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Où va l’impérialisme chinois ?

mardi 17 août 2010, par Robert Paris

Derrière la lune de miel du régime chinois et du capitalisme se cache une concurrence effrénée, sur le plan économique qui se double avec une conquête des marchés, un développement militaire...Des régions entières tombent sous la coupe de ce nouvel impérialisme et ce n’est pas seulement en Afrique : aussi en Asie et dans des régions entière de Russie. Il va de soi que l’aboutissement ne peut pas être seulement économique et pacifique... La course aux armements sous le masque du pacifisme

Le 4 mars 2009, le parlement chinois a voté une augmentation de près de 15 % du budget de la défense 2009 qui se montera donc à 56 milliards d’euros. En 2009, le budget chinois de la défense représentera 6,3 % des dépenses de l’État chinois, soit une proportion inférieure à celle de nombreux pays impérialistes et en particulier de celle des USA. L’aviation de chasse chinoise a également beaucoup progressé avec la construction de chasseurs mutirôles tel le Chengdu J-10 à partir de 1998 (équivalent du F-16 américain) ou d’intercepteurs comme le Shenyang J-11 (version chinoise produite sous licence du célèbre SU-27 russe). L’impérialisme chinois travaille depuis plusieurs années sur la construction de chasseurs furtifs capables de rivaliser avec les meilleurs appareils russes et américains, à l’instar du projet Shenyang J-XX. En 2003, la Chine a commencé la production d’un hélicoptère d’attaque de conception moderne, le Wuzhuang Zhisheng-10, censé rivaliser avec l’AH-64 américain et le Tigre d’Eurocopter.

La flotte chinoise n’est pas en reste. En 2005, elle était déjà devenue la troisième du monde, derrière celle des USA et de la Russie. Elle comptait alors 424 bâtiments de combat pour un tonnage total de près de 800 000 tonnes, soit autant que celui de la Royal Navy et de la Marine Nationale japonaise prises ensemble. En 2002, le porte-avions russe Varyag, dont la construction avait été suspendue en 1993, a rejoint son nouveau propriétaire : la Chine. Tout aussi important, la marine chinoise procède à un réarmement complet depuis 1999 et chaque année a vu arriver son contingent de submersibles, de frégates et de destroyers ultra-modernes.

Au printemps 2008, l’ambassadeur américain au Japon « a demandé au Japon d’augmenter son budget militaire face à la course aux armements en Asie orientale ». Visant nommément la Chine, dont il a souligné qu’elle avait « augmenté son budget de la défense de 14,2 % en moyenne par an ces dix dernières années », puis a cité l’exemple (positif selon lui) de la Corée du Sud dont le budget de la défense 2008 s’est monté à plus de 28 milliards de dollars. (AFP, 22/05/2008) Avec 49 milliards de dollars en 2008, le budget japonais de la défense est en effet sensiblement égal à celui de la Russie ou de l’Allemagne (46-50 milliards de dollars), mais inférieur à celui de la France ou du Royaume-Uni (61 milliards de dollars). Or selon Washington, il est essentiel que les dépenses militaires du Japon soient à la mesure de sa puissance économique : alors que le Japon a consacré à peine 5 % de son budget d’État à la défense, la Corée du Sud en a consacré plus de 15 % en 2008.

Le Japon devrait être devancé par la Chine sur l’ensemble de l’année 2010. Déjà entre avril et juin, le PIB nominal chinois, à 1336,9 milliards de dollars, a dépassé celui du Japon, à 1288,3 milliards de dollars.

Et l’Archipel voit son économie ralentir de manière inquiétante. Lundi 16 août, le Bureau du gouvernement a annoncé une progression du PIB entre avril et juin de 0,1% (0,4% en glissement annuel). Le Japon a enregistré son troisième trimestre consécutif de croissance, mais, entre janvier et mars, elle avait atteint 4,4% et elle était attendue au deuxième trimestre autour de 2,3%.

L’activité a souffert de la stagnation de la consommation, qui contribue à 60% de la formation du PIB, de la pression persistante de la déflation et d’une hausse ralentie des exportations à 5,9%.

Pour l’avenir, les analystes attendent une croissance limitée, voire un retour de la récession. Cela en raison de la forte appréciation du yen face au dollar, le billet vert ayant atteint le 12 août son plus bas niveau depuis 1995, à 84,72 yens. La persistance d’une telle tendance pourrait nuire aux exportations des groupes japonais, et, par conséquent, à l’ensemble de l’économie.

CHANGEMENT INÉLUCTABLE

Cette situation offre un contraste certain avec celle de la Chine où la croissance a atteint 10,3 % au deuxième trimestre et devrait s’établir à 9,2 % entre juillet et septembre. Un ralentissement est certes prévisible, notamment parce que, écrivait récemment dans le Financial Times Yu Yongding, chercheur à l’Académie chinoise des sciences sociales : "La Chine s’est concentrée de manière obsessive sur la croissance du PIB depuis trop longtemps. Cela ne peut pas être une excuse pour repousser un ajustement structurel plus que nécessaire. Et ce réajustement, quand il se fera, entraînera inévitablement un ralentissement."

