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Ecrits de Trotsky

mercredi 14 octobre 2009, par Robert Paris

Messages

  • Il a traversé avec nous notre deuxième émigration : Vienne, Zurich, Paris, Barcelone, New Amherst (le camp de concentration canadien) et, finalement, Pétrograd.

    • Bilan et Perspectives

      Léon Trotsky

      3. 1789-1848-1905

      L’histoire ne se répète pas. On aura beau comparer encore et toujours la révolution russe avec la grande Révolution française, on ne pourra jamais faire de la première une répétition de la seconde. Le XIX° siècle n’est pas passé en vain. L’année 1848 diffère déjà énormément de 1789. Comparées à la grande Révolution, les révolutions prussienne et autrichienne surprennent par leur insignifiance. En un sens, elles ont eu lieu trop tôt, et, en un sens, trop tard. Il faut, à la société bourgeoise, une gigantesque tension de forces pour régler radicalement ses comptes avec les seigneurs du passé ; cela n’est possible que par la puissance de la nation unanime, se dressant contre le despotisme féodal, ou par un ample développement de la lutte des classes au sein de la nation en lutte pour son émancipation. Dans le premier cas, qui s’est réalisé en 1789-1793, l’énergie nationale, comprimée par la terrible résistance de l’ordre ancien, se dépensa entièrement dans la lutte contre la réaction ; dans le second cas, qui ne s’est encore jamais produit dans l’histoire, et que, en ce moment, nous considérons seulement comme une possibilité, c’est une guerre de classe "intestine", au sein de la nation bourgeoise, qui produit l’énergie effectivement nécessaire pour triompher des forces obscures de l’histoire.

      Les sévères affrontements internes absorbent une grande quantité d’énergie, ils privent la bourgeoisie de la possibilité de jouer le rôle dirigeant, ils poussent leur adversaire, le prolétariat, au premier plan, ils lui donnent dix ans d’expérience en un mois, le placent à la tête des affaires et lui tendent, étroitement serrées, les rênes du pouvoir. Cette classe, résolue, ignorant les doutes, donne une puissante impulsion aux événements.

      Une révolution peut être accomplie par une nation qui se rassemble comme un lion se préparant à bondir, ou par une nation qui, au cours de la lutte, se divise de façon décisive, afin de libérer la meilleure partie d’elle-même pour l’accomplissement des tâches qu’elle est incapable d’accomplir comme un tout. Ce sont là deux ensembles opposés de conditions historiques qui, dans leur forme pure, ne constituent, naturellement, qu’une opposition logique.

      Un moyen terme est ici, comme bien souvent, la pire des solutions. Mais ce fut ce moyen terme qui se réalisa en 1848.

    • Les sections de la IV° Internationale doivent chercher appui dans les couches les plus opprimées de la classe ouvrière, et, par conséquent, chez les femmes travailleuses. .

    •  RÉORGANISATION DES KOLKHOZES en accord avec la volonté des kolkhoziens et selon leurs intérêts !

  • On nous dit :

    " Vous avez signé le traité de Brest-Litovsk [4] qui n’est qu’un traité de pillage et d’oppression. C’est vrai, tout à fait vrai ; il n’y a pas de pire traité de pillage et d’oppression que celui de Brest-Litovsk. Mais qu’est-ce en réalité que ce traité ? C’est une reconnaissance de dettes, une vieille reconnaissance de dettes, qui avait déjà été signée par Nicolas Romanov, Milioukov et Kerensky, et c’est nous qui devons payer.

    Etait-ce nous qui avions déclenché cette guerre ? Etait-ce la classe ouvrière qui avait déchaîné ce sanglant carnage ? Non, c’étaient les monarques, les classes nanties, la bourgeoisie libérale. Étions-nous la cause des terribles désastres subis par nos malheureux soldats, quand ils se retrouvèrent sans fusil ni munitions dans les Carpathes ? Non, c’était le tsarisme, soutenu par la bourgeoisie russe.

    • c) En tant qu’organisation des couches supérieures du prolétariat, les syndicats, comme en témoigne toute l’expérience historique, y compris l’expérience toute fraîche des syndicats anarcho-syndicalistes d’Espagne, développent de puissantes tendances à la conciliation avec le régime démocratique bourgeois. Dans les périodes de luttes de classes aiguës, les appareils dirigeants des syndicats s’efforcent de se rendre maîtres du mouvement des masses pour le neutraliser. Cela se produit déjà lors de simples grèves, surtout lors des grèves de masse avec occupation des usines, qui ébranlent les principes de la propriété bourgeoise.

