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Arthur Rimbaud

lundi 13 juillet 2009, par Robert Paris

Sur la Commune de Paris

RIMBAUD : Chant de guerre parisien (15 mai 1871)

Le Printemps est évident, car
Du cœur des Propriétés vertes,
Le vol de Thiers et de Picard
Tient ses splendeurs grandes ouvertes Ô Mai ! quels délirants culs-nus !
Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
Écoutez donc les bienvenus
Semer les choses printanières ! Ils ont schako, sabre et tam-tam,
Non la vieille boîte à bougies
Et des yoles qui n’ont jam, jam...
Fendent le lac aux eaux rougies ! Plus que jamais nous bambochons
Quand arrivent sur nos tanières
Crouler les jaunes cabochons
Dans des aubes particulières ! Thiers et Picard sont des Éros,
Des enleveurs d’héliotropes,
Au pétrole ils font des Corots
Voici hannetonner leurs tropes... Ils sont familiers du Grand Truc !...
Et couché dans les glaïeuls, Favre
Fait son cillement aqueduc,
Et ses reniflements à poivre ! La grand’ville a le pavé chaud,
Malgré vos douches de pétrole,
Et décidément, il nous faut
Vous secouer dans votre rôle... Et les Ruraux qui se prélassent
Dans de longs accroupissements,
Entendront des rameaux qui cassent
Parmi les rouges froissements !

Si le Le printemps est évident, c’est le printemps de la commune, une expérience de démocratie citoyenne originale. Nous avons un indice sur la date des événements, le printemps 1871 plus précisément le 18 mars 1871 journée tragique au cours de laquelle Thiers voulant récupérer les 200 canons récupérés aux Gobelins et entreposés à Montmartre manque de chevaux, ce qui laisse le temps aux parisiens qui ont payé ces canons de se réunir, se soulever, et tuer deux généraux. Thiers renonce et le gouvernement se retire à Versailles, non par un vol en ballon comme Gambetta quittant Paris quelques mois plus tôt. Ils laissent leurs luxueux appartements parisiens, les splendeurs grandes ouvertes. Mais les fédérés, les communards qui croient possible un renversement de l’armée à leurs idées veulent aller à Versailles. Ils essuieront en chemin des tirs d’artillerie en différents endroits, Chatillon, Asnières, Courbevoie, Neuilly, Vanves. Les noms cités par Rimbaud, sont plus courts mais aussi plus poétiques. Quels délirants culs-nus, que ces ouvriers, ces sans culottes révolutionnaires. Délires rassemble plusieurs poèmes des illuminations, le délire, c’est la folie qu’on enferme au sein de soi-même. Les bienvenus, ce sont théoriquement les versaillais, l’armée régulière de Thiers qui sèment des obus, les choses printanières, sur les communards qui occupent certains forts de la région parisienne. Si Rimbaud avec Verlaine furent les seuls à afficher une sympathie pour la commune de Paris, les autres écrivains comme Victor Hugo ont adopté une neutralité ou pour la majorité s’y est opposé. Dans ce poème Rimbaud affiche une sympathie, sans plus, pour ce mouvement. Rimbaud égratigne cette pauvre armée régulière de Versaillais, objet de toutes les risées pour les habitants qui restent calfeutrés chez eux mais s’amusent de ce spectacle d’hommes qui croulent sous leur équipement trop lourd et totalement inefficace. Leurs obus ne fauchent que quelques herbes. Étrange armée que cette armée d’occupation, avec ses casquettes, le Schako, des armes blanches, des sabres et des tambours, les Tam-tam. Non les vieilles boites à bougies peut se comprendre qu’il n’ont plus d’armes avec lesquelles il fallait allumer une mèche comme une bougie. C’est une armée oisive et qui doit être secouée, occupant son temps à ramasser des hannetons, ou à faire du canotage dans le bois de Boulogne. Rimbaud égratigne au passage, le Ministre des affaires étrangères Favre qui a signé la reddition après la défaite de Sedan, et qui se repose ici en toute innocence au milieu des fleurs mais pleure sur les désastres en faisant venir ses larmes avec du poivre. Pendant ce temps à Versailles, les députés, en majorité de la campagne, des ruraux, des cul-terreux en opposition aux parisiens, les communards se détendent de leur immobilisme forcé, par quelques exercices d’assouplissement, a peine entendent-ils les quelques bruits de branches cassées par les obus. Les Eros représente une caricature de Thiers, Picard et le Ministre des affaires étrangères Favre sous les traits de trois grâces.


RIMBAUD : Les pauvres à l’église (1871)

Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d’église
Qu’attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux
Vers le chœur ruisselant d’orrie et la maîtrise
Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux ; Comme un parfum de pain humant l’odeur de cire,
Heureux, humiliés comme des chiens battus,
Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire,
Tendent leurs oremus risibles et têtus. Aux femmes, c’est bien bon de faire des bancs lisses,
Après les six jours noirs ou Dieu les fait souffrir !
Elles bercent, tordus dans d’étranges pelisses,
Des espèces d’enfants qui pleurent à mourir. Leurs seins crasseux dehors, ces mangeuses de soupe,
Une prière aux yeux et ne priant jamais,
Regardent parader mauvaisement un groupe
De gamines avec leurs chapeaux déformés. Dehors, le froid, la faim, l’homme en ribote :
C’est bon. Encore une heure ; après, les maux sans noms !
 Cependant, alentour, geint, nasille, chuchote
Une collection de vieilles à fanons : Ces effarés y sont et ces. épileptiques
Dont on se détournait hier aux carrefours ;
Et, fringalant du nez dans des missels antiques,
Ces aveugles qu’un chien introduit dans les cours. Et tous, bavant la foi mendiante et stupide,
Récitent la complainte infinie à Jésus,
Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide,
Loin des maigres mauvais et des méchants pansus, Loin des senteurs de viande et d’étoffes moisies,
Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants ;

 Et l’oraison fleurit d’expressions choisies,
Et les mysticités prennent des tons pressants, Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie
Banals, sourires verts, les Dames des quartiers
Distingués, - ô Jésus ! - les malades du foie
Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers.

Messages

  • Un grand merci au jeune poète révolté, voyou et communard, de la Patrie, lui qui dans un autre poème parlera de patrouillotisme, lui qui a écrit à quinze ans sur Jughurta et l’Emir Abdel Kader…

    Que veut dire Rimbaud quand il écrit aussi “tout est français, c’est à dire haïssable au suprême degré” , en 1870…parle t-il de la répression sanglante de la Commune… ou de celle de l’Algérie ? les deux bien entendu !

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