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Luttes et oppression en Turquie

jeudi 31 janvier 2008, par Robert Paris

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Un siècle de guerres, d’oppressions et de luttes de classes en Turquie

Article de Culture et révolution :

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En un siècle, l’empire ottoman est passé de l’appellation de « Sublime Porte » à celle d’« l’homme malade de l’Europe », pour ensuite devenir un nouveau pays, la Turquie, qui s’apprête aujourd’hui à entrer dans l’Union européenne, avec des groupes industriels et un marché qui ne cessent de s’adapter au monde capitaliste. C’est une défaite pour la classe ouvrière de ce pays, et un signe de plus du dynamisme de la bourgeoisie mondiale.

Car la Turquie capitaliste actuelle a pourtant suivi, au début du vingtième siècle, un développement politique moderniste et indépendant, qui a même suscité la curiosité des bolcheviques et l’espoir dans la région pour des millions de femmes et de progressistes. Aujourd’hui, le pays est décidément bien intégré au monde impérialiste : il a même son gouvernement à tonalité islamiste. Certes, la Turquie n’est pas encore dans l’UE, et ce sujet fait débat, y compris dans les rangs ouvriers d’Europe. Mais la classe dirigeante turque a bien cet objectif, qui est le passage idéal pour s’intégrer à la mondialisation capitaliste. Le prix de cette intégration, c’est la classe ouvrière turque qui le paie. Aujourd’hui, c’est par les bas salaires et l’exploitation. Hier, c’était par les bas salaires, l’exploitation et la dictature anti-ouvrière. Hier, aujourd’hui et peut-être demain, c’est par la guerre civile et la haine entre Turcs et Kurdes, arme fomentée par la bourgeoisie pour maintenir la jeunesse de ce pays dans un état de guerre civile pendant des décennies, et pouvoir ainsi maintenir l’oppression en fomentant les divisions au sein des classes populaires, notamment dans les grandes villes.

La fin de l’Empire ottoman
L’Empire ottoman entre dans sa phase de déclin dès le début du XIXème siècle, caractérisé notamment par les sécessions-émancipations de la Grèce, à travers des mouvements insurrectionnels, et de l’Égypte. Mais l’Empire se survit et nombre de sultans procèdent même à des réformes profondes : l’ordre répressif des janissaires est supprimé, l’esclavage des Noirs est aboli, le droit est uniformisé, le costume européen est adopté. L’économie se modernise quelque peu, les finances sont réorganisées à l’occidentale, et en 1866 le pays inaugure sa première ligne de train. Vers 1870, 50 % du commerce de l’empire se fait avec la Grande-Bretagne. La culture française est encouragée chez les élites.

Ainsi, Pierre Loti dans son roman Les Désenchantées montre la vie de femmes turques dans les années 1904-1905, sous le sultanat d’Abdul Hamid Niazi. Ces femmes socialement privilégiées doivent pourtant vivre recluses dans leurs harems de luxe, et, sous la surveillance de zélés et muets serviteurs et gouvernantes, elles lisent des romans français, jouent du piano, écrivent de la littérature et des nocturnes au piano, lisent les philosophes sans avoir le droit de sortir seules. Éprises de liberté et se sentant humiliées par le port du voile, elles trouvent dans le personnage principal, un romancier français attaché à l’ambassade à Stamboul, un confident qui leur reconnaît avoir une âme, quand leurs maris ne les considèrent que comme des poupées.

Cette résistance n’est en fait, sous la plume du turcophile Loti, que l’expression d’une certaine nostalgie du vieil Empire ottoman en déclin. Ce n’est pas cette occidentalisation à la marge qui change grand-chose au destin de l’empire, devenu très intéressant pour les pouvoirs capitalistes européens, qui veulent toujours son démantèlement.

Les guerres balkaniques et la Première Guerre mondiale sont pour eux une bonne occasion. Les peuples de l’ancien empire ottoman aspirent sans doute à l’indépendance nationale, mais il ne semble pas exister en leur sein de fractions désireuses de renverser l’ordre capitaliste, pourtant ouvertement prédateur et fauteur de guerre. Les peuples d’Orient ne suivent pas le grand mouvement ouvrier et paysan russe à la conquête révolutionnaire du socialisme.

