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Attaques antisyndicales à l’échelle mondiale

7 février 2016, 06:17

Les policiers chinois ont fait irruption chez lui au petit matin, à une dizaine, et sont venus embarquer son épouse, une militante des droits syndicaux, laissant leur nouveau-né d’un an à ses cris, raconte le père, Wu Rongpu, depuis la province méridionale du Guangdong, haut-lieu de l’agitation ouvrière du pays.

"Ils sont entrés dans la chambre et ont défoncé tout ce qu’ils pouvaient" à la recherche de preuves de l’implication de sa femme, Zhu Xiaomei, dans une petite organisation locale de défense des droits des salariés.

La semaine dernière, un mois juste après son arrestation, elle a été formellement inculpée d’"organisation de rassemblement public pour perturber l’ordre social", passible de sept ans de prison.

A 36 ans, cette Chinoise s’était signalée aux autorités pour son rôle dans les conflits sociaux de Panyu, un district du sud de Canton dont les ports et les usines ont fourni une énorme contribution au décollage économique du pays.

Mais avec le ralentissement de la croissance et les fermetures d’usines en série, grèves et manifestations ont explosé : 2.774 recensées dans toute la Chine en 2015, soit plus qu’au cours des quatre dernières années cumulées, avec, comme première revendication, le paiement des salaires, selon le China Labour Bulletin (CLB), un observatoire des mouvements sociaux en Chine, basé à Hong Kong, qui défend la liberté syndicale.

A elle seule, la province du Guangdong, surnommée "l’atelier du monde", a enregistrée deux fois plus de grèves et manifestations que toute autre province.

Cauchemar du Parti communiste chinois (PCC) : des mouvements de grève qui se transformeraient en contestation politique, via le truchement de syndicats libres.

 La hantise d’un Solidarnosc chinois –

"L’agitation ouvrière, c’est ce qui empêche le PCC de dormir la nuit", assure Eli Friedman, spécialiste des relations sociales à l’université américaine Cornell, rappelant que le parti unique chinois a scruté de très près le phénomène Solidarnosc en Pologne et sa contribution à la chute du communisme.

Et pour éviter un chômage de masse, Pékin a dépensé des centaines de millions de dollars à soutenir des entreprises défaillantes, tout en contrôlant sévèrement les réseaux sociaux, vecteurs d’appels à manifester devant une usine, voire place Tiananmen.

L’arrestation début décembre de Zhu Xiaomei, avec au moins quatre autres membres du "Centre de services aux travailleurs de Panyu", s’inscrit dans une répression de plus en plus élargie de la société civile, qui a frappé dernièrement les avocats.
Zhu s’en tenait à la défense des salariés, selon son mari. Mais pour le Quotidien du peuple, l’organe du PCC, elle et ses camarades "ont comploté en coulisses pour organiser et contrôler des grèves" qui ont "gravement perturbé l’ordre social" et visé le gouvernement en étant financés depuis l’étranger, et par le CLB en particulier.

Mais un employé d’usine qui a travaillé avec elle a assuré à l’AFP, sous couvert d’anonymat : "Elle nous a fourni des connaissances juridiques et nous a enseigné de ne pas enfreindre la loi. Elle a beaucoup donné, et la société la rétribue avec ce genre de calommnies...".

Apparemment sans grand effet dissuasif : plus de 60 grèves ont été recensées dans le pays au cours de la seule première semaine de janvier.

Selon Geoffrey Crothall, du CLB, les groupes comme celui de Zhu jouent en réalité un rôle modérateur en encourageant les salariés révoltés à défendre des revendications "raisonnables", soit "exactement l’opposé de ce que le gouvernement prétend".

Le syndicat unique officiel, la Fédération des syndicats de Chine (ACFTU), est seul autorisé et habilité à négocier. Mais beaucoup ne se sentent pas "convenablement représentés", estime Eli Friedman.

"Il est courant de voir le responsable des ressources humaines occuper aussi le fauteuil syndical, ce qui crée un évident conflit d’intérêt", dit-il.

Wu a pu voir sa femme en prison avec sa petite fille, qui l’a à peine reconnue. Le couple s’était rencontré à l’usine Hitachi Metals où elle avait voulu créer un syndicat. Ce qui lui avait valu la porte, et avait renforcé son engagement ultérieur.

"Ne t’inquiète pas, tu n’as pas besoin de prendre un avocat. Quand je leur aurai expliqué la situation (aux enquêteurs, NDLR), ils ne nous ferons pas de difficultés", lui a-t-elle écrit dans une lettre.

Wu n’en crois rien et a pris un avocat.

Seul problème : la police lui refuse l’accès à sa cliente.

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