  • Œuvres - avril 1939
    Léon Trotsky
    Autodétermination pour les nègres américains
    4 avril 1939


    Trotsky. Le. camarade George [1] propose que nous discutions la question nègre en trois parties, la première devant être consacrée à la question programmatique de l’autodétermination pour les Noirs.
    James. On a déjà distribué les propositions de base pour la question nègre et il faut seulement traiter de la question de l’autodétermination. Personne ne dénie aux Nègres le droit à l’autodétermination. La question est de savoir si nous devrions le défendre. En Afrique et dans les Indes occidentales, nous défendons l’autodétermination parce qu’une grande majorité du peuple la revendique. En Afrique, les grandes masses du peuple considèrent l’autodétermination comme une restauration de leur indépendance. Aux Indes occidentales, où il y a une population de même origine que les Nègres en Amérique, il y a eu développement d’un sentiment national. Les Nègres y sont en majorité. On entend déjà, chez les plus avancés l’idée d’une nation indienne occidentale et il est très probable que, même en supposant qu’on offre aux Nègres des droits complets de citoyens de l’Empire britannique, ils s’y opposeraient probablement et souhaiteraient être absolument libres et indépendants. C’est progressiste. C’est un pas dans la direction juste. Nous affaiblissons l’ennemi. Nous plaçons les travailleurs dans une position de progresser à grands pas vers le socialisme.
    En Amérique, la situation est différente. Le Noir aspire désespérément à devenir un citoyen américain. Il dit : « Je suis ici depuis le début ; j’ai fait ici tout le travail dans les premiers temps. Les Juifs, les Polonais, les Italiens, les Suédois et autres sont venus ici et ont tous les privilèges. Vous dites que certains Allemands sont des espions. Je ne serai jamais espion. Je n’ai personne pour qui espionner. Et pourtant vous m’excluez de l’armée et des droits de citoyenneté. »
    En Pologne et en Catalogne, il y a une tradition de langue, de littérature et d’histoire qui s’ajoute à l’oppression économique et politique et contribue à souder la population autour de cette revendication progressiste de l’autodétermination. Il n’en est pas ainsi en Amérique. Examinons certains événements historiques du développement des Nègres en Amérique.
    Garvey [2] a lancé le mot d’ordre « Retour à l’Afrique » mais les Nègres qui l’ont suivi ne croyaient pas dans leur majorité qu’ils allaient réellement retourner en Afrique. Nous savons que ceux qui le suivaient, aux Indes occidentales, n’avaient pas la moindre intention de retourner en Afrique, mais qu’ils étaient heureux de suivre une direction militante. Et il y a le cas de la femme noire qui avait été bousculée dans un bus par une femme blanche et qui lui dit : « Attendez que Marcus [3] soit au pouvoir et vous serez traités vous autres comme vous le méritez. » De toute évidence elle ne pensait pas à l’Afrique.
    Simplement, il y a eu cette concentration sur les problèmes des Nègres parce que les travailleurs blancs en 1919 n’étaient pas développés. Il n’y avait pas d’organisation politique de quelque importance appelant noirs et blancs à s’unir. Les Nègres revenaient juste de la guerre militants et n’ayant reçu aucune proposition d’assistance, ils se concentraient sur leurs propres affaires.
    Il faudrait en outre mentionner néanmoins que, lorsqu’il s’est produit à Chicago une émeute raciste, elle avait été délibérément provoquée par les patrons. Quelque temps avant qu’elle n’éclate, les ouvriers des conserves de viande, blancs et noirs, avaient frappé et défilé dans le quartier nègre de Chicago où la population noire avait acclamé les blancs de la même manière et où ils avaient applaudi les Nègres. Pour les capitalistes, c’était un phénomène très dangereux et ils se sont occupés de créer des frictions raciales. A une étape ultérieure, des autos, avec des blancs à l’intérieur, fonçaient dans le quartier noir en tirant à vue. La presse capitaliste jouait sur les différences et c’est elle qui eut l’initiative des émeutes afin de diviser la population et de ramener les Nègres à se replier sur eux-mêmes.
    Pendant la crise, il y a eu une renaissance de ces mouvements nationalistes. Il y a eu un mouvement pour le 49° Etat et on a assisté au développement du mouvement autour du Liberia [4]. Ces mouvements ont eu une réelle importance jusqu’à 1934 au moins.