Mais le changement dans la hiérarchie des économies mondiales reste inéluctable. "C’est l’ultime étape pour la Chine avant les Etats-Unis, estime Claude Meyer, auteur d’une étude comparative de l’évolution économique des deux grandes puissances asiatiques (Chine ou Japon, quel leader pour l’Asie ?, Nouveaux débats des presses de Sciences Po). C’est aussi une forme de revanche, notamment à l’égard du Japon."

La nouvelle donne n’est pas forcément mal vécue dans l’Archipel. Près de la moitié des personnes interrogées en avril par le quotidien Asahi à ce sujet ne considèrent pas comme un problème majeur le passage de leur voisin chinois au rang de deuxième économie mondiale.

Surtout, le Japon espère tirer bénéfice de l’enrichissement de son grand voisin. Le 1er juillet, le gouvernement a allégé les conditions d’attribution de visas aux touristes venus de Chine.

Et de plus en plus d’entreprises japonaises acceptent les capitaux des investisseurs de ce pays, même si certaines se montrent réticentes, inquiètes du respect de la propriété intellectuelle. D’autres redoutent de se retrouver cantonnées à une activité de recherche et développement, les ventes étant prises en charge par leur partenaire chinois.

PRINCIPAL PARTENAIRE

Mais tout cela s’estompe compte tenu de moyens financiers des compagnies chinoises et de la multiplication des accords passés. Le fabricant de pièces détachées pour cellules photovoltaïques Evatech, basé à Kyoto, a privilégié un partenaire chinois pour se sortir des difficultés. Au bord de la faillite début 2010, le groupe a bénéficié d’un investissement de 4,5 milliards de yens (52,2 millions d’euros) d’A-Power Energy, groupe de Shenyang. A-Power Energy a été préféré à un concurrent japonais, qui ne voulait investir que 500 millions de yens (5,8 millions d’euros).

A plus grande échelle, le géant chinois du solaire Suntech a fait son entrée sur le marché japonais en février 2009, en partenariat avec le distributeur Yamada Denki. Les magasins de l’électronique grand public Laox ont été repris par Suning Appliance et le géant du prêt-à-porter Renown par Shandong Ruyi. Le PDG de Renown Minoru Kitabatake y voit un bon moyen "d’accélérer son développement à l’étranger".

Car si les Chinois investissent pour accéder à des technologies de pointe et bénéficier de la bonne image des groupes de l’Archipel, les Japonais, eux, tablent sur leurs nouveaux partenaires pour se faire une place en Chine.

Au total, a calculé l’institut de recherche économique Teikoku, 611 entreprises chinoises ont investi dans des groupes japonais ces dernières années.

De quoi conforter la place de la Chine comme principal partenaire commercial du Japon. Mais également menacer ce qu’il lui reste pour conserver une suprématie régionale, à savoir, estime Claude Meyer, "son avance technologique, et son rôle pivot dans le circuit intégré des économies asiatiques, ses grands groupes, et son réseau financier".

Brice Pedroletti (à Pékin) et Philippe Mesmer (à Tokyo)

La Chine fait « un grand bond » en Afrique

Si tout le monde est convaincu que la Chine cherche à étendre son influence sur tous les continents, c’est cependant en Afrique que son offensive est plus massive notamment au plan économique. Mais pour Pékin, il n’y a pas que le domaine économique, il y a aussi le militaire et le géostratégique pour asseoir et préserver ses intérêts impérialistes globaux. En effet, la Chine arme des régimes et vend des armes à de nombreux clients du continent. Dès le début des années 1990/2000, fortement marquées par les massacres en masse et le chaos sanglant dans les principales régions du continent, on savait que Pékin était le fournisseur militaire (souvent masqué) de nombreux pays, notamment dans les Grands Lacs. Ainsi par exemple, les armes chinoises ont servi à commettre les horribles atrocités débouchant sur des millions de victimes en RDC.

En effet, étant devenue pratiquement une grande puissance comme les autres, la Chine brigue désormais le rôle de gangster n°1 en Afrique et, de fait, l’impérialisme chinois est en train de repousser certains de ses concurrents hors de leurs positions traditionnelles. Dans cette optique, il va de soi que la France est pleinement dans le collimateur de la Chine. La « Chinafrique » tend à supplanter la « Françafrique »

La Chine a investi dans presque tous les pays du continent africain en mobilisant tous les moyens pour y garder des positions fortes au point d’évincer de fait la France dans un bon nombre de pays appartenant à l’ancien pré-carré de Paris. Comment la Chine s’y prend-elle, avec quelles méthodes ? Prenons un seul exemple qui résume et illustre la force de frappe de la Chine : dans le BTP, les Chinois défient tous leurs concurrents en affichant des prix de 30 à 50 % inférieurs à ceux proposés par les Français. Cela veut dire que certains grands groupes français, comme Bouygues, sont directement menacés par le rapace chinois partout où ils sont implantés ou cherchent à le faire. Du coup, certaines entreprises françaises tentent désespérément de se replier dans d’autres pays africains se situant en dehors de l’ancien bastion colonial de la France (comme l’Afrique du Sud ou l’Angola), où évidemment la concurrence n’est pas moins rude pour autant. De toutes les façons, la Chine utilise grosso modo la même arme des « prix bas » dans tous les autres domaines commerciaux, armement compris. Pour tout dire, la menace chinoise à l’encontre de la France est globale.

