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Manuscrits de 1844, Karl Marx

dimanche 29 mars 2009, par Robert Paris

Préface

J’ai annoncé dans les Annales franco-allemandes la critique de la science du droit et de la science politique sous la forme d’une critique de la Philosophie du Droit de Hegel [2] . Tandis que j’élaborais le manuscrit pour l’impression [3] , il apparut qu’il était tout à fait inopportun de mêler la critique qui n’avait pour objet que la philosophie spéculative [4] à celle des diverses matiè­res elles-mêmes, et que ce mélange entravait l’exposé et en gênait l’intelligence. En outre, la richesse et la diversité des sujets à traiter n’auraient permis de les condenser en un seul ouvrage que sous forme d’aphorismes, et un tel procédé d’exposition aurait revêtu l’appa­rence d’une systématisation arbitraire. C’est pourquoi je donnerai successivement, sous forme de brochures séparées, la critique du droit, de la morale, de la politique, etc., et pour terminer, je tâcherai de rétablir, dans un travail particulier, l’enchaînement de l’ensemble, le rapport des diverses parties entre elles, et je ferai pour finir la critique de la façon dont la philosophie spéculative a travaillé sur ces matériaux [5] . C’est pourquoi il ne sera traité, dans le présent ouvrage, des liens de l’économie politique avec l’État, le droit, la morale, la vie civile, etc., que pour autant que l’économie politique touche elle-même à ces sujets ex-professo.

Pour le lecteur familiarisé avec l’économie politique, je n’ai pas besoin de l’assurer dès l’abord que mes résultats sont le produit d’une analyse tout à fait empirique, qui se fonde sur une étude critique consciencieuse de l’économie politique [6] .

Par contre, au critique ignare qui cherche à masquer sa complète ignorance et sa pauvreté de pensée en jetant à la tête du critique positif la formule “ phraséologie utopique ” ou des phrases creuses comme “ La critique absolument pure, absolument décisive, absolu­ment critique ”, la “ société qui n’est pas seulement juridique mais sociale, totalement sociale ”, la “ masse massive et compacte ”, les “ porte-parole qui se font les interprètes de la masse massive”, il reste encore à ce critique à fournir d’abord la preuve qu’en dehors de ses affaires de famille théologiques, il a aussi son mot à dire dans les affaires séculières. [7] .

Il va de soi qu’outre les socialistes français et anglais, j’ai aussi utilisé des travaux socia­listes allemands. Toutefois, les travaux allemands substantiels et originaux dans cet ordre de science se réduisent - en dehors des ouvrages de Weitling [8] - aux articles de Hess publiés dans les 21 Feuilles [9] et à l’ “ Esquisse d’une Critique de l’économie politique ” d’Engels dans les Annales franco-allemandes [10] dans lesquelles j’ai également ébauché d’une manière très générale les premiers éléments de la présente étude.

Tout autant qu’à ces auteurs, qui ont traité de manière critique d’économie politique, la critique positive en général, donc aussi la critique positive allemande de l’économie politique, doit son véritable fondement aux découvertes de Feuerbach ; contre sa Philosophie de l’Avenir [11] et ses “ Thèses pour la Réforme de la Philosophie ” dans les Anekdota [12] - bien qu’on les utilise tacitement - l’envie mesquine des uns et la colère réelle des autres semblent avoir organisé une véritable conspiration du silence.

C’est seulement de Feuerbach que date la critique humaniste et naturaliste positive. Moins il est tapageur, plus l’effet des œuvres de Feuerbach est sûr, profond, ample et durable, et ce sont, depuis la Phénoménologie et la Logique [13] de Hegel, les seuls écrits où soit contenue une révolution théorique réelle.

Quant au dernier chapitre du présent ouvrage, l’analyse critique de la dialectique de Hegel et de sa philosophie en général, je l’ai tenu, à l’opposé des théologiens critiques [14] de notre épo­­que, pour absolument nécessaire, car ce genre de travail n’a pas été fait - ce qui est un man­­que de sérieux inévitable, car même critique, le théologien reste théologien ; donc, ou bien il doit partir de postulats déterminés de la philosophie comme d’une autorité, ou bien si, au cours de la critique, et du fait des découvertes d’autrui, il lui vient des doutes sur ses pos­tu­lats philosophiques, il les abandonne lâchement et sans justification, il en fait abstraction, il ne manifeste plus que d’une manière négative, dénuée de conscience et sophistique son asser­vissement à ceux-ci et le dépit qu’il éprouve de cette sujétion.

