Accueil > 16- EDITORIAUX DE LA VOIX DES TRAVAILLEURS > Editorial - Ce n’est pas Sarkozy qui nous a battus : c’est l’Intersyndicale !

Editorial - Ce n’est pas Sarkozy qui nous a battus : c’est l’Intersyndicale !

vendredi 29 octobre 2010, par Robert Paris

Editorial - Ce n’est pas Sarkozy qui nous a battus : c’est l’Intersyndicale !

Quelle différence y a-t-il entre un appel intersyndical à sept journées d’action séparées et une classe ouvrière s’attaquant à la classe dirigeante par sept jours de grève générale d’affilée ? Quelle différence y a-t-il entre des grèves localisées qui ne sont unies que lors de "journées" et un mouvement qui s’étend, gagne de nouveaux secteurs par l’action des travailleurs eux-mêmes ?

Quelle différence y a-t-il entre des syndicats qui admettent "la nécessité d’une réforme" et contestent seulement le manque de négociation et des organisations qui préparent le combat contre le capital ? Quelle différence y a-t-il entre une cheminée et une tuyère d’avion ? La première ne fait que lâcher la vapeur de la combustion et la deuxième la propulse. Les syndicats n’ont organisé que des lâchers de vapeur de la colère sociale. Ceux-ci ne risquaient pas de propulser bien loin la lutte sociale ! Ils ne risquaient pas de répandre la peur chez nos ennemis de la grande bourgeoisie.

La force des travailleurs ne consiste pas en des promenades sur les boulevards, même répétées... Car, à chaque fois, on rentre chez soi et on laisse retomber la lutte. On laisse isolés ceux qui continuent la grève. On laisse isolés la lutte des travailleurs des entreprises qui ferment ou licencient. On laisse isolée la lutte des ports. On laisse isolée la lutte de l’hôpital Tenon que les syndicats ne veulent pas élargir à l’ensemble de la Santé. On laisse isolée la lutte des terminaux pétroliers. On clame la solidarité des travailleurs autour d’eux mais on les abandonne à eux-mêmes, sous prétexte de décision démocratiques des assemblées générales.

La force des travailleurs n’est pas seulement de bloquer, ici ou là, un dépôt pétrolier ou même une usine. La force des travailleurs, c’est de se réunir sur leurs lieux de travail, par delà les professions, les sites, les entreprises, les catégories et de décider ensemble...

Mais, dans ce mouvement, ce ne sont pas les assemblées générales qui ont pris les décisions : c’est l’Intersyndicale. C’est elle qui a choisi des journées sans grève. C’est elle qui, dès le début, a choisi de ne pas appeler à la grève générale sous prétexte de ne pas rompre le front uni des centrales. En réalité, parce que ces directions syndicales ne sont pas une direction de combat des travailleurs !

Bien entendu, la plupart des militants syndicalistes ont pesté contre les limites que leurs centrales mettaient au mouvement. Mais il ne suffit pas de maugréer. Il faut que la classe ouvrière décide elle même. Il faut que les militants syndicalistes qui le souhaitent cessent de défendre "leur" centrale car elle ne les défend pas.

Aujourd’hui, après avoir crié victoire après chaque "mobilisation", elles sont satisfaites que le MEDEF et la CFDT unis une fois de plus, leur proposent de négocier : méchant Sarkozy mais gentil patronat ! La montagne a accouché d’une souris !!! Pas question bien entendu de remettre en question la nouvelle loi. Non, elles vont accepter de jouer à nouveau au jeu de la négociation, de la conciliation, de l’accord patronat/syndicats/gouvernement. Car c’est ainsi qu’elles entendent leur rôle.

Mais la crise du système est là et il n’y a rien à négocier. Les classes dirigeantes n’ont pas le choix. Tout le poids des sacrifices doit retomber sur les travailleurs. Les centrales syndicales peuvent tout au plus accompagner le mouvement (en marche arrière) en remerciant au passage d’y être associés...