    Puis il y a eu en 1936 l’organisation du C.I.O. John L. Lewis a nommé un département nègre spécial. Le New Deal faisait des avances aux Nègres. Nègres et blancs combattirent ensemble dans plusieurs conflits. Ces mouvements nationalistes tendaient à disparaître dans la mesure où les Nègres voyaient l’occasion de combattre avec les ouvriers organisés et de gagner quelque chose.
    Le danger, si nous défendions et propagions une politique d’autodétermination, est que ce serait le moyen le plus sûr de diviser et d’embrouiller les ouvriers du Sud. Les travailleurs blancs ont des siècles de préjugés à surmonter, mais aujourd’hui nombre d’entre eux travaillent avec les Nègres dans le syndicat des métayers du Sud [5], et avec le développement de la lutte il existe toutes les possibilités qu’ils soient capables de surmonter ces préjugés séculaires. Mais, que nous demandions, nous, que les Nègres aient leur propre Etat à eux, c’est en demander trop aux ouvriers blancs, surtout quand les Nègres eux-mêmes n’émettent pas cette revendication. Les mots d’ordre de l’« annulation des dettes », de la « confiscation des grands domaines », etc., suffisent parfaitement pour les conduire au combat en commun, et, sur la base de la lutte économique, mener un combat uni pour l’abolition toute discrimination sociale.
    Aussi je propose concrètement : 1) Nous sommes pour le droit d’autodétermination. 2) S’il apparaissait chez les Nègres la revendication du droit d’autodétermination, nous devrions la soutenir. 3) Nous ne nous détournerons pas de notre chemin pour lancer ce mot d’ordre et nous ne dresserons pas une barrière qui n’est pas nécessaire entre nous mêmes et le socialisme. 4) Il faut étudier ces mouvements ; celui que conduisait Garvey, celui pour le 49° État, celui qui tourne autour du Liberia. Découvrir les groupes de la population qui les soutenaient et sur cette base évaluer dans quelle mesure existe chez les Nègres cette revendication de l’autodétermination.
    Hudson [6]. Il me semble qu’on peut diviser le problème en un certain nombre de phases différentes :
    Sur la question de l’autodétermination, je pense qu’il est clair que tout en étant pour l’autodétermination, y compris l’indépendance, cela ne signifie pas nécessairement que nous sommes pour l’indépendance. Nous sommes pour que, dans certains cas, dans certains lieux, ils aient le droit de décider eux-mêmes s’ils seront ou no indépendants ou quels arrangements gouvernementaux particuliers devraient être conclus avec le reste du pays.
    Sur la question de l’autodétermination comme nécessairement réactionnaire je crois que c’est aller trop loin. L’autodétermination pour diverses nations et groupes n’est pas opposée à un monde socialiste futur. Je pense que la question a été traitée dans une polémique entre Lénine et Piatakov du point de vue de la Russie - celle de l’autodétermination des différents peuples de Russie, alors qu’on construisait toujours un pays unifié. Les deux ne sont pas nécessairement contradictoires. La société socialiste ne sera pas construite sur des peuples soumis, mais par un peuple libre. Le caractère réactionnaire ou progressiste de l’autodétermination est déterminé par la question de savoir si elle fait ou non avancer la révolution sociale. C’est là le critère.
    Sur ce qui a été dit, que nous ne devrions pas défendre une chose si les masses ne la désirent pas, ce n’est pas juste. Nous ne défendons pas les choses seulement parce que les masses désirent. La question fondamentale du socialisme entrerait dans cette catégorie. Aux Etats Unis, seul un faible pourcentage de la population veut le socialisme, et pourtant nous le défendons. Ils peuvent vouloir la guerre, mais nous nous y opposons. Les questions qu’il nous faut résoudre sont les suivantes : Cela aidera-t il à la destruction de l’impérialisme américain ? Si un tel mouvement apparaît, le peuple le voudra t il au fur et à mesure du développement de la situation ?
    Je crois que ces mouvements nationalistes dont vous parlez ont existé pendant des années et que, dans chaque cas, la lutte était menée par une poignée de gens, mais qu’au moment de la crise sociale les masses se ralliaient à de tels mouvements. La même chose peut arriver en rapport avec l’autodétermination des Nègres.
