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Editorial 3-12-2010 - Pourquoi cette société d’exploitation tient à continuer de faire subir des violences aux femmes ?

jeudi 2 décembre 2010, par Robert Paris

Marilyn French écrit : "Selon une croyance largement répandue, l’humanité est passée d’un état de ’sauvagerie’ où les hommes des cavernes traînaient les femmes par les cheveux à une « civilisation » où ils leur ouvrent galamment les portes. En réalité, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Guerre religieuse relayée par les États avec pratique de la mutilation génitale, de l’infanticide des filles ; exploitation dégradante dans la publicité, le langage et les arts ; agressions contre le corps des femmes dans la vie quotidienne ... La longue guerre des hommes contre les femmes prend aujourd’hui une férocité et une ampleur sans précédent. Face à cette situation, les femmes exigent d’être traitées comme des êtres humains possédant des droits. Elles réclament que les hommes ne puissent plus se sentir libres de les frapper, de les violer, de les mutiler et de les tuer en toute impunité."

"J’écris pour les femmes humiliées, torturées, et comme les paroles douces sont restées jusqu’ici sans effet, j’ai choisi le parti de la mauvaise langue...
Le doute et la peur sont les pires ennemis des femmes. Le doute enchaîne leurs pieds et la peur envahit leurs cerveaux.
Femmes, libérez-vous des morsures de la peur pour vous tenir debout, droites et fières, non comme des lianes agrippées et dépendantes mais comme de grands arbres aux racines solides."

Taslima Nasreen

La journée internationale contre les violences faites aux femmes du 25 novembre est passée, et elle a été fertile en discours moralisateurs... comme chaque année et cela devrait continuer car ces violences, loin de disparaitre, se multiplient.

Et c’est loin d’être une réalité qui concerne les seuls pays pauvres. Les violences faites aux femmes ont même augmenté de 15% en deux ans en France ! Et elles sont loin d’être souvent déclarées et poursuivies. 654.000 femmes ont déclaré en France avoir subi des violences, physiques ou sexuelles l’an dernier. Chaque jour, 1800 femmes sont donc violentées, un chiffre en hausse de 15% sur deux ans selon l’Insee. Les experts parlent pudiquement d’une hausse "significative". Les agressions sexuelles explosent. Leur nombre a bondi de 45% en seulement deux ans. 200 viols sont commis chaque jour pour un total de 75 000 par an. Un femme meurt tous les deux jours et demi en France sous les coups de son conjoint... Et cela dans un pays riche, dit démocratique, avec un "état de droit". Mais toutes les femmes qui ont subi des violences ont reconnu n’avoir ressenti aucun soutien réel de la part de cet Etat et seulement des solidarités de la part de la population éventuellement...

Quant aux inégalités entre hommes et femmes, elles sont loin de diminuer... la crise aggravant les différences ! Les femmes représentent près de la moitié des travailleurs en France. Mais elles ont des salaires 25% inférieures... Bien des femmes seules tombent dans la misère si elles doivent élever des enfants. La crise et son cortège de sacrifices frappe particulièrement les femmes. Dans un pays comme la France, une simple chute de neige a suffi pour obliger quinze femmes à accoucher à la maison vues les insuffisances en maternité et en transports ambulanciers...

La France n’est pas un cas particulier. Le sort des femmes s’aggrave partout dans le monde, malgré des années de discours moralisateur prétendument censé améliorer les mœurs....

Les discours officiels laisseraient entendre que les gouvernants et les classes dirigeantes souhaitent combattre les violences faites aux femmes. Mensonge ! Ce sont eux qui favorisent depuis des lustres la tendance de la société à se fonder sur l’oppression de la femme. Et ce n’est pas un hasard : cette oppression a considérablement stabilisé la société de classe. Et ce n’est pas aujourd’hui, alors que le capitalisme est ébranlé, que ces classes dirigeantes vont abandonner cette méthode si profitable...

Bien sûr, souvent les femmes sont victimes de violences domestiques et même conjugales mais, quand ces violence se chiffrent en dizaines de millions de femmes battues, ce ne sont plus des cas particuliers : c’est le produit d’une société et des classes qui la dirigent...

Ce ne sont pas seulement "les hommes" qui sont à accuser mais ceux qui mettent en place cet ordre social.