La question kurde et le panturquisme : leurs portées et leurs limites dès les origines - le génocide arménien
C’est en fait la question nationale qui donne le ton, et canalise les énergies modernistes voire révolutionnaires, étant de fait le facteur dominant de paralysie du mouvement ouvrier de la région. L’exaltation de la question nationale kurde est en ce domaine le pendant du développement du panturquisme, et tous les deux enserrent les peuples dans des choix exclusifs dans une région où quelle que soit sa nationalité, on ne connaît guère que la misère.

Certes il y a des différences entre les peuples. Les historiens présentent le peuple kurde comme arriérés et soumis à des chefs de tribus aux « moeurs martiales » qui ont valu aux Kurdes pendant très longtemps la réputation de « pillards arriérés », d’« esclavagistes », jouant dans la région le rôle de « Cosaques » (Alexandre Jevakhoff, dans sa biographie de Kemal Atatürk, chez Tallandier, 2001) Avant le XIXème siècle, les Kurdes sont divisés en principautés qui se font la guerre. A partir de 1804, ils s’unifient et se révoltent contre le pouvoir ottoman. Au XIXème siècle, les soulèvements kurdes sont très nombreux, en particulier dans la paysannerie. Mais c’est l’aristocratie religieuse et les chefs de tribus qui dirigent les mouvements. La répression accélère encore leur rapprochement et leur rejet des autorités de la Sublime Porte. Le mouvement nationaliste est inspiré par les idéaux nationalistes-démocratiques venus d’Occident, sans rompre pour autant avec l’Empire ottoman.

Ce dernier est en état de déliquescence avancée, et en son sein apparaît au tournant du siècle un groupe de jeunes officiers désireux de moderniser le pays et de faire une véritable nation turque. La « révolution jeune-turque » de 1908 dirigée par le comité Union et Progrès, et qui parvient à envoyer à la tête du gouvernement du sultan Abdul Hamid Niazi et Enver, deux « Jeunes Turcs », ne cherche pas à créer une fédération de peuples. Si Niazi et Enver, dans la foulée du mouvement, renversent Abdul Hamid, en revanche leur gouvernement se contente d’exalter le chauvinisme turc, qui, en conséquence, exacerbe les séparatismes politiques des minorités nationales.

Lors de la Première Guerre mondiale, la Turquie attaque la Russie. Les Arméniens hésitent entre la neutralité et le camp russe. Lorsque, en avril 1915, la ville de Van, située dans un des endroits clefs du conflit, entre le Caucase russe et Mossoul, décide de créer un gouvernement provisoire arménien les armes à la main, les autorités turques passent à l’offensive dans cette région qui est un peu son ventre mou. C’est le début d’une série de confiscations de biens, d’expulsions et de massacres. Entre 600 000 et 800 000 personnes sur une population estimée à un million et demi périssent. En août 1915, les Arméniens de Cilicie et d’Anatolie occidentale sont à leur tour déportés et persécutés. En un peu plus d’un an, en tout, presque un million d’Arméniens sont exterminés.

Pendant la Première Guerre mondiale, les dirigeants kurdes se montrent loyaux envers le sultan-calife de Constantinople et participent même, sous la direction des autorités turques, au massacre du peuple arménien en 1915. Loin de s’appuyer sur les revendications des classes pauvres, les dirigeants kurdes se tournent ensuite favorablement vers les Anglais, qu’ils accueillent comme des libérateurs à la fin de la Première Guerre.

Au lendemain de la Première guerre mondiale, la révolution kémaliste ou le refus du communisme
Toute l’Europe veut, en 1919, sa part de dépouilles de « l’homme malade ». Français, Anglais, Russes, Grecs occupent l’Anatolie. C’est alors qu’un jeune général, Mustapha Kémal, s’opposant à la politique impériale de démission face aux appétits colonialistes des Occidentaux et s’affirmant pour l’intégrité du territoire peuplé majoritairement de Turcs, décide de rassembler les derniers soldats de l’armée en déroute, de rompre avec le sultanat et de libérer le territoire. L’opération militaire devient vite un mouvement politique national qui regroupe de plus en plus de volontaires pour la lutte armée. Mais la libération dont il sera question n’a pas pour but de donner tout le pouvoir aux paysans et aux ouvriers, comme c’est le cas dans la Russie soviétique voisine. Lénine voit bien les limites des événements de Turquie, mais constate que c’est bien une révolution contre l’ancien régime ottoman qui est en train de se dérouler. Aussi déclarera-t-il à l’ambassadeur soviétique à Ankara : « Bien sûr, Mustapha Kémal Pacha n’est pas un socialiste, mais apparemment un bon organisateur, un chef militaire talentueux, il conduit une révolution bourgeoise, c’est un homme de progrès et un chef d’État intelligent. Il a compris le sens de notre révolution socialiste et se comporte favorablement à l’égard de la Russie socialiste... Il faut l’aider, c’est-à-dire aider le peuple russe. »