    Il me semble que ce que l’on appelle la « ceinture noire » est la fraction surexploitée de l’économie américaine. Elle présente toutes les caractéristiques d’une partie soumise d’un empire. Elle a toute la pauvreté extrême et l’inégalité politique. Elle a la même structure financière Wall Street exploite les éléments petits bourgeois et à leur tour les ouvriers pauvres. Elle présente simplement un champ d’investissement et une source de profits. Elle a toutes les caractéristiques d’une partie d’un empire colonial. C’est également une question régionale, car les blancs ont bien été contraints aussi d’éprouver un sentiment de réaction contre le capital financier.
    Il serait également intéressant d’étudier le possible développement futur de la question nègre. On a vu que, quand les Nègres ont été amenés dans le Sud, ils y sont restés pendant de nombreuses décennies. Quand il y a eu la guerre, beaucoup ont émigré vers le Nord et ont formé là une partie du prolétariat. Mais cette tendance ne peut plus jouer. Le capitalisme ne connaît pas la même expansion qu’auparavant. En fait, pendant la dépression, nombre de Nègres sont revenus vers les fermes. Il est possible qu’au lieu d’une tendance à l’émigration, il y ait maintenant une tendance des Nègres à rester dans le Sud.
    Et puis il y a d’autres facteurs. La question des machines à cueillir le coton qui signifie que les travailleurs seront par milliers chassés de leur travail.
    Pour en revenir à la question de l’autodétermination. Il existe la possibilité qu’au cœur de la crise sociale la manifestation du radicalisme connaisse une double phase : en même temps que la lutte pour l’égalité économique et sociale on pourra trouver la revendication du contrôle de leur propre Etat. Même en Russie, quand les bolchéviks ont pris le pouvoir, le peuple polonais ne se contentait pas de penser que cela signifiait pour lui la fin de l’oppression. Il revendiquait le droit de contrôler à sa façon son propre destin. Un tel développement est possible dans le Sud.
    Les autres questions sont importantes, mais je ne crois pas qu’elles soient fondamentales qu’une nation doive avoir sa propre langue, sa propre culture, sa propre tradition. Dans une certaine mesure, ils ont développé une culture propre. Dans toutes les bibliothèques publiques, on peut trouver des livres fiction, anthologies, etc. qui expriment un sentiment nouveau de race.
    Maintenant, du point de vue des Etats Unis, le retrait de la « ceinture noire » signifie l’affaiblissement de l’impérialisme américain, avec le retrait d’un grand champ d’investissement. C’est un coup en faveur de la classe ouvrière américaine.
    Il me semble que l’autodétermination ne s’oppose pas à la lutte pour l’égalité sociale, politique et économique. Dans le Nord, une telle lutte est immédiate et le besoin est aigu. Dans le Nord, le mot d’ordre de l’égalité économique et politique est un mot d’ordre - une question immédiate. Sous un angle pratique, personne ne suggère que nous lancions le mot d’ordre de l’autodétermination en tant que mot d’ordre d’agitation, mais comme un mot d’ordre programmatique qui pourrait devenir à l’avenir un mot d’ordre d’agitation.
    Il y a aussi un autre facteur qu’on pourrait appeler le facteur psychologique. Si les Nègres pensent que c’est une tentative pour leur imposer une ségrégation, alors il vaudrait mieux s’abstenir de lancer ce mot d’ordre jusqu’à ce qu’ils soient convaincus que tel n’est pas le cas.
    Trotsky. Je ne comprends pas très bien si le camarade [James] George propose d’éliminer le mot d’ordre d’autodétermination pour les Nègres de notre programme ou si c’est que nous ne disons pas que nous sommes prêts à faire tout notre possible pour l’autodétermination des Nègres s’ils la désirent. Que nous l’éliminions ou non, c’est une question qui concerne l’ensemble du parti. Nous sommes prêts à les aider s’ils la veulent. En tant que parti, nous ne pouvons rester absolument neutres là dessus. Nous ne pouvons pas dire qu’elle serait réactionnaire. Elle n’est pas réactionnaire. Nous ne pouvons pas leur dire de constituer un Etat parce que cela affaiblirait l’impérialisme et serait par conséquent bon pour nous, ouvriers blancs. Cela serait contre l’internationalisme même. Nous ne pouvons pas leur dire : « Restez ici, même au prix du progrès économique. » Nous pouvons leur dire : « C’est à vous de décider. Si vous voulez prendre une partie du pays, c’est bien, mais nous ne voulons pas décider à votre place. »
    Je crois que les différences entre les Indes occidentales, la Catalogne, la Pologne et la situation des Noirs aux Etats ne sont pas aussi décisives. Rosa Luxemburg était contre l’autodétermination pour la Pologne. Elle pensait que c’était réactionnaire et fantastique, aussi fantastique que de demander le droit du voler. Cela démontre qu’elle ne possédait pas l’imagination historique nécessaire dans ce cas. Les grands propriétaires et les représentants de la classe dirigeante polonaise étaient également opposés à l’autodétermination, pour leurs raisons propres.
