auparavant, la chancelière allemande Angela Merkel avait adressé un coup de semonce en direction de Tsipras en invitant le dictateur égyptien sanguinaire Abdel Fattah al-Sissi à Berlin au moment où Le Caire menait des exercices militaires communs avec l’armée grecque. Sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces par le régime d’al-Sissi, Berlin arrêta par la suite le journaliste d’Al Jazeera Ahmed Mansour.

Les déclarations émanant de l’armée grecque confirment la mise en garde faite par le World Socialist Web Site après l’arrestation de Mansour. Le WSWS avait écrit : « C’est un signal calculé de Berlin pour montrer qu’elle est prête à collaborer publiquement avec les mesures répressives de dictatures militaires… L’un des destinataires voulu de ce message est sans aucun doute le premier ministre grec Alexis Tsipras. »

L’UE apparaît de plus en plus ouvertement comme une dictature brutale du capital financier. Il ne fait aucun doute que les officiers grecs sont intervenus dans le référendum avec le soutien de Berlin et de Bruxelles. Ils voient les événements en Grèce comme faisant partie d’une guerre contre toute la classe ouvrière européenne, à mener si nécessaire par la violence et la répression d’Etat. Ils veulent démontrer en Grèce qu’ils ne permettront nulle part de défi aux diktats des banques et des institutions financières.

La politique de Berlin et de l’UE confirme l’évaluation de Lénine. « Le capital financier veut non pas la liberté, mais la domination », a-t-il observé, ajoutant : « La réaction politique sur toute la ligne est une des caractéristiques de l’impérialisme ».

L’impérialisme cherche un soutien dans les classes réactionnaires des pays visés. Il en est ainsi de la bourgeoisie et de ses alliés des échelons supérieurs de la classe moyenne en Grèce. Les événements de ces derniers jours – avec d’un côté des masses de travailleurs et de jeunes qui appellent à une lutte contre l’austérité et l’UE et de l’autre des hommes d’affaires et des professionnels riches, rejoints par les militaires, qui soutiennent l’assaut de l’UE — ont mis à nu une division de classes complète et irrévocable en Grèce.

Ces événements exposent la faillite du gouvernement Tsipras. Toute sa politique était fondée sur la notion illusoire qu’il était possible de parvenir à un compromis avec l’UE et qu’on pouvait obtenir un répit dans les coupes sombres dans les emplois, les salaires, les pensions et les services sociaux, sans lutte contre la base sociale soutenant une telle politique en Grèce même.

Non seulement Syriza a refusé de prendre des mesures pour remettre en question les intérêts économiques du capital grec, il n’en a pas pris une seule pour protéger la population des complots de l’Etat. Au contraire, il a placé des forces d’extrême-droite comme les Grecs indépendants (Anel) à des postes clés du pouvoir.

Le ministre de la Défense Panos Kammenos, un dirigeant d’Anel, a pratiquement avoué hier que le gouvernement se préparait à utiliser l’armée pour réprimer la dissidence intérieure et imposer la préférence de l’armée en politique étrangère. « Les forces armées du pays garantissent la stabilité interne, la défense de la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale et la stabilité du pays par rapport aux alliances du pays, » a-t-il dit lors d’une visite conjointe avec Tsipras d’unités de l’armée.

Le gouvernement Tsipras a sans aucun doute conçu son référendum comme un moyen de fournir une couverture politique à sa retraite devant l’UE et la bourgeoisie grecque et à son adaptation vis-à-vis d’elles. Un vote « oui » serait utilisé pour justifier une capitulation totale, tandis qu’un vote « non », comme Tsipras l’a déclaré cette semaine, pourrait servir de prétexte pour retourner à la table de négociation dans une nouvelle et vaine tentative d’obtenir un accord pour des mesures d’austérité légèrement modifiées.

Comme l’ont cependant montré les manifestations de masse d’hier, l’appel au référendum a produit une énorme radicalisation de l’opinion publique. Les masses de travailleurs qui sont descendus dans la rue pour appeler à un vote « non » voient un tel vote comme le début d’une lutte pour mettre fin à la politique d’austérité et pour briser l’étau de l’UE.

La classe ouvrière ne peut être liée par la politique de Syriza dont le but est d’obtenir des modifications purement symboliques du programme d’austérité, pour mieux défendre la dictature des banquiers de l’UE et le capitalisme grec. Rien ne lui fait plus peur qu’un mouvement de masse de la classe ouvrière, contre lequel il est prêt à lâcher la police et l’armée.

Ce qu’il faut c’est un large appel au soutien actif de la classe ouvrière européenne et internationale contre l’UE, combiné aux mesures les plus déterminées en Grèce même en vue de briser le pouvoir des alliés locaux du capital financier international.

Il est nécessaire de prendre des mesures révolutionnaires en défense des masses grecques : la nationalisation du système bancaire et des grandes industries sous le contrôle de la classe ouvrière, la répudiation de la dette nationale, le démantèlement de l’armée, l’arrestation d’officiers impliqués dans des complots militaires contre le peuple et la création d’un gouvernement ouvrier

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