Pour bien écarter les Turcs d’un tel programme communiste, Kémal oriente son mouvement vers le chauvinisme en montant une opération militaire contre les Kurdes dès 1919, puis contre les Arméniens en 1920. Secrètement, il fait allégeance aux Britanniques, alliance qui ne peut pas durer : les Britanniques s’opposent au renversement du sultan Méhémet VI. Les Occidentaux, pourtant sortis victorieux de la guerre mondiale doivent laisser le terrain, y compris suite à des défaites militaires, pour la France et surtout pour la Grèce (en 1921 et 1922).

En 1923, Kémal abolit le califat et proclame une République laïque. Il dissout les tribunaux religieux en 1924, les confréries religieuses en 1925, abolit la polygamie, le port du voile, émancipe la femme en lui donnant les mêmes droits qu’à l’homme.

La Turquie nouvelle s’enfonce aussitôt dans le conflit avec le peuple kurde
Les Kurdes sont roulés dans la farine à travers les traités successifs de l’après guerre. Le Traité de Sèvres en 1920 leur promet d’indépendance, il n’est pas appliqué. Celui de Lausanne en 1923 assure à la Turquie le contrôle de la plus grande partie du Kurdistan, et lui impose de respecter les libertés culturelles, religieuses et politiques de ses minorités. Les publications en langue kurde sont interdites, les organisations kurdes sont supprimées. En 1924 le gouvernement turc interdit la langue kurde et déporte les intellectuels et les chefs tribaux kurdes. En février 1925, les Kurdes se soulèvent pour la création d’un État indépendant. Nombre de leurs villages sont incendiés et les insurgés sont pendus, bannis ou emprisonnés. Le pouvoir central en profite pour dissoudre le Parti républicain progressiste et interdire le Parti communiste. Le congrès clandestin kurde du Mont Ararat de 1927 proclame la lutte anti-Turquie, mais son échec ouvre une nouvelle ère de répression. Un nouveau soulèvement a lieu en 1928-1930. En 1932, Atatürk affirme que les Kurdes n’existent pas, ils sont présentés comme des « Turcs montagnards ». Cette politique d’assimilation forcée conduit en 1937-38 à de nouvelles révoltes. L’insurrection de Dersim fait 40 000 morts. Kémal se tourne de plus en plus vers les staliniens soviétiques et les fascistes italiens pour trouver de l’inspiration dans la nature de son régime, afin d’y encadrer efficacement le peuple.

La Turquie se rapproche aussi de l’Irak, de l’Iran et de l’Afghanistan, en 1937 pour coordonner la lutte contre le nationalisme kurde (pacte de Saadabad). Dès lors, si l’on ajoute à ces données la division géographique du peuple kurde entre cinq pays (Irak, Iran, Turquie, Syrie et URSS) et les querelles politiques de ses chefs en fonction de leurs manoeuvres diplomatiques mouvantes avec les dictateurs voisins, et le plus souvent manipulés par ces derniers, tout est réuni pour faire de la légitime lutte d’un peuple opprimé pour son indépendance nationale un combat sans fin et privé de contenu social.

La seconde guerre mondiale
Ismet Inönü, président de la République à la mort d’Atatürk en 1938, maintient la neutralité de la Turquie pendant la Seconde Guerre mondiale, se tenant plutôt du côté des Alliés, non sans quelques concessions à l’Axe. Malgré le refus turc d’entrer en guerre, au grand dam de Churchill et Roosevelt, les vainqueurs acceptent la Turquie dans leur camp en 1945, ce qui permet à cette dernière de participer à la fondation des Nations unies. Ismet Inönü gouverne le pays avec autoritarisme, sous un régime de parti unique. C’est un régime policier qui encadre sévèrement le peuple déjà victime des pénuries de la guerre et ne profite qu’aux riches. Ceux-ci font opérer au pays un certain nombre de réformes vers plus de démocratie, dans le but de s’occidentaliser et de se rapprocher des Etats-Unis.

