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Editorial 15-06-2010 - La Belgique entre communautarisme et lutte de classe

jeudi 17 juin 2010, par Robert Paris

Le véritable choix en Belgique : Flamands contre Wallons ou lutte de classe entre exploiteurs et exploités

Le succès électoral de la « Nouvelle alliance flamande » semble bien marquer un tournant de la situation en Belgique qu’il serait erroné de minimiser. Si cette tendance se confirmait cela aurait des conséquences graves au plan politique et social. Tous les commentateurs le reconnaissent : la Belgique a fait un pas vers sa disparition en tant qu’Etat unitaire et la scission entre régions wallonnes et flamandes pouvant mener à une autonomie des régions et même à une partition.

Contrairement à nombre de commentaires, nous ne pensons pas que cette évolution n’ait aucun rapport avec la crise économique mondiale et ses répercussions en Europe. L’effondrement de pays entiers comme l’Islande, la Grèce ou l’Espagne va se traduire dans les luttes sociales et les classes dirigeantes cherchent des dérivatifs politiques. Si les classes dirigeantes peuvent aller dans une telle direction, c’est qu’elles pensent que sans ce ferment de division qu’est le séparatisme il y aurait des dangers bien plus grands sur le terrain social. Le séparatisme est d’abord et avant tout une arme politique contre la séparation politique et sociale entre exploiteurs et exploités. Et cette séparation a donné ces derniers temps bien des signes dangereux pour les classes dirigeantes même si elle ne se manifeste pas de manière claire au plan politique ou social du fait des anciens appareils anti-ouvriers, des centrales syndicales et des partis politiques. La bourgeoisie belge sait quelles attaques anti-sociales elle va être amenée à préparer et la polarisation du pays sur des bases de division linguistique peut lui paraître le meilleur moyen d’éviter la polarisation sociale...

Bien entendu, l’Etat belge n’a jamais été un Etat au service du public belge, pas plus que les autres états bourgeois, mais la tendance politique des deux bords vers une séparation ne peut pas être une évolution sans importance pour les travailleurs et les milieux populaires. Cela aurait des conséquences graves pour la conscience des travailleurs, pour leur situation sociale et dans les luttes. Et le danger existe maintenant bel et bien. Ce qui n’apparaissait que comme une opposition linguistique et culturelle, parfois violente mais jamais vraiment dangereuse pour l’unité du pays, devient une opposition apparaissant comme irréductible entre deux régions, deux économies, deux politiques. Cette dichotomie qui se reflétait depuis longtemps dans les votes des électeurs, dans la scission des partis et des syndicats apparaît aujourd’hui comme une opposition, attestée dans les urnes, entre deux peuples, deux manières de vivre et de concevoir l’avenir. Quelle est la cause de cette séparation ? L’opposition entre deux peuples : illusion ou réalité ? Qui aurait intérêt à une telle politique ?

Il est évident que la division qu’entretiennent les forces bourgeoises et leurs appuis politiques et sociaux, de droite comme de gauche ou d’extrême droite, ne signifie pas que la bourgeoisie belge aurait, plus qu’une autre, un intérêt économique à en finir avec l’unité du pays, l’unité de sa capitale et avec son unité étatique. L’Etat a toujours été au service des classes dirigeantes et il l’est plus que jamais dans la crise. C’est par démagogie que les politiciens bourgeois affirment le contraire. Cela leur permet de cacher les véritables causes de la crise et leur propre responsabilité dans une évolution sociale catastrophique.

Il importe tout d’abord de rappeler que les oppositions entre ces deux entités sont plus anciennes même que l’Etat belge, suscitées par des forces sociales et politiques qui n’ont aucun souci ni de l’un ni de l’autre des prétendu « deux peuples ». Les forces opposées de la France et des Pays-Bas, qui ont toutes deux cherché à imposer leur influence, le plus souvent les armes à la main, la langue n’étant que l’une des armes possibles... A l’époque, la langue n’était même pas un moyen suffisamment important pour pousser les classes dirigeantes à permettre au peuple de s’éduquer, la majorité est du coup restée analphabète !