Il est faux de prétendre que les mentalités et la culture des peuples sont la cause. Qui peut croire qu’on laisserait quelqu’un attaquer une banque sous le prétexte que ce serait dans sa mentalité ou sa culture ?

Pour la mille et unième fois, les violences faites aux femmes n’ont rien à voir avec des mauvaises pratiques qui dévieraient du comportement social collectif. Au contraire, elles appartiennent à ce comportement collectif voulu par les classes dirigeantes, nationales comme internationales.

Faire croire que c’est un lent progrès est tout aussi mensonger. Bien des fois la cause des femmes a fait un bon en avant. A chaque fois, c’était lié à l’état de la lutte des classes. Soit parce que la lutte des travailleurs et des peuples imposait ce bon en avant. Soit parce que les classes dirigeantes estimaient qu’il valait mieux améliorer la situation des femmes vu la situation explosive.

L’oppression de la femme, ce n’est pas autrefois ni ailleurs : c’est maintenant et chez nous !

En France, il est de bon ton de prétendre que l’oppression des femmes serait un produit des traditions arabo-musulmanes... Il est bien vrai que ce que l’on appelle à tort des traditions sert à opprimer les femmes. Il est bien vrai que les religions du Moyen-Orient, dont la religion chrétienne et juive, n’ont fait qu’affirmer l’infériorité de la femme. Du "Je te remercie mon dieu de ne pas m’avoir fait femme" que l’homme juif dit comme prière à son lever à "la femme née d’une côte de l’homme" et "présentant la pomme à Adam" suite de quoi l’homme est chassé du paradis terrestre....

La religion musulmane n’est en rien différente sur ce point des religions occidentales ou asiatiques. Dans toutes, les femmes sont impures et de simples instruments. Toutes ces idéologies d’un autre âge sont des chaînes pour les femmes et .... les hommes !

Et la source de cette oppression n’est pas à chercher dans des traditions culturelles très anciennes mais dans une société d’oppression bien actuelle : le capitalisme. C’est lui qui a bien besoin des anciennes chaînes pour raffermir les siennes qui faiblissent ...

On nous présente donc les traditions comme la cause de l’oppression des femmes. Certes, le voile est oppressif. Mais d’abord la domination de l’homme soi-disant voulue par un être supérieur est oppression ...

Par contre, ce n’est pas dans des pays musulmans ou africains mais en France, pays très bien organisé administrativement et étatiquement, il existe maintenant un ’Observatoire national de la délinquance" qui délivre chaque année ses statistiques et on apprend ainsi que, dans cette bonne France, bien policée et toute pétrie de bons sentiments, il meurt une femme tous les trois jours, sous les coups de son mari ! 47 573 faits ont été enregistrés en 2008 par la gendarmerie et la police, ce qui constitue une hausse de plus de 30 % par rapport à 2004 (36 231), Sans parler des formes d’oppression liées à la prostitution et à la pornographie avec des violences filmées qui inondent le monde moderne sans émouvoir aucune de ces fameuses autorités qui défendent les "droits de l’homme" et, théoriquement de la femme.

Quant aux femmes d’Asie, d’Afrique, d’Amérique (du nord comme du sud), elles subissent elles aussi les avanies multiples. Vitriolées, violées, brûlées, abandonnées ou répudiées sans que les puissants s’en émeuvent car leur domination s’appuie sur cette division et cette oppression.

Femmes opprimées, travailleurs, jeunes révoltés, votre combat est une seule et même lutte pour en finir avec toute forme d’exploitation et de sujétion !!!

Mais, n’oublions jamais que les femmes ne sont pas seulement des victimes : quand les femmes se révoltent, aucun ordre social n’est capable de résister. Souvenez-vous des femmes de la révolution française, des femmes de la Commune de Paris, des femmes qui ont débuté la révolution en février 1917 en Russie et des femmes de la révolution ouvrière d’Espagne en 1936 ou des femmes qui ont pris d’assaut la présidence du Mali, faisant chuter Moussa Traore en 1991, pour ne citer que celles-là.

N’oublions pas que, lorsque les femmes se révoltent, elles ne posent pas seulement la question des femmes mais toute la question sociale : elles s’attaquent à l’ordre établi !