[Il] ne l’exprime que d’une façon négative et dénuée de conscience, soit qu’il renouvelle constamment l’assurance de la pureté de sa propre critique, soit que, afin de détourner l’œil de l’observateur et son œil propre du nécessaire règlement de comptes de la critique avec son origine - la dialectique de Hegel et la philosophie allemande en général -, de cette nécessité pour la critique moderne de s’élever au-dessus de sa propre étroitesse et de sa nature primi­tive, il cherche plutôt à donner l’illusion qu’en dehors d’elle-même, la critique n’aurait plus affaire qu’à une forme bornée de la critique - disons celle du XVIII° siècle - et à l’esprit borné de la masse. Enfin, lorsque sont faites des découvertes - comme celles de Feuerbach - sur la nature de ses propres postulats philosophiques, ou bien le théologien critique se donne l’apparence de les avoir lui-même réalisées, et qui plus est il le fait en lançant, sous la forme de mots d’ordre, sans pouvoir les élaborer, les résultats de ces découvertes à la tête des écri­vains encore prisonniers de la philosophie. Ou bien il sait même se donner la conscience de son élévation au-dessus de ces découvertes, non pas peut-être en s’efforçant ou en étant capa­ble de rétablir le juste rapport entre des éléments de la dialectique de Hegel qu’il regrette de ne pas trouver dans cette critique [de Feuerbach] ou dont on ne lui a pas encore offert la jouissance critique, mais en les mettant mystérieusement en avant, contre cette critique de la dialectique hégélienne, d’une manière déguisée, sournoise et sceptique, sous la forme particulière qui lui est propre, ainsi par exemple la catégorie de la preuve mé­diate contre celle de la vérité positive qui a son origine en elle-même. Le critique théologique trouve en effet tout naturel que, du côté philosophique, tout soit à faire, pour qu’il puisse se montrer bavard sur la pureté, sur le caractère décisif, sur toute la critique critique, et il se donne l’impression d’être le vrai triomphateur de la philosophie, s’il a par hasard le sentiment qu’un élément de Hegel manque chez Feuerbach, car notre critique théologique, bien qu’il pratique l’idolâtrie spiritualiste de la “ Conscience de soi ” et de l’ “ Esprit ”, ne dépasse pas le sentiment pour s’élever à la conscience.

A bien y regarder, la critique théologique - bien qu’au début du mouvement elle ait été un véritable moment du progrès - n’est en dernière analyse rien d’autre que la pointe et la consé­quence logique poussées jusqu’à leur caricature théologique de la vieille transcendance de la philosophie et en particulier de Hegel. A une autre occasion, je montrerai dans le détail cette justice intéressante de l’histoire, cette Némésis historique, qui destine maintenant la théo­logie, qui fut toujours le coin pourri de la philosophie, à représenter aussi en soi la décom­position négative de la philosophie -c’est-à-dire son processus de putréfaction.

Par contre, dans quelle mesure les découvertes de Feuerbach sur l’essence de la philo­sophie rendent toujours nécessaire - tout au moins pour leur servir de preuve - une ex­pli­cation critique avec la dialectique philosophique, cela ressortira de ce que je vais exposer.

Notes

Texte marqué : portion du manuscrit barrée par l’auteur.

[2] Marx fait ici allusion à son article para dans les Annales franco-allemandes : “ Contribution à la critique de la Philosophie du Droit de Hegel. Introduction. ”

[3] Il est probable que Marx pense ici à la Contribution à la Critique de la Philosophie du Droit de Hegel qu’il rédigea au cours de l’été 1843, mais qui ne fut publiée qu’en 1927.

[4] Par philosophie spéculative (il emploie aussi dans le même sens le terme “ spéculation ”), Marx entend la philosophie de Hegel.

[5] Ce plan ne fut jamais réalisé, mais La Sainte Famille et L’Idéologie allemande peuvent être considérées comme autant de contributions à la critique de la philosophie de Hegel.

[6] Marx a dépouillé à Paris toute une série d’ouvrages économiques. Ses notes et extraits ont été publiés dans MEGA I, tome 3, pp. 437-583.