    Le camarade James a utilisé trois verbes : « soutenir », « défendre », et « injecter » l’idée d’autodétermination. Je ne propose pas que le parti défende, je ne propose pas qu’il injecte, mais seulement qu’il proclame notre devoir de soutenir la lutte pour l’autodétermination si les Nègres eux-mêmes la revendiquent. Il ne s’agit pas de nos camarades nègres. Il s’agit des 13 ou 14 millions de Nègres. Ils ne savent pas encore clairement ce qu’ils veulent maintenant et il faut leur faire crédit pour l’avenir. Et ils décideront alors.
    Ce que vous avez dit du mouvement Garvey est intéressant - mais cela prouve que nous devons être prudents et larges ne pas nous baser sur le statu quo. La femme nègre qui a dit à la femme blanche : « Attendez que Marcus soit au pouvoir, et vous serez traités, vous autres, comme vous le méritez » exprimait simplement son désir d’un Etat qui soit le sien. Les Noirs américains se sont rassemblés sous le drapeau du « Retour à l’Afrique » parce qu’il leur semblait une réalisation possible de leur propre désir d’une maison à eux. Ils ne voulaient pas réellement aller en Afrique ? C’était l’expression d’un désir mystique d’une maison où ils seraient libres de la domination des blancs et dans laquelle ils contrôleraient leur propre destin. C’était aussi un désir d’autodétermination. Il s’est exprimé autrefois sous une certaine forme religieuse et il prend maintenant la forme du rêve d’un Etat indépendant. Ici, aux Etats Unis, les blancs sont si puissants, si cruels et si riches que le pauvre métayer nègre n’ose pas dire, même à lui-même, qu’il veut prendre pour lui une partie du pays. Garvey en parlait avec chaleur, tout était beau et ce serait merveilleux. N’importe quel psychanalyste dira que le contenu réel de ce rêve était le désir d’avoir leur propre maison. Ce n’est qu’un argument en faveur de la décision d’en injecter l’idée. C’est seulement un argument qui permet de prévoir la possibilité de donner à leur rêve une forme plus réaliste.
    Si le Japon envahit les Etats Unis et que les Nègres sont appelés à combattre ils peuvent commencer à se sentir menacés d’abord d’un côté, puis de l’autre, et finalement, éveillés, ils peuvent dire : « Nous n’avons rien à faire avec aucun de vous. Nous aurons notre propre Etat. »
    Mais l’Etat nègre pourrait entrer dans une fédération. Si les Nègres américains réussissaient à créer leur propre Etat, je suis certain qu’après quelques années de satisfaction, et d’orgueil de leur indépendance, ils éprouveraient le besoin d’entrer dans une fédération. Même si la Catalogne, qui est une province très industrialisée et hautement développée, avait réalisé son indépendance, cela n’aurait constitué qu’un pas vers une fédération.
    Les Juifs d’Allemagne et d’Autriche ne désiraient rien plus que d’être les meilleurs chauvins allemands. Le plus misérable de tous était le social démocrate Austerlitz [7], l’éditeur de l’Arbeiter Zeitung. Mais maintenant, avec la tournure des événements, Hitler ne leur permet pas d’être des chauvins allemands. J’ai vu une photocopie écœurante, récemment, d’un acteur juif, arrivant en Amérique et se courbant pour baiser le sol des Etats Unis. Alors, ils vont recevoir quelques bons coups de poings des fascistes aux Etats Unis et iront baiser le sol de la Palestine.
    Il existe une alternative à l’alternative révolutionnaire victorieuse. Il est possible que le fascisme parvienne au pouvoir avec son délire radical, l’oppression, et la réaction des Noirs sera pour l’indépendance raciale. Le fascisme aux Etats Unis sera dirigé contre les Juifs et les Nègres, mais particulièrement contre les Nègres et de la plus terrible manière. On créera une condition « privilégiée » pour les ouvriers blancs américains sur le dos des Nègres. Les Nègres ont fait tout ce qui était possible pour devenir partie intégrante des Etats Unis, psychologiquement et politiquement. Nous devons prévoir que leur réaction démontrera sa puissance pendant la révolution. Ils y entreront avec une grande méfiance vis-à-vis des Blancs. Nous devons rester neutres sur cette question et garder la porte ouverte pour toutes les possibilités tout en promettant notre soutien entier s’ils veulent créer leur propre Etat indépendant.