La deuxième partie du vingtième siècle ou l’essor de la classe ouvrière
a) les années 1950-1970
Le développement numérique de la classe ouvrière commence dans les années 1950. Il provient de l’arrivée de capitaux occidentaux, dans le cadre du choix de la Turquie comme puissance relais de l’impérialisme aux marches du Moyen-Orient, des Balkans et de la Mer Noire. C’est grandement l’argent du plan Marshall qui donne naissance à ces travailleurs des villes. A ce prolétariat industriel du textile, de la métallurgie, de la pétrochimie et des mines, il faut ajouter les nombreux ouvriers de l’artisanat. Le régime met en place, en 1950, la centrale Türk-Is comme médiateur obligatoire entre les ouvriers et le patronat.

Pendant la décennie 1960, les ouvriers turcs mènent des grèves, et certains fondent en 1967 un syndicat indépendant du pouvoir, la DISK.

A la fin des années 1960, il existe un mouvement d’extrême gauche en Turquie, qui se rapproche de la lutte nationaliste kurde. Le Parti ouvrier de Turquie (fondé en 1961) est puissant dans tout le pays, y compris dans le Kurdistan turc, à l’est. Les Kurdes y militent et participent évidemment à la lutte pour le droits démocratiques essentiels que sont la liberté d’association, de réunion et de presse. Lors de son quatrième congrès, qui se tient à Ankara en octobre 1970, le Parti ouvrier de Turquie reconnaît l’existence du peuple kurde, condamne son oppression systématique, déclare son soutien à sa lutte « pour atteindre ses droits constitutionnels de citoyenneté », prône l’union des peuples « pour la révolution socialiste ». Quelques mois plus tard, la « Dev-Genc » (Fédération des étudiants révolutionnaires, fondée en 1969), qui regroupe des tendances maoïstes, castristes et trotskistes affirme le droit du peuple kurde à la lutte armée. En mars 1971, l’Association des étudiants turcs en France reconnaît « le droit du peuple kurde à l’autodétermination ».

C’est là une époque très fertile du mouvement ouvrier turc, mais elle est sans lendemain, et incapable de résister à l’offensive de la classe possédante. Le pays tout entier dans les années 1960-1970 est marqué par les coups d’État militaires, les violences des bandes fascisantes. Dans les campagnes, on note pourtant des résistances de lutte de classe, notamment des occupations de terre par les paysans. Néanmoins, la misère des campagne est si grande (à l’est, le taux d’alphabétisation ne dépasse guère les 30 à 40 %) que beaucoup de Turcs tout simplement émigrent en Occident. Les ouvriers turcs en Allemagne fédérales sont 450 000 au début des années 1970.

En 1971, des officiers renversent le gouvernement Demirel et installent la loi martiale dans de nombreuses provinces jusqu’en 1973. Ces deux années sont marquées par des affrontements sanglants avec le mouvement kurde, des arrestations dans les partis d’opposition, en particulier le parti ouvrier de Turquie et les islamistes. L’armée remet le pouvoir à des gouvernements minoritaires qui s’appuient sur des groupes fascisants, pour lesquels la violence politique dans la rue ne doit pas être bridée par la participation au pouvoir. Officiellement, l’armée turque remet donc le pouvoir aux civils en 1973. Cela ne les empêche d’ailleurs pas, en juillet 1974, de s’entendre avec leurs collègues colonels grecs pour renverser le régime en place à Chypre. Et malgré la nature « civile » du pouvoir, de 1973 à 1980, il y a entre plusieurs dizaines et plusieurs centaines de morts par an en Turquie même.

b) les années 1980-1990
En janvier 1980, le gouvernement, sous la pression du FMI et de l’OCDE, impose des mesures sévères pour contrer l’inflation : restriction du crédit, diminution des investissements publics, blocage des salaires. Il s’agit de réagir face à l’aggravation de la crise économique mondiale, marquée notamment par l’inflation, en particulier des prix du pétrole, qui a des répercussions dans le pays mais est aussi une cause de la baisse de l’argent envoyé par les expatriés.