[7] Marx parle ici de Bruno Bauer qui éditait l’Algemeine Literatur Zeitung (Charlottenburg 1844). Les formules citées sont tirées d’articles de Bauer dans le cahier 1 et le cahier 8. Ce journal et le groupe de la critique critique feront l’objet d’une polémique plus approfondie dans La Sainte Famille.

[8] Wilhelm Weitling, ouvrier tailleur, fut un des premiers Allemande à annoncer l’émancipation du prolétariat. Il avait publié en 1838 : L’Humanité telle qu’elle est et telle qu’elle devrait être, en 1842 Les Garanties de l’harmonie et de la liberté et en 1843, L’Évangile d’un pauvre pécheur.

[9] Les Einundzwanzig Bogen aus der Schweiz édités à Zurich en 1843, par Georg Herwegh, contenaient trois articles de M. Hess : “ Socialisme et Communisme ”, “ La Liberté une et entière ”, “ Philosophie de l’action ”.

[10] C’est le fameux article d’Engels dont on dit communément qu’il éveilla chez Marx la curiosité de l’économie politique.

[11] Ludwig FEUERBACH : Grundsätze der Philosophie der Zukunft, Zürich und Winterthur 1843.

[12] Anekdota sur neuesten deutschen Philosophie und Publizistik. ZürichWinterthur 1843. Ce recueil édité par Ruge contenait tous les articles refusés par la censure à la rédaction des Annales allemandes. Parmi eux figuraient les “ Vorläufige Thesen zur Reform der Philosophie ” de Feuerbach, qui présentaient, sous forme d’aphorismes, les principales idées développées ensuite dans la Philosophie de l’Avenir.

[13] La Phénoménologie de l’Esprit avait paru en 1807, La Science de la Logique en 1812.

[14] Marx fait ici allusion aux collaborateurs de Bruno Bauer à l’Ailgemeine Literatur Zeitung, qui groupait les éléments idéalistes de la gauche hégélienne.

Messages

  • Manuscrits de 1844, Karl Marx

    dimanche 29 mars 2009, par Robert Paris

    Salaire

    [I] Le salaire est déterminé par la lutte ouverte entre capitaliste et ouvrier. Nécessité de la victoire pour le capitaliste. Le capitaliste peut vivre plus longtemps sans l’ouvrier, que l’ou­vrier sans le capitaliste. Union entre capitalistes habituelle et efficace, celle entre ouvriers inter­dite et pleine de conséquences fâcheuses pour eux. En outre, le propriétaire foncier et le capitaliste peuvent ajouter à leurs revenus des avantages industriels ; l’ouvrier ne peut ajouter à son revenu industriel ni rente foncière, ni intérêts de capitaux. C’est pourquoi la concur­rence est si grande entre les ouvriers. C’est donc pour l’ouvrier seul que la séparation du capi­tal, de la propriété foncière et du travail est une séparation nécessaire, essentielle et nuisible. Le capital et la propriété foncière peuvent ne pas rester dans les limites de cette abstraction, mais le travail de l’ouvrier ne peut en sortir.

    Donc, pour l’ouvrier, la séparation du capital, de la rente foncière et du travail est mortelle.

  • Bonjour,
    ma passion c’est la philo, la critique. Mais que veut dire concrètement les mots : socialisme, impérialisme, communisme, capitalisme. je serai très ravi voir suite à mes questions.
    Bill, Bamako

    • Le socialisme est au début du 19éme siècle une utopie pour un monde juste et égalitaire. Le communisme est le socialisme scientifique qui étudie les révolutions et les rapports entre les classes sociales. les Le communisme est la théorie de l’interaction des classes sociales : ces groupes humains qui ont des intérêts économiques et donc politiques différents et opposés. Cette science n’est pas qu’une classification différente des évènements qui font l’histoire humaine.
      Elle analyse la logique, l’enchainement, et les contracdictions des évènements passés, présents, pour anticiper les phénomènes futurs.
      C’est donc une science vivante et prédictive, qui a pour fondement les classes sociales comme moteur de l’Histoire et de la Préhistoire.
      Mais la vraie richesse est quand le communisme imprègne la classe opprimée, le prolétariat, et devient une conscience pour des millions de travailleurs et de travailleuses.
      Car l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux mêmes, disait le Manifeste de MArx et Engels.