  • Rosa Luxemburg
    (1871–1919)

    Militante polonaise, fondatrice du SPDiL (Parti Socialiste de Pologne et de Lithuanie). Emigre pour suivre ses études et s’intalle à Berlin.
    Elle sera en Allemagne la dirigeante incontestée de la gauche du SPD. A ce titre, elle dirige la lutte qui s’engage contre le révisionnisme montant dans la social-démocratie et théorisé par E. Bernstein.
    En août 1914, elle est opposée au vote des crédits de guerre et s’engage dans le processus de regroupement menant en 1915 à la fondation de la ligue Spartakiste, qui se transformera en KPD (1918). Incarcérée durant la guerre pour son activité.
    Dirigeante de la révolution allemande de 1918/19. Assassinée après son arrestation, suite à l’échec de la tentative d’insurrection de janvier 1919. Iouri Leonidovitch Piatakov
    (1890-1937)
    Vieux-bolchévik, signataire de "Thèses sur le droit à l’autodétermination" avec Boukharine et E. Bosch en 1915. Ces thèses, qui caractérisaient ce droit comme utopique, nuisible et "générateur d’illusions" s’opposaient à l’orientation de Lénine sur la question nationale.
    Chef du gouvernement ukrainien après octobre 1917, puis spécialiste des questions économiques.
    Oppositionel, il capitule en 1928 et est éxécuté à l’issue du deuxième procès de Moscou
    Hudson [6]. Il me semble qu’on peut diviser le problème en un certain nombre de phases différentes :
    Sur la question de l’autodétermination, je pense qu’il est clair que tout en étant pour l’autodétermination, y compris l’indépendance, cela ne signifie pas nécessairement que nous sommes pour l’indépendance. Nous sommes pour que, dans certains cas, dans certains lieux, ils aient le droit de décider eux-mêmes s’ils seront ou no indépendants ou quels arrangements gouvernementaux particuliers devraient être conclus avec le reste du pays.
    Le danger, si nous défendions et propagions une politique d’autodétermination, est que ce serait le moyen le plus sûr de diviser et d’embrouiller les ouvriers du Sud. Les travailleurs blancs ont des siècles de préjugés à surmonter, mais aujourd’hui nombre d’entre eux travaillent avec les Nègres dans le syndicat des métayers du Sud [5], et avec le développement de la lutte il existe toutes les possibilités qu’ils soient capables de surmonter ces préjugés séculaires. Mais, que nous demandions, nous, que les Nègres aient leur propre Etat à eux, c’est en demander trop aux ouvriers blancs, surtout quand les Nègres eux-mêmes n’émettent pas cette revendication. Les mots d’ordre de l’« annulation des dettes », de la « confiscation des grands domaines », etc., suffisent parfaitement pour les conduire au combat en commun, et, sur la base de la lutte économique, mener un combat uni pour l’abolition toute discrimination sociale.
    Aussi je propose concrètement : 1) Nous sommes pour le droit d’autodétermination. 2) S’il apparaissait chez les Nègres la revendication du droit d’autodétermination, nous devrions la soutenir. 3) Nous ne nous détournerons pas de notre chemin pour lancer ce mot d’ordre et nous ne dresserons pas une barrière qui n’est pas nécessaire entre nous mêmes et le socialisme. 4) Il faut étudier ces mouvements ; celui que conduisait Garvey, celui pour le 49° État, celui qui tourne autour du Liberia. Découvrir les groupes de la population qui les soutenaient et sur cette base évaluer dans quelle mesure existe chez les Nègres cette revendication de l’autodét John Lewis
    (1880-1969)
    Dirigeant syndical américain.
    D’origine galloise, J. Lewis devient mineur à l’âge de quinze ans. En 1911, il devient permanent de l’American Federation of Labour (AFL), la confédération syndicale américaine. En 1917, il est président de sa fédération minière (UNWA). En 1921, il tente sans succès de remplacer S. Gompers à la tête de l’A.F.L.
    Durant les années 1930, la direction de l’A.F.L. entre en crise, en relation avec le sous-emploi et la désyndicalisation qui s’ensuit. En 1935, Lewis prend la tête de sept fédérations qui constituent le Congress for Industrial Organization, structuré sur une base d’industrie et non de métiers. Le CIO avait dès 1937 plus d’adhérents que l’AFL.
    Sur le plan politique, Lewis soutint Roosevelt et sa politique du New Deal.
    Lewis demeura président de l’UNWA jusqu’en 1960
    ermination. Puis il y a eu en 1936 l’organisation du C.I.O. John L. Lewis a nommé un département nègre spécial. Le New Deal faisait des avances aux Nègres. Nègres et blancs combattirent ensemble dans plusieurs conflits. Ces mouvements nationalistes tendaient à disparaître dans la mesure où les Nègres voyaient l’occasion de combattre avec les ouvriers organisés et de gagner quelque chose 4] Le mouvement national pour l’établissement d’un 49° Etat proposait la création d’un Etat nègre dans une région peu peuplée des Etats Unis où les nègres seraient invités à résider. Il n’eut pas une énorme importance. A l’initiative d’une American Colonization Society fondée en 1817, une vingtaine de milliers d’esclaves nègres affranchis furent transportés en Afrique à partir de 1822 donnant naissance au Liberia où ils constituèrent la couche dominante. L’idée du « Liberia » comme pays des Nègres fut reprise dans les années trente, sans grand écho. Et il y a le cas de la femme noire qui avait été bousculée dans un bus par une femme blanche et qui lui dit : « Attendez que Marcus [3] soit au pouvoir et vous serez traités vous autres comme vous le méritez. » De toute évidence elle ne pensait pas à l’Afrique.
    Simplement, il y a eu cette concentration sur les problèmes des Nègres parce que les travailleurs blancs en 1919 n’étaient pas développés. Il n’y avait pas d’organisation politique de quelque importance appelant noirs et blancs à s’unir. Les Nègres revenaient juste de la guerre militants et n’ayant reçu aucune proposition d’assistance, ils se concentraient sur leurs propres affaires.
    Il faudrait en outre mentionner néanmoins que, lorsqu’il s’est produit à Chicago une émeute raciste, elle avait été délibérément provoquée par les patrons. Quelque temps avant qu’elle n’éclate, les ouvriers des conserves de viande, blancs et noirs, avaient frappé et défilé dans le quartier nègre de Chicago où la population noire avait acclamé les blancs de la même manière et où ils avaient applaudi les Nègres. Pour les capitalistes, c’était un phénomène très dangereux et ils se sont occupés de créer des frictions raciales. A une étape ultérieure, des autos, avec des blancs à l’intérieur, fonçaient dans le quartier noir en tirant à vue. La presse capitaliste jouait sur les différences et c’est elle qui eut l’initiative des émeutes afin de diviser la population et de ramener les Nègres à se replier sur eux-mêmes. Et il y a le cas de la femme noire qui avait été bousculée dans un bus par une femme blanche et qui lui dit : « Attendez que Marcus [3] soit au pouvoir et vous serez traités vous autres comme vous le méritez. » De toute évidence elle ne pensait pas à l’Afrique.
    Simplement, il y a eu cette concentration sur les problèmes des Nègres parce que les travailleurs blancs en 1919 n’étaient pas développés. Il n’y avait pas d’organisation politique de quelque importance appelant noirs et blancs à s’unir. Les Nègres revenaient juste de la guerre militants et n’ayant reçu aucune proposition d’assistance, ils se concentraient sur leurs propres affaires.
    Il faudrait en outre mentionner néanmoins que, lorsqu’il s’est produit à Chicago une émeute raciste, elle avait été délibérément provoquée par les patrons. Quelque temps avant qu’elle n’éclate, les ouvriers des conserves de viande, blancs et noirs, avaient frappé et défilé dans le quartier nègre de Chicago où la population noire avait acclamé les blancs de la même manière et où ils avaient applaudi les Nègres. Pour les capitalistes, c’était un phénomène très dangereux et ils se sont occupés de créer des frictions raciales. A une étape ultérieure, des autos, avec des blancs à l’intérieur, fonçaient dans le quartier noir en tirant à vue. La presse capitaliste jouait sur les différences et c’est elle qui eut l’initiative des émeutes afin de diviser la population et de ramener les Nègres à se replier sur eux-mêmes.
    C.L.R. James
    (1886-1957)
    Cyril Lionel Robert James

