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Quelle politique doivent défendre les révolutionnaires face à la crise sociale actuelle et à venir ?

samedi 20 février 2010, par Robert Paris

Il est bien sûr normal que les révolutionnaires relèvent les divisions des luttes sociales et en fassent le reproche aux directions syndicales. Le contraire serait une caution à la trahison ouverte de celles-ci. Il y a cependant différentes manières d’aborder ce thème.

On doit certes profiter du fait que les travailleurs constatent que les journées d’action n’ont servi qu’à lâcher de la vapeur plutôt qu’à faire monter la pression. Cela peut leur permettre de devenir conscients que, s’ils sont décidés à en découdre collectivement, ils ne pourront pas compter sur ces directions syndicales comme on devrait pouvoir compter sur des directions de la classe ouvrière.

Par contre, si cette critique est formulée par des appels aux directions syndicales à mener ces luttes, à les généraliser, à unifier la lutte des travailleurs, si les critiques des révolutionnaires laissent penser qu’on ne peut pas se passer de ces directions syndicales, alors c’est au mieux mêler le vrai et le faux et c’est nuisible.

Car l’essentiel n’est pas de savoir si les directions syndicales réformistes, liées à l’Etat et à la bourgeoisie dirigent ou pas de grandes luttes, mais de savoir si la classe ouvrière dirige elle-même ou pas ses propres luttes.

Si la situation se tend, si la crise s’aggrave, si les attaques générales se précisent, il y aura probablement des luttes d’ensemble et les directions syndicales chercheront à en garder la tête pour éviter justement que les travailleurs ne s’organisent eux-mêmes.

Or, avec l’aggravation de la crise, laisser des directions réformistes à la tête, c’est aller à la défaite, même en cas de grève générale, comme l’ont bien montré les grèves générales de 36, 53 et 68.

Il n’y a aucune chance que la bourgeoisie et l’Etat recule face à ces directions dont elles connaissent bien les limites et qui leur sont directement liées.

Il n’y a aucune chance que, dans une crise grave du système, la petite-bourgeoisie qui serait alors durement frappée choisisse le camp de la classe ouvrière si celle-ci n’est pas organisée et se battant sur la base de perspectives de changement pour toute la société.

Dans le cas contraire, même des grèves pour que les travailleurs ne fassent pas les frais de la crise peuvent apparaître comme corporatistes à la petite bourgeoisie et du coup manquer leur cible : la grande bourgeoisie.

Rien ne serait aussi important alors que d’empêcher le lien entre la bourgeoisie et la petite bourgeoisie.

Et, par la suite, ce serait le seul moyen d’empêcher une part de ces couches petites bourgeoises paupérisées de tomber dans le fascisme après avoir durant des décennies les meilleures soutiens de la démocratie du "juste milieu".

Rien ne serait pire que de laisser la petite bourgeoisie sans que ce soit la classe ouvrière qui se présente comme une direction de cette radicalisation....

A toutes ces questions, les révolutionnaires devraient apporter dès maintenant des réponses pour éclairer la voix aux travailleurs les plus conscients, même si ces tâches peuvent apparaître un peu en avance sur les événements.

La crise peut aller plus vite que nos explications et il ne faut pas craindre de n’être compris que plus tard. Qui sème la graine n’attend pas que ce soit l’époque des moissons !

Enfin, et ce n’est pas la moindre des questions, il importe que les révolutionnaires portent l’accent non sur sur des syndicats radicaux mais sur la mise en place de comités de travailleurs indépendants de toute centrale syndicale sans pour autant rejeter les militants synidcalistes bien entendu.

C’est cette organisation dont dépend l’avenir. Sans elle, inutile de parler d’une politique possible pour les travailleurs. Inutile de parler de grève générale si c’est pour la faire derrière ces directions syndicales qui ne travailleront qu’à la trahir !

Une politique révolutionnaire même très loin actuellement des préoccupations de la plupart des travailleurs peut parfaitement être entendu au sein de comités de travailleurs organisés démocratiquement sans allégeance aux appareils réformistes.

C’est là l’avenir .....