    • ok bil msg bien reçu mais pour commençé le concret n’éxiste pas dans tout ce que tu veux savoir sauf le capitalisme qui s’appel licenciment,guerre,argent,exploitations,anaphabetisme,repressiont,faminnes,pauvreté profond,ect ect et le reste est ’a venir dans quelques jours

    • Cher lecteur,

      La philosophie n’est pas la critique des idéologies mais la critique de la réalité, c’est-à-dire son étude. Aujourd’hui, la classe dirigeante n’ayant plus aucun avenir à défendre, se refuse à toute défense d’une idéologie et se réfugie dans "la critique". Cela signifie qu’elle prétend mettre un signe égal entre toutes.

      Quant au socialisme, au communisme ou au capitalisme, ce ne sont pas des théories mais des sytèmes sociaux c’est-à-dire des modes d’organisation de la société humaine. Ces modes de fonctionnement sont historiques, c’est-à-dire nécessaires dans des circonstances sociales données.

      On peut y rajouter le communisme primitif, la famille matriarcale puis patriarcale, le tribalisme, le clanisme, le féodalisme et la société marchande.

      Tous ces sytèmes sociaux naissent, se développent puis meurent.

      Ce qui importe n’est pas seulement de détecter que le monde de l’homme est marqué par des sytèmes sociaux mais le fait qu’ils ont été nécessaires. C’est très différent que de chercher s’ils ont été bons. Car c’est une vision scientifique et non moralisatrice.

      Dans les "transitions" matérielles ou biologiques, peut-on dire lesquelles ont été "bonnes" ? L’apparition de la matière, des amas de galaxies, des étoiles, de l’hydrogène, de l’hélium ? Non, cela nous ferait rire de dire cela !

      Il en va de même de l’histoire humaine, la conception moralisatrice est très pauvre. le problème n’est pas de savoir si un système était bon mais quel rôle il jouait au niveau d’une époque, c’est-à-dire en fonction des capacités productives de l’homme. Quand le système développait ces capacités, il jouait un rôle dynamique. Quand il les bloquait, il était mort. il suffisait alors d’une petite poussée pour qu’un système apparemment très solide s’effondre au plus grand étonnement de tous.

      Robert Paris

    • Pour conclure ma réponse :

      Alors ce qui définit concrètement un système social, c’est la classe dirigeante quand il y en a une ou le groupe dirigeant quand il n’y a pas encore de classe.

      Les chefs de famille riches, les chefs de tribus, chefs de clan, les chefs de guerre, les féodaux, les chefs de la bourgeoisie marchande, les négociants, les chefs de la finance et de la banque, les chefs de la bourgeoisie capitaliste, chefs de l’industrie et maîtres du capital.

      ce qui définit le socialisme, c’est que les travailleurs sont les maîtres.

      ce qui définit le communisme, c’est qu’il n’y a plus de maître : plus de classes sociales.

      Robert Paris

    • Bien entendu. j’ai vu mes reponses merci merci merci.
      Ah !!! que c’est beau d’etre engagé, un homme simple qui déteste les personnes avec les mains pleins de sang, c’est à dire les altérateurs, les corrupu. bil de bko.

  • reponse a bil de ..ok bil.a mon avie en plus des reponses qui t’on été faite et que j’espère que tu les liras tous,le socialisme est un projet de société qui ne peut etre réalisé que par les travalleurs du monde entier en discutant et en lisant les enciens penseurs militants qui se sont engagé sur cette voie des idées revolutionnaires communiste prolétariens et internationnaliste et comprendre ne sait resque une partie de ses idées là.le communisme qui serais une echelle un peut plus haut que le socialisme aussi ne serais realisé que par les travailleurs du monde entier.le capitalisme nous la vivont pas besoin de faire un dessin.alors vraiment pour savoirs ce q’écrivaient les penseurs révolutionnaires,comme ça été toujours discuté le moteur en haut du site a une utilité incomésurable tu tape tes questions le capitalisme ? l’impérialisme ? le socialisme ? et le communisme ?BIEN ENTENDU JE PENSE QU’EN PLUS DES REPONSS QUE T’A DEJA EU TU TROUVERA D’AUTRE REPONSE QUI SATISFERON TA CURUOSITE . pour bil de bko.

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