En février, la décision du complexe agro-industriel d’Izmir de licencier des militants actifs provoque la mobilisation des travailleurs, qui occupent les locaux. C’est la grève, avec 12 000 licenciements et finalement l’intervention de l’armée. L’extrême droite intervient en supplétive du pouvoir d’État et des patrons, en pratiquant l’assassinat de syndicalistes et de militants d’extrême gauche. De janvier à septembre 1980, 2 000 personnes sont ainsi assassinées.

L’armée prend le pouvoir en septembre 1980. Les activités syndicales sont interdites pendant trois ans. Il s’agit préventivement de tenter d’interdire toute montée des luttes sociales et d’empêcher une contagion islamique au lendemain de la révolution détournée par les islamistes en Iran. D’autre part, la guérilla au Kurdistan a repris (le PKK est fondé en 1978)... Cette répression militaire s’appuie sur l’interdiction des partis, des syndicats, des arrestations, toutes choses qui permettent très vite de faire reculer le niveau de vie des travailleurs. De 1979 à 1983, les prix sont multipliés par 12, les salaires par 8 seulement. Rassuré, le FMI accepte de rééchelonner la dette.

La lutte de l’armée contre les Arméniens et les Kurdes ne faiblit pas. L’appareil d’État sécrète régulièrement des groupes pro-fascistes pour lutter contre les séparatistes. En 1982, un tel groupe, la bande de Catli, participe aux opérations paramilitaires organisées par Israël au Liban contre des organisations arméniennes et kurdes installées dans ce pays. En 1983, la langue kurde est interdite jusque dans les discussions privées.

Le mouvement kurde se détourne de toute revendication sociale, privilégiant la lutte nationaliste, prêtant aussitôt le flan à la récupération. De fait, dans les années 1980-1990, la Syrie soutien les mouvements kurdes irakiens et turcs. Elle appuie la guérilla du PKK, afin de mieux affaiblir l’État central turc dans son conflit sur le partage des eaux de l’Euphrate. 10 000 Kurdes syriens participent à la lutte du PKK. Ce n’est qu’à l’hiver 1998 que la Syrie lâche le PKK et livre son chef Ocalan à Ankara.

Comme écho à la répression politique, mais comme conséquence aussi de la toute puissance de l’armée et du patronat, la baisse des salaires réels est très forte dans les années 1980. Le salaire minimum est mis à la diète. Il n’y a rigoureusement aucune revalorisation salariale entre 1982 et 1986, période de libéralisation économique, qui, via des privatisations et des aides au commerce extérieur, profite considérablement au patronat turc.

Contre la baisse du pouvoir d’achat, les travailleurs se mettent à réagir. Une première vague de grèves et de manifestations a lieu au printemps 1989 avec une grosse mobilisation des travailleurs du secteur public, notamment ceux des chantiers navals. Puis, à l’occasion du renouvellement des conventions collectives, en 1990-1991, une seconde vague de grève, en, particulier dans les mines, contraint les patrons à céder des augmentations allant de 150 à 250 % (dans un pays où l’inflation est alors de 70 %).mais en même temps qu’il recule sur le plan salarial, le patronat turc licencie au total près de 300 000 travailleurs en moins d’un an, à commencer par les plus combatifs, relayé par le gouvernement qui licencie aussi des centaines de milliers de travailleurs. La crise économique de 1994 plonge à nouveau les salaires vers le bas.

Des luttes ouvrières très sérieuses ont encore lieu quelques années plus tard. En 1998, les métallurgistes de Renault et Tofas (filiale de Fiat) entrent en lutte aussi bien contre leur patron que contre le syndicat Metal-Is, filiale de Türk-Is (la plus importante confédération) qui a accepté une augmentation des salaires de 43 %, alors que l’inflation annuelle est de l’ordre de 100 %. En 1999, contre le recul de l’âge de la retraite et la baisse du pouvoir d’achat, il y a des manifestations qui regroupent des centaines de milliers de travailleurs. Les confédérations syndicales, dont la Türk-Is, sont encore une fois désavouées par leurs bases.

Pendant toutes ces années, les travailleurs restent encadrés par les bureaucraties ouvrières, l’armée et les islamistes. Ces derniers sont loin de représenter une force éparse et vieillissante, au contraire : à la fin des années 1990, il y a en Turquie plus de 5 000 écoles coraniques formant 170 000 lycéens, futurs cadres religieux... Et futurs cadres du pays tout court.