Car ce n’est pas fini. L’attaque sur les retraites ouvre la voix à d’autres : sur les emplois publics, sur les contrats de travail, sur les salaires, sur le chômage... Et nous, travailleurs, n’avons pas d’autre choix : mener la lutte des classes ou nous y faire battre. Négocier, c’est céder et c’est accepter les sacrifices.

L’attaque ne fait que commencer. Nous avons perdu une bataille, nous n’avons pas perdu la guerre. C’est la guerre de classe que la bourgeoisie nous déclare et nous avons encore tous les moyens de la mener. Et pas de faire semblant comme le font "nos" dirigeants.
Ce combat biaisé, saucissonné, étalé, dilué devrait nous avoir appris une chose : il faut nous organiser.

Il faut non seulement des assemblées générales souveraines mais qui prennent réellement les décisions. ce n’est pas à l’Intersyndicale de décider si on vote ou non à bulletins secrets, par exemple ! C’est à nous de définir les objectifs du mouvement et pas aux directions des centrales. Il faut que les décisions locales soient relayées centralement. les centrales ne l’ont jamais fait et ne le feront jamais. Elles ne représentent pas la dynamique de la lutte. Il faut que les assemblées locales choisissent des délégués et se centralisent pour que la lutte prenne véritablement un caractère de classe. C’est à ce prix que les classes dirigeantes verront vraiment ce qu’est notre force et que nous la mesurerons y compris nous-mêmes.

La bourgeoisie est organisée. Elle dispose, en plus d’un Etat à sa solde, de quantités de formes de décision et de réunions où elle discute de ses intérêts. En période de crise, une classe ouvrière qui ne s’organise pas est une classe qui sera écrasée. A nous de choisir !
Personne ne doit décider à notre place !

Leur « unité syndicale » n’est pas le front des travailleurs en lutte

Dans le mouvement des retraites, l’unité syndicale a servi d’argument contre... le front des travailleurs, leur organisation sur des objectifs de classe et l’extension du mouvement. Bien des travailleurs ont pensé que la force du mouvement résidait dans l’unité syndicale. Loin d’être une force, cette « unité » a été déterminante pour battre les travailleurs tout en sauvegardant le crédit des centrales syndicales et du PS, pourtant nullement décidés à mener véritablement le combat...

La lutte a été menée (jusqu’à la défaite) par l’Intersyndicale, unissant de manière inattendue des centrales qui roulent pour des intérêts de boutique concurrents, qui n’ont aucune vision commune et encore moins d’accord sur la question des retraites... Certains syndicats de l’Intersyndicale sont carrément pour des retraites privées par capitalisation, pour l’augmentation de la durée des années de travail, pour l’augmentation du nombre de trimestres cotisés et on en passe... Ces directions qui n’étaient d’accord sur rien concernant les retraites (revendications, enjeux, objectifs) n’ont montré qu’une unité de façade puisque la plupart des syndicats locaux CGC ou CFTC et parfois CFDT n’appelaient ni à la grève, ni à la manifestation dans de nombreux secteurs.

L’Intersyndicale n’a cessé de lancer des messages démobilisateurs : il ne fallait pas que le mouvement soit trop coûteux pour les salariés, il suffisait de manifester les samedis sans faire grève plutôt que de se mettre mal avec son patron, que de risquer son emploi, les blocages suffiraient à faire reculer le gouvernement ou bien les cheminots préféraient des grèves de 59 minutes ou encore la jeunesse allait prendre le relais des travailleurs ou le manque d’essence allait faire plier Sarkozy sans appel à l’ensemble de la classe ouvrière...