« La femme qui casse les briques »

La femme casse les briques assise sur un trottoir,
La femme au sari rouge casse les briques,
Sous le soleil brûlant,
La femme couleur de bronze casse les briques.
A vingt et un ans, elle en paraît plus de quarante,
Et sept enfants l’attendent là-bas, à la maison.
La femme casse les briques toute la journée,
En échange de quoi elle recevra dix takas, pas un de plus.
Dix takas ne suffisent pas à la nourrir, ni elle ni les sept autres.
Pourtant, jour après jour, la femme casse les briques.
L’homme assis près d’elle casse aussi les briques,
Abrité sous une ombrelle.
Il touche vingt takas par jour,
Vingt par jour parce que c’est un homme.
La femme a un rêve, elle rêve d’avoir une ombrelle.
Un autre de ses rêves serait, par un beau matin,
De devenir un homme.
Vingt pour les hommes, le double pour les hommes.
Elle attend que son rêve se réalise, mais rien ne la fait
Devenir un homme,
Rien ne lui fait avoir une ombrelle,
Pas même une ombrelle déglinguée.
On construit de nouvelles routes et d’immenses tours avec les briques qu’elle a casées, mais le toit de sa maison s’est envolé avec la tempête l’an dernier, depuis l’eau goutte à travers une tenture, elle meurt d’envie d’acheter un toit en tôle,
Alors elle hurle dans tout le voisinage,
Les gens s’esclaffent, oh la la, disent qu’il lui faudrait
De l’huile pour les cheveux, de la poudre pour le visage.
Les sept enfants doivent être nourris,
La peau de la femme s’assombrit de jour en jour,
Ses doigts deviennent durs comme des briques,
La femme elle-même devient une brique.
Plus dur que les briques, le marteau peut casser une brique mais ne peut pas casser la femme.
Rien, ni la chaleur, ni le ventre vide, ni le regret de ne pas voir un toit en tôle,
Rien ne peut la briser.

Voilà une *****


Regardez, voilà une *****.
Le corps d’une ***** est en tout point semblable
À celui d’un être humain.
Elle a le même genre de nez, d’yeux, de lèvres,
De mains et de doigts.
Elle marche comme un être humain,
S’habille comme un être humain,
Sourit, pleure et parle de la même façon.
Pourtant, on ne la qualifie pas d’être humain.
On la traite de *****.
La ***** est toujours une femme, jamais un homme.

Les fréquentations et les relations
Qui font d’une femme une *****
Ne font jamais une ***** d’aucun homme ;
Il reste un homme comme avant.
La ***** n’est pas un mâle.
Elle est semblable à un être humain
Sans en être un vraiment,
Elle n’est rien de plus qu’une femelle.

Regardez, voilà une *****.
Les hommes la montrent du doigt.
Les hommes la regardent et la montrent du doigt.

Taslima Nasreen, « Femmes, poèmes d’amour et de combat »

Messages

  • La longue guerre des hommes contre les femmes prend aujourd’hui une férocité et une ampleur sans précédent.

  • Editorial 3-12-2010 - Pourquoi cette société d’exploitation tient à continuer de faire subir des violences aux femmes ?

    Marilyn French écrit : "Selon une croyance largement répandue, l’humanité est passée d’un état de ’sauvagerie’ où les hommes des cavernes traînaient les femmes par les cheveux à une « civilisation » où ils leur ouvrent galamment les portes. En réalité, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit. Guerre religieuse relayée par les États avec pratique de la mutilation génitale, de l’infanticide des filles ; exploitation dégradante dans la publicité, le langage et les arts ; agressions contre le corps des femmes dans la vie quotidienne ... La longue guerre des hommes contre les femmes prend aujourd’hui une férocité et une ampleur sans précédent. Face à cette situation, les femmes exigent d’être traitées comme des êtres humains possédant des droits. Elles réclament que les hommes ne puissent plus se sentir libres de les frapper, de les violer, de les mutiler et de les tuer en toute impunité."

    "J’écris pour les femmes humiliées, torturées, et comme les paroles douces sont restées jusqu’ici sans effet, j’ai choisi le parti de la mauvaise langue... Le doute et la peur sont les pires ennemis des femmes. Le doute enchaîne leurs pieds et la peur envahit leurs cerveaux. Femmes, libérez-vous des morsures de la peur pour vous tenir debout, droites et fières, non comme des lianes agrippées et dépendantes mais comme de grands arbres aux racines solides."

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