Février-mars 2001 : la dernière crise politico-économique en date
En 2001, la coalition politique au pouvoir depuis 1999 vole en éclats. Mais cette crise politique est minime face à la déroute économique. Les aspects dominants de cette crise sont : inflation galopante, hausse des taux d’intérêt, déficit de l’État, perte de confiance des investisseurs étrangers face aux lourdeurs bureaucratiques, baisse considérable des valeurs boursières, faillites frauduleuses dans les banques, dont de nombreuses sont tenues par des partis politiques et réservent traditionnellement leurs crédits à leurs électeurs. Les investisseurs liquident à toute vitesse leurs positions, les banques étrangères ne renouvellent pas leurs lignes de crédit, les entreprises se mettent à licencier en masse. Le premier ministre Ecevit annonce en février une dévaluation de la lire. En quelques heures, 7 milliards de dollars fuient le pays. La livre d’effondre. L’État recapitalise les banques publiques et prend en charge celles des groupes privés. Une fois renflouées, les banques d’État sont privatisées au printemps, condition pour que le FMI et la Banque mondiale apportent leur aide et leur argent frais. Cette année-là la richesse nationale s’effondre et la chute de la livre provoque une hausse des prix de plus de 60 %. (RAMSES 2002)

Dans les bourses de Francfort et de Londres, on suit toutes ces péripéties avec une vive inquiétude, tant les économies d’Europe dépendent de plus en plus de celle de Turquie.

Toute l’économie publique du pays est depuis tournée vers le remboursement de la dette, ce qui conduit à une politique d’austérité. (Chronique internationale de l’IRES, novembre 2006)

Le déploiement actuel du capitalisme turc et international
Le sort de la classe ouvrière turque n’a pas l’honneur de la presse française. Les 15 millions de Turcs qui vivent en Europe occidentale, dont 3 en Allemagne, représentent pourtant une part non négligeable du prolétariat politisé. C’est parmi eux qu’étaient récoltées des sommes importantes pour financer le PKK. Et cette fraction du prolétariat européen a été aussi parmi les plus visées par les racistes, notamment en Allemagne. Le 29 mai 1993, à Solingen (Allemagne), des néonazis ont incendié un immeuble habité par des travailleurs turcs, attentat qui a fait cinq morts.

Pour ce qui est de la situation en Turquie même, tous les paramètres disponibles montrent une situation très dure. Pour environ cinq millions de travailleurs, la survie passe non pas par l’aide de l’État mais par les réseaux informels que l’on trouve dans la société. Ces réseaux pratiquent « le contournement de l’État en règle de base de la survie, de la protection et de l’autonomie des individus, des quartiers et des communautés » tout en constituant « un frein à ‘l’explosion sociale’ tant crainte par le pouvoir » écrit Hamit Bozarslan dans son Histoire de la Turquie contemporaine (Repères, La Découverte, 2004). Les actifs non déclarés représenteraient en 2006 48 % de l’ensemble des actifs en Turquie, ce qui signifie qu’ils ne peuvent toucher le salaire minimum ni bénéficier d’une assurance sociale. Un quart de l’ensemble des salariés n’est pas déclaré et parmi les salariés turcs, les travailleurs journaliers sont à 90 % non déclarés. Pour eux, on ne dispose pas de statistique en matière de revenu. (Chronique internationale de l’IRES, novembre 2006)

Cet aspect de l’économie turque ne sied pas tellement aux capitalistes des autres pays dans la mesure où, en plus des tares économiques déjà citées et causes de la crise de 2001, il ne facilite pas l’intégration de la bourgeoisie turque à ces consoeurs du monde entier. « L’appartenance au secteur informel, écrit l’OCDE dans son rapport d’octobre 2006, réduit les coûts des entreprises et leur confère une capacité d’adaptation qui leur permet de survivre dans des conditions difficiles, mais elle limite leur accès aux marchés financiers, leur capacité d’investissement et leur aptitude à nouer des partenariats internationaux, réduisant ainsi les gains d’efficience qu’elles pourraient réaliser. » C’est d’ailleurs là que se trouve la réticence principale d’une partie du patronat européen à l’adhésion de la Turquie à l’Europe capitaliste des 27. Pour le moment, la Turquie reste aux portes de l’Union européenne. Les négociations pour son adhésion à l’Union européenne se sont ouvertes le 4 octobre 2005, mais bien des groupes industriels de l’Union européenne sont déjà implantés en Turquie. En vingt ans, les implantations françaises sont passées de 15 à 250, ce qui correspond à 40 000 emplois directs (2006). En dix ans, les échanges commerciaux entre la France et la Turquie ont été multipliés par cinq (2005).