Ainsi, on retardait, on temporisait, on décommandait l’action… Mais il fallait faire croire aux plus combatifs que l’on ne perdait pas de vue l’idée de la généralisation. « Plus l’intransigeance dominera, plus l’idée de grèves reconductibles gagnera du terrain », tonnait Bernard Thibaut, le 10 septembre, dans « Le Monde ». Mais, le 5 octobre, le même déclarait à l’AFP : « Personne ne peut prétendre faire participer sous la même forme plusieurs dizaines de millions de personnes, de la signature d’une pétition à la participation à une multitude d’initiatives locales, voire aux manifestations lors des journées
interprofessionnelles. Qui dit mouvement social dit de multiples formes pour y participer ». Et le 7 octobre sur RTL : "Cela (la grève générale) n’a jamais été pratiqué dans l’histoire sociale de notre pays (...) C’est un slogan pour moi tout à fait abstrait, abscons. Cela ne correspond pas aux pratiques par lesquelles on parvient à élever le niveau du rapport de forces." Le prétexte était de laisser les travailleurs et les syndicats décider localement. Mais, dans la plupart des entreprises, il n’y a jamais eu une assemblée générale pour en discuter.

Et les centrales ont tout fait pour ne pas unir la lutte avec celle des entreprises qui licencient, des ports, des éboueurs, des raffineries ou de l’hôpital Tenon...L’unité de l’intersyndicale s’est faite contre les risques de la radicalisation comme l’explique la CFDT : « La CFDT et l’intersyndicale n’ont jamais prôné de grève reconductible. (…) Le risque d’embrasement est réel sans que les organisations syndicales ne maîtrisent le système. (…) L’absence de dialogue risque de former un jour des positions jusqu’auboutistes. » La CGC déclarait : "Il n’y a pas, d’un côté, les patrons employeurs et, de l’autre les salariés victimes. Il y a une société en marche pour laquelle chacun a un rôle qui concerne l’intérêt général." Ces centrales ont été capables de proposer des journées d’action jusqu’à épuisement des participants, sans que les plus droitières ne ressentent le risque d’être accusées de radicalisme. Car ce mode d’action visait à "s’exprimer", mais pas à engager la lutte contre le patronat et le gouvernement. Les centrales risquaient d’autant moins d’être accusée d’irresponsabilité que les classes dirigeantes savaient que, sans ce cadre étouffant de l’Intersyndicale, il y avait des risques sociaux réels de la part de travailleurs en colère...La CFDT déclare le 6 novembre : « Il nous importe de rester populaires et de conserver notre image de syndicalistes responsables ». Responsables, oui vis-à-vis de la bourgeoisie, pas des travailleurs !

L’unité du front prolétarien nécessite que les travailleurs soient organisés au sein de comités de lutte et que ces comités soient reliés et décident ensemble de l’avenir de la lutte et ensuite de l’avenir de la société. La véritable unité des travailleurs nécessite une lutte de classe sans compromission ni négociation avec la grande bourgeoisie et une perspective d’avenir : bâtir une société débarrassée de l’exploitation.

Messages

  • Il est encore temps de monter une coordination qui, elle, ne trahira pas, puisque c’est la base qui aura le pouvoir.

    Pour cela, que chaque entreprise publique ou privée en grève élise des délégués. Que les délégués des diverses entreprises en grève d’une même ville se réunissent chaque jour.

    Dans ces réunions, les délégués exprimeront ce que leur AG aura décidé. ETC.

    Chaque coordination de ville élira des délégués pour la coordination nationale. La coordination nationale lancera un appel à la grève générale illimitée.

    Ainsi, les grands chefs syndicaux, on n’aura plus besoin d’eux, et ils n’auront plus l’occasion de trahir.

    Autre avantage d’une coordination : les non-syndiqués, c’est-à-dire les plus nombreux, seront eux-aussi représentés, et se sentiront donc eux aussi tout à fait concernés. Tandis qu’ avec une intersyndicale ne représentant que la petite minorité de syndiqués, les non-syndiqués se sentent bien moins concernés.

    Plus de précisions sur ce qu’est une coordination ici :

    http://mai68.org/spip/spip.php?article1081

  • "L’émancipation des ouvriers ne peut être l’oeuvre que des ouvriers eux-mêmes. Il n’y a donc pas de plus grand crime que de tromper les masses, de faire passer des défaites pour des victoires."