    Dirigeant trotskyste britannique.
    Né à Trinitad (Caraïbes), CLR James y fait de brillantes études. En 1932, il part en Grande-Bretagne pour y devenir écrivain. Parrallèlement, il est journaliste sportif. C’est là qu’il entre en contact avec le mouvement ouvrier : il rejoint l’Independent Labour Party ("centriste") et dirige bientôt son travail en direction des travailleurs africains. Son évolution le mène rapidement au marxisme et il devient trotskyste en 1935.
    En 1938, CLR James publie son premier ouvrage important, The Black Jacobins, l’un des premiers textes décrivant la réalité de l’esclavage.
    La même année, il est invité par J.P. Cannon à venir aux U.S.A. pour développer l’activité du SW.P. parmi les afro-américains. Il rencontre Trotsky à plusieurs reprises dans ces années.
    A partir des années 40, CLR James s’éloigne peu à peu du trotskysme. Il fonde la tendance Johnson-Forest au début des années 50 qui évolue vers des positions "spontanéistes" et assez éloignées du marxisme "classique".
    La suite du parcours politique de James se déroulera sous l’influence du nationalisme noir.

  • L’idéalisme classique en philosophie, dans la mesure où il tendait à séculariser la morale, c’est-à-dire à l’émanciper de la sanction religieuse, fut un immense progrès (Hegel). Mais, détachée des cieux, la morale avait besoin de racines terrestres. La découverte de ces racines fut l’une des tâches du matérialisme. Après Shaftesbury, il y eut Darwin, après Hegel, Marx. Invoquer de nos jours les "vérités éternelles" de la morale, c’est tenter de faire rétrograder la pensée. L’idéalisme philosophique n’est qu’une étape : de la religion au matérialisme ou, au contraire, du matérialisme à la religion.