Le sort régional de la Turquie est important dans le cadre des échanges commerciaux. Le port de Ceyhan est l’étape finale du BTC, l’oléoduc qui achemine du pétrole depuis Bakou (Azerbaïdjan) via Tbilissi (Géorgie). Des projets de gazoducs passant eux aussi par la Turquie sont envisagés. La Turquie paraît être le passage obligé pour les gaz kazakh et turkmène, en direction de l’Europe de l’ouest. Par ailleurs, la bourgeoisie turque investit des capitaux dans l’ensemble des pays d’Asie centrale, dans les domaines du génie civil, de l’agroalimentaire et de la téléphone mobile.

La place de l’armée
Par ailleurs, la Turquie est aussi confrontée à la guerre en Irak. Dans L’État du Monde 2007 (La Découverte), Hosham Dawod donne les trois axes de la Turquie dans ce conflit : « 1. Empêcher la création d’un espace politique kurde autonome - a fortiori d’un État indépendant ; 2. Protéger les Turkmènes irakiens ; 3. S’assurer une place dans le futur marché irakien. » Le passage du pétrole dans la région, surtout s’il vient d’Iran, impose à la Turquie de ne pas se désintéresser de l’Irak. Sans compter que l’Irak est un terrain déjà occupé par les défenseurs des intérêts syriens et iraniens. La concurrence est rude... La Turquie pourrait être une carte européenne dans cet imbroglio.

L’armée turque n’est sans doute pas pressée d’aller sur le terrain en Irak. D’ailleurs, elle a troqué la guerre ouverte pour le jeu économique sur le sol turc. La revue Questions internationales (La Documentation française) parle de son « rôle de moniteur, d’instituteur voire d’éducateur de la nation entière ». Elle aurait fait ses coups d’État en 1961, 1970 et 1980 « non pas pour anéantir ou détruire la démocratie, comme ce fut le cas sous d’autres cieux, mais pour l’améliorer, la renforcer, l’amender, voire la protéger. » Le même article de Questions internationales de mars 2005 précise néanmoins que le coup d’État du 12 septembre 1980 « a eu pour effet de poser des limites très strictes aux libertés publiques et syndicales et de briser durablement le mouvement ouvrier turc. »

Il n’est tout de même pas inutile de préciser que l’armée ne peut que tirer avantage de la mise au pas de la classe ouvrière turque, dans la mesure où l’armée contrôle l’industrie de la défense, mais aussi plusieurs chaînes de distribution, des agences immobilières, des conserveries, des cimenteries, des industries alimentaires et automobiles. Hamit Bozarslan précise que l’armée est productrice et concessionnaire de Renault.

La boîte à outils des classes dirigeantes
Les travailleurs turcs n’ont pas seulement l’armée sur le dos. L’extrême droite rôde dans toutes les parties du pouvoir et de la religion. La gauche la courtise même, y compris en s’alliant à elle à la tête de l’État, comme en mai 1999, lorsque Bülent Ecevit fait entrer l’extrême droite (Parti d’action nationale) dans le gouvernement dirigé par le Parti de la gauche démocratique, et avec la participation du Parti de la mère patrie. Mais Ecevit joue dans le même temps la carte de l’opposition au fanatisme islamique : il accuse même les Iraniens de vouloir exporter le fondamentalisme islamiste.