Et les autres considérations liées aux mobilisations ne doivent pas l’emporter sur la précédente. Le but principal n’est pas de mobiliser mais de donner une perspective. Le but n’est pas de dire tout haut ce que les travailleurs ressentent. Ce ne serait que de l’opportunisme de gauche. Il faut aller contre certains sentiments de la classe laborieuse. Celle-ci ressent que les directions syndicales devraient faire ceci ou cela, que l’Etat devrait faire ceci ou cela, que les patrons devraient faire ceci oucela. Nous devons aller contre et expliquer qu’il n’y a nullement à attendre de l’Etat qu’il fasse ça, nullement à attendre des organisations syndicales liées au système qu’elles répondent à nos attentes. Et le pire est à attendre des classes dirigeantes. Elles préfèrenront mille fois détruire toute la société, détruire nos vies, détruire aussi le cadre actuel, détruire même la démocratie bourgeoise que de risquer de perdre le pouvoir. Bien sûr, les travailleurs n’ont nullement conscience qu’ils sont un tel risque pour les classes dirigeantes. A nous de le leur dire, même s’ils auront du mal à le croire.

Armer les travailleurs, c’est tenter de dévoiler les tenants et les aboutissants de la situation. Notre rôle n’est pas d’être des syndicalistes de gauche qui poussent les travailleurs à la lutte. Il est d’éclairer le chemin.

Dans leurs entreprises, le travail essentiel des militants révolutionnaires n’est pas de tenter de gauchir le discours des syndicats, n’est pas d’essayer de faire réussir leurs journées d’action, n’est pas de diffuser plus que les syndicats eux-mêmes leurs appels. De tels succès ne seraient pas véritablement ceux de la classe ouvrière et les journées resteraient sans lendemain. Non, le travail essentiel des militants révolutionnaires est de préparer localement les travailleurs à s’organiser, c’est-à-dire à discuter de la manière la plus régulière et collective de la situation, de nos revendications et de la manière de les faire aboutir. Bien sûr, c’est surtout la crainte et la révolte qui l’emportent pour le moment et cela limite nos possibilités. Cependant, avant même qu’une grande lutte se dessine, nous pouvons habituer les travailleurs à se retrouver par petits groupes pour discuter... C’est un travail apparemment modeste mais qui peut, dans une situation tendue, mener à des comités de travailleurs, avant même que de vraies grèves (pas des fausses "actions" syndicales) se déclenchent.

Quelles revendications défendront-nous ? Celles qui unifient la classe ouvrière. Mais aussi celles qui permettent aux travailleurs de passer de la défensive à l’offensive. Des revendications transitoires que la bourgeoisie et l’Etat ne peuvent pas accepter mais qui peuvent apparaître comme indispensables aux travailleurs. Enfin des revendications qui permettent aux travailleurs de se porter à la tête de toutes les couches laborieuses de la petite bourgeoisie : petits paysans, petits pêcheurs, petits artisans, petits commerçants et étudiants. Enfin, le point qu’il ne faut jamais perdre de vue dans les luttes actuelles, c’est le caractère international de la situation et il ne faut jamais rater une occasion de le souligner auprès des travailleurs. C’est un combat de classe et il ne se limite pas à une mobilisation contre le gouvernement de Sarkozy ni contre des patrons français.

Dès que les attaques anti-sociales prendront un tour plus dur et que les travailleurs réaliseront la nécessité d’une lutte déterminée et collective, un seul mot d’ordre prend le pas sur tous les autres : constituons nos comités de travailleurs, choisissons des délégués élus et révocables, fédérons ces comités et couvrons le pays de structures de décisions de la classe ouvrière et de toutes les couches de travailleurs, y compris chômeurs et retraités. Invitons-y la jeunesse et adressons aux couches laborieuses de la petite bourgeoisie.

Tout cela peut sembler bien loin du niveau actuel de conscience et de mobilisation mais les choses peuvent changer vite sans que les révolutionnaires n’aient eu le temps de développer autour d’eux leurs perspectives communistes propres !

C’est cela qui dépend le plus de nous, bien plus que le niveau de mobilisation des travailleurs.

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