L’impérialisme français perd du terrain quasiment partout dans son ancien bastion colonial, aussi bien économiquement que politiquement. D’ailleurs, symboliquement, il est hautement significatif de voir la Chine « draguer » ouvertement la Côte d’Ivoire, ancienne « vitrine », ou « fleuron économique » d’antan de la France en Afrique. En effet, non seulement les grands groupes français sont menacés par l‘offensive chinoise, mais au niveau de l’État, le président ivoirien Gbagbo lui-même est très courtisé par Pékin qui le « protège » à l’ONU contre des sanctions et qui, un moment, a pu lui assurer ses fins de mois afin de payer les salaires des fonctionnaires, chose que Paris ne fait plus. L’autre acte symbolique fort, c’est quand Pékin se met à organiser, lui aussi, ses propres « sommets Chine-Afrique ». Voilà une autre réplique chinoise qui a tout son sens à destination de l’ancienne puissance gaullienne.

Par ailleurs, si la France devait évacuer ses bases militaires en Afrique (son principal atout), comme l’a annoncé le président Sarkozy, la Chine serait, sans aucun doute, très heureuse de l’évincer définitivement du continent.

Les manifestations concrètes de la volonté de la Chine de jouer les premiers rôles dans l’arène impérialiste ne font que débuter et ses principaux rivaux ne manqueront pas une occasion de réagir à la hauteur des enjeux posés par les ambitions chinoises. Autant dire qu’aucun discours de paix et d’entente entre les nations ne pourra suffire à masquer cette réalité, synonyme de désolation et de destructions matérielles et humaines.

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Messages

  • Le président chinois a terminé samedi 23 janvier une tournée de cinq jours au Moyen-Orient. Xi Jinping est successivement passé par l’Arabie saoudite, l’Egypte, pour clore son voyage par l’Iran. De nombreux contrats et partenariats stratégiques ont été signés. Mais surtout la Chine, loin de se retrouver isolée dans un environnement mondial de plus en plus violent et guerrier, est à la tête d’un groupe de nations...

  • Le FMI a annoncé ce samedi que la devise chinoise serait intégrée au club très prisé des monnaies de réserves mondiales.

    Il s’agit d’un grand bond pour la République Populaire de Chine. Ce samedi, le Fond monétaire international (FMI) a annoncé que la devise de l’Empire du milieu faisait son entrée dans le panier des grandes monnaies de référence, aux côtés du dollar et de l’euro. Une victoire économique importante, qui vient couronner les années d’effort de Pékin pour ouvrir son marché à la mondialisation économique.

    "C’est une étape historique" pour la Chine, a affirmé la directrice générale du FMI Christine Lagarde, ajoutant que cette décision allait accélérer "l’intégration de l’économie chinoise dans le système financier et monétaire international". Depuis qu’elle a accédé au rang de deuxième puissance économique mondiale, la Chine redouble d’effort pour faire de son yuan une véritable monnaie de réserve internationale. Cette transition a été facilitée avant tout par l’ouverture progressive mais inexorable de son économie sur le monde -une politique amorcée à la fin des années 70 par le vice-premier ministre de l’époque, Deng Xiaoping.

  • Profitant de la volonté de protectionnisme américain exprimé par l’élection de Trump, la Chine vole le leadership mondial par ses déclarations internationales !

    Le président chinois Xi Jinping a lancé mercredi un appel à un monde multilatéral, débarrassé des armes nucléaires et respectueux des droits de chaque nation, dans un discours fleuve au siège de l’ONU à Genève.

    "Les armes nucléaires devraient être totalement interdites et détruites afin de construire un monde sans armes nucléaires", a-t-il dit dans un long discours de plus de 45 minutes prononcé devant un parterre de quelque 800 invités, dont le nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

    La veille déjà, au Forum économique de Davos, le numéro un chinois s’était prononcé en faveur du "développement du libre-échange" et avait appelé à "dire non au protectionnisme".

    La présence historique du chef de l’Etat chinois à Davos et sa tournée en Suisse ont été interprétés par certains experts comme une volonté de la Chine de s’emparer du leadership mondial au moment où les Etats-Unis traversent une période d’incertitude avec l’arrivée au pouvoir du nouveau président Donald Trump.

    Mais le président chinois s’est bien gardé dans son discours devant l’ONU de montrer les muscles.

    La Chine, a-t-il affirmé, "ne cherchera jamais à s’étendre ou à se construire une sphère d’influence", en référence aux accusations formulées par certains de ses voisins qui s’inquiètent des visées maritimes de Pékin en mer de Chine du Sud notamment.

    Très fort, face à des USA qui font et disent tout le contraire !!!

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