  • Camarade Trotsky, en lisant votre lettre, en réfléchissant sur son contenu, je me suis rappelé du même coup la première occasion que j’ai eue de m’intéresser sérieusement à votre oeuvre : c’était dans un long compte rendu de votre Histoire (de la révolution russe, N.D.T.) publié dans le numéro de juillet 1932 de The Symposium. J’ai relu ce compte rendu -ce que je n’avais pas fait depuis de nombreuses années. Là encore, je me suis aperçu que j’avais été contraint de discuter d’abord de votre style de votre merveilleux style, qu’en fait j’ai très longuement analysé. Et je me suis rendu compte, plus clairement qu’à un autre moment, de ce qui est, à mes yeux, une importante vérité : que vous avez une conception trop littéraire de la preuve, de la démonstration ; que vous vous abusez vous-même en considérant une rhétorique pleine de persuasion comme une démonstration logique, une métaphore brillante comme un argument. Là réside, selon moi, l’essence du mystère de la dialectique tel qu’il apparaît dans vos livres et vos articles pour vous, la dialectique est un procédé stylistique -les épithètes contrastés, le rythme aisé, les paradoxes verbaux qui caractérisent votre façon d’écrire.

    Camarade Trotsky, je ne rivaliserai pas en métaphores avec vous. Dans un tel tournoi verbal, je vous concède d’avance la palme. Démonstration, argument, preuve : telles sont mes seules armes.

  • Le Père Coughlin [1] , qui cherche apparemment à démontrer qu’une morale idéaliste absolue n’empêche pas l’homme d’être la pire canaille, a déclaré à la radio que j’avais dans le passé reçu pour la révolution d’énormes sommes d’argent de la bourgeoisie juive des États‑Unis. J’ai déjà répondu dans la presse que c’était faux [2]. Je n’ai pas reçu d’argent non pas, bien entendu, parce que j’aurais refusé un soutien financier pour la révolution, mais parce que la bourgeoisie juive n’a pas proposé un tel soutien. La bourgeoisie juive est restée fidèle au principe : ne rien donner. Même aujourd’hui, quand c’est de sa tête qu’il s’agit. Étouffant dans ses contradictions, le capitalisme dirige des coups forcenés contre les Juifs et en outre une partie de ces coups tombe sur la bourgeoisie juive en dépit de tous ses “ services ” passés rendus au capitalisme. Des mesures de nature philanthropique pour les réfugiés deviennent de moins en moins efficaces en comparaison de l’immensité des maux qui accablent le peuple juif.

    C’est maintenant le tour de la France. La victoire du fascisme dans ce pays signifierait un grand renforcement de la réaction et une monstrueuse croissance d’un violent anti‑sémitisme dans le monde entier, surtout aux États‑Unis. Le nombre de pays qui expulsent les Juifs ne cesse de croître. Le nombre de pays capables de les accueillir diminue. En même temps la lutte ne fait que s’exacerber. Il est possible d’imaginer sans difficulté ce qui attend les Juifs dès le début de la future guerre mondiale. Mais, même sans guerre, le prochain développement de la réaction mondiale signifie presque avec certitude l’extermination physique des Juifs.

  • Chacun de ces groupes en état de survie se maintient par la force de l’inertie et non par la puissance des idées. La seule organisation qui ait un passé révolutionnaire plus sérieux, le POUM, s’est jusqu’à présent avéré incapable de réviser courageusement sa politique centriste qui fut une des causes principales de l’écroulement de la Révolution Espagnole. Les membres survivants du groupe sont encore moins capables de critique et d’auto-critique. Un esprit de dilettantisme sénile plane sur toute l’entreprise.

  • En France
    En France, il n’y avait pas de place pour une existence indépendante des syndicats staliniens. Ils s’unirent aux soi-disant anarcho-syndicalistes sous la direction de Jouhaux et, comme résultat de cette unification, il y eut un déplacement général du mouvement syndical, non vers la gauche, mais vers la droite.

    La direction de la CGT est l’agence la plus directe et la plus ouverte du capitalisme impérialiste français

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