    Léon trotsky dans "Leur moral et la nôtre"

  • « ... Nous ici on attend, on est la force d’appoint et ça fait 20 ans, 30 ans qu’on fait la troupe. On forme des cortèges, on défile dans les rues, les mains vides, la bouche pleine de slogans (...) On nous fait gueuler un grand coup, ça décontracte les mecs, tout le monde rentre chez soi, respire, puis tu vois, c’est comme une marmite (...) En haut, à l’état-major [de la CGT], ils continuent à mastiquer les mêmes mots ou les mêmes slogans, nos traitements, nos pensions, nos retraites ».

    Déclaration d’un ouvrier en mai 68 reproduite dans l’ouvrage de Xavier Vigna

  • Chérèque a assuré être "dans un mouvement durable" de contestation de la réforme, qui est "en train de gagner le soutien populaire", et prévoit "autour de 2 millions de manifestants pour obtenir de nouvelles ouvertures" du gouvernement. Interrogé la veille sur Europe 1, l’autre bonze de la CGT Bernard Thibault a lui affirmé que "dans certaines entreprises", la question d’une grève reconductible "va se poser dès les prochains jours", alors que certains syndicats ont évoqué publiquement cette forme d’action chez Total, Arkéma ou à la SNCF. Il a dit s’attendre à "beaucoup de monde" jeudi, mais pas trop. L’intersyndicale doit se réunir vendredi pour décider des suites à donner au mouvement (on en tremble à Neuilly-Passy). Plus près du porte-monnaie des grévistes, la CFDT a ressorti cette vieillerie de manif gratos le week-end, de même que l’Unsa. La FSU, surtout présente chez les fonctionnaires, a pronostiqué sans frais "la poursuite de la grève", Solidaires (syndicats SUD et autres) appelle de ses voeux des grèves reconductibles couplées à des manifestations de masse le week-end ; la reconduction n’aura pas lieu et les masses piquent niquent le weekend. FO privilégie sans honte de son côté une nouvelle grande journée de grève nationale, après avoir déclaré deux jours avant que cette série de JA depuis le début de l’année ne ressemblait à rien.

  • Les syndicats qui ont une vie bureaucratique et légale propre, n’ont besoin de la classe ouvrière que comme élément docile de manœuvre, et, précisément, dans le but de se pousser en tant qu’institution légale de la société où nous vivons. Syndicats et masses prolétaires ont une vie quotidienne et des mobiles entièrement différents et tout travail « tactique » intérieur, même guidé par les intentions les plus pures, entravera l’activité et la vie propres des exploités, en détruisant leur élan combatif et en leur barrant le chemin de la révolution » ;

    GRANDIZIO MUNIS

  • Les syndicats qui ont une vie bureaucratique et légale propre, n’ont besoin de la classe ouvrière que comme élément docile de manœuvre, et, précisément, dans le but de se pousser en tant qu’institution légale de la société où nous vivons. Syndicats et masses prolétaires ont une vie quotidienne et des mobiles entièrement différents et tout travail « tactique » intérieur, même guidé par les intentions les plus pures, entravera l’activité et la vie propres des exploités, en détruisant leur élan combatif et en leur barrant le chemin de la révolution » ;

    GRANDIZIO MUNIS

  • Et une trahison de plus ! La mobilisation générale, plus que jamais nécessaire !

    Le gouvernement en rêvait, François Chérèque l’a fait : trouver une sortie au conflit social, avec gouvernement et Medef gagnants, et sans aucune réelle contrepartie !

    Il fallait oser. Contre une très large majorité des militants décidés à poursuivre jusqu’au retrait du texte et une population largement favorable au mouvement.

    Pas étonnant que le Medef et le gouvernement se soient empressés de sauter sur l’ouverture ! En ce moment tout est bon à prendre pour casser le mouvement !

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.