La situation politique va encore se dégrader. Depuis mars 2003, ce sont les islamistes de Recep Tayyip Erdogan qui dirigent le gouvernement. L’extrême droite va plus loin dans la radicalité : elle assassine des intellectuels et de journalistes libéraux, et pousse nombre d’entre eux à quitter le pays, tandis que les islamistes, notamment les Loups gris, noyau le plus radical du parti national-islamiste de la Grande unité (BBP) organisent des manifestations contre la venue du Pape (en novembre 2005). Et il ne s’agit certainement pas de protester contre l’opposition de Benoît XVI, affirmée lorsqu’il était encore cardinal, à l’entrée de la Turquie dans l’UE ! Il s’agit bien plutôt de la multiséculaire thématique de la guerre sainte, déjà provoquée d’ailleurs par le Pape. Et pour que son assise sociale ne cesse de s’appuyer sur la violence politique, la bourgeoisie turque et nombre de ses intellectuels encouragent toute une offensive sur la question arménienne, terrorisme intellectuel qui aboutit au terrorisme tout court, et vient compléter toute l’hystérie développée contre les Kurdes. Sans aucun doute, la boîte à outils des classes dirigeantes pour détourner les classes pauvres de la révolte sociale est bien fournie.

Dans la ville de Trabzon, le BBP est doublé sur sa droite par des jeunes adolescents : l’un, âgé de 16 ans, a assassiné un prêtre chrétien, l’autre, âgé de 17 ans, a tué le journaliste Hrant Dink parce que celui-ci se revendiquait à la fois turc, arménien et démocrate. Dans la rue, à Trabzon, les ultras peuvent s’attaquer à des Kurdes et tenter de les lyncher, ou faire expulser d’une réunion publique un poète parce que celui-ci a regretté la disparition des communautés grecques et arméniennes de la ville, et l’omnipotence des responsables des supporters de l’équipe locale du football et des mafieux exploitant les prostituées venues de l’ex-URSS comme seules élites de la ville. Les militants des droits de l’homme locaux sont terrorisés. (Le Monde du 11-12 février 2007)

A cela s’ajoutent les attentats d’Istanbul les 15 et 20 novembre 2003 par un groupe lié à Al-Qaida. Les objectifs visés sont deux synagogues, une banque et le consulat britannique. Il y a 63 morts.

Le ras-le-bol des populations en Turquie contre leurs exploiteurs est, dans ces conditions, plus facilement détourné. Pourtant il ne manque pas. Les services publics sont dans un état lamentable. La crise de la grippe aviaire par exemple a été gérée au petit bonheur la chance. Le ministre de la santé en visite dans une petite ville de l’est de la Turquie, où trois enfants étaient morts du virus, a dû battre en retraite et se réfugier dans son véhicule protégé par des blindés face au mécontentement des villageois.

Dans le chapitre des résistances, il faut évidemment citer celles de toutes les femmes qui veulent mener une existence libre face aux religieux réactionnaires, celles des syndicalistes et des travailleurs combatifs, celles des militants maoïstes et leurs proches. Il y a aussi le courage des dizaines intellectuels turcs qui, lors d’une conférence sur le génocide arménien à Istanbul, le 23 septembre 2005, ont remis en question la version officielle qui nie le génocide.

Pour être forte, la classe ouvrière en Turquie devra serrer les rangs et se sentir solide, rejetant tout ce qui la divise. En ce domaine, les évolutions du capitalisme et de la société a permis de faire des progrès au sujet du rapprochement entre Kurdes et Turcs. Dans un livre sur Les Guerres civiles (Presses de Sciences-Po, 2001), Jean-Pierre Derriennic écrit à ce sujet : « L’Anatolie orientale, d’où sont originaires les Kurdes, étant particulièrement pauvre, beaucoup d’entre eux l’ont quittée et vivent aujourd’hui, assimilés ou non, dans les grandes villes de la Turquie occidentale. Donc, la frontière sociale est faiblement marquée et le mélange territorial est très poussé entre ceux qui se considèrent comme des Kurdes et sont prêts à soutenir un mouvement de révolte kurde, et ceux qui se considèrent comme des Turcs. »

Perspectives
La Turquie d’aujourd’hui est constamment au coeur d’une série de contradictions maintes fois répétées : les militants qui en France s’opposent à l’Europe capitaliste défendent l’intégration de la Turquie dans cette même Europe. Et ils le font précisément quand les capitalistes européens en parlent (grandes réunions diplomatiques, élargissements, événements à Chypre, ou tout simplement propos d’un politicien réactionnaire quelconque). En général, ces mêmes capitalistes sont d’ailleurs favorables, eux aussi, à cette intégration. Quand le sujet quitte l’actualité, les militants le délaissent aussitôt. Cela n’est pas à proprement parler un grand signe d’indépendance de classe...

Tout cela provient en fait de