Ensuite, il faut se souvenir que les oppositions linguistiques et communautaires ont surtout été agitées dans des situations sociales agitées, quand les travailleurs ont menacé d’entrer dans des luttes radicales. Par exemple, c’est au début des années soixante que les revendications linguistiques se sont exacerbées menant à des affrontements violents entre communautés comme lors des épisodes dits des Fourons, où une communauté francophone refuse l’unilingisme flamand. Mais ces oppositions se développent, comme par hasard, après la plus grande grève générale menée par la classe ouvrière de Belgique, sur des bases de classe et sans opposition identitaire, où les travailleurs avaient semblé une menace pour le pouvoir et les classes dirigeantes. Ce n’était nullement un hasard mais le produit d’une politique de division. C’est suite à cette mobilisation massive des travailleurs, qui avait échoué par le fait de la bureaucratie syndicale, que la bourgeoisie belge et ses hommes politiques ont mis en place une politique de division du pays, avec des partis divisés et des zones quasi autonomes et des politiques économiques différentes. Déjà le séparatisme était un camouflage de la lutte des classes.... Mais les classes dirigeantes belges n’étaient pas assez bêtes pour diviser, elles aussi, leur fédération du patronat alors qu’elles ont oeuvré à la division des centrales sydicales de salariés !!!
L’agitation en faveur d’un prétendu « peuple flamand » est instrumentalisée notamment par l’extrême droite dite flamande. Elle sert à cacher la responsabilité sociale et politique de la catastrophe sociale qui frappe les travailleurs belges : licenciements massifs, fermetures d’usines, remise en cause des droits sociaux, de la santé, de l’éducation...

Si les classes dirigeantes estiment à nouveau que le séparatisme est une solution, c’est que des luttes comme celle des cheminots ou celles des travailleurs du privé ont montré que le climat social pourrait monter en température et qu’elles estiment qu’elles ne seraient pas capables de canaliser une montée sociale grave....

Aujourd’hui, les conflits communautaires sont un paravent bien commode pour les attaques contre la Sécurité sociale, l’octroi d’avantages fiscaux aux entreprises et aux plus riches, la limitation des droits aux allocations de chômage, les coupes dans les soins de santé. Chaque fois, il se trouve un parti pour expliquer que cela est dû, par exemple, aux Wallons qui coûtent trop cher et ne travaillent pas assez, ou bien aux Flamands qui sont trop égoïstes, qu’il faut aider la Wallonie à résister à la Flandre, ou vice-versa, que les uns ne doivent pas payer pour les autres, etc., comme si toutes les questions qui se posent à la population devaient se régler suivant les clivages entre Wallons et Flamands, francophones et néerlandophones.
Il faut cependant rappeler que tous les partis, y compris le Parti Socialiste, ont déjà contribué depuis trente ans au recul du niveau de vie en Wallonie, par leur politique en faveur des riches et du capital, tant au niveau du gouvernement fédéral que des gouvernements régionaux. Les gouvernements catholiques-libéraux des années 1982-87 ont ainsi imposé aux salariés de très dures mesures d’austérité et largement favorisé le capital. Des économistes estiment à près de 8 % le manque à gagner imposé aux travailleurs pendant cette période. Et les gouvernements suivants - catholiques-socialistes puis libéraux-socalistes - ont continué la même politique, amenant une grande partie des chômeurs et des pensionnés sous le seuil de pauvreté.

Mais aujourd’hui, pour faire oublier leurs responsabilités dans la situation, le CDH (Centre démocrate et humaniste, ex-Parti Social-Chrétien) et surtout le Parti Socialiste se drapent dans le drapeau de l’unité de la Belgique et mènent campagne en dénonçant les risques de séparatisme de la Flandre.

La solution d’avenir n’est ni dans l’unité nationale bourgeoise ni dans l’autonomie ou le séparatisme. L’avenir pour les travailleurs et les milieux populaires, en Belgique comme ailleurs, est dans la conscience des intérêts prolétariens opposés à ceux des classes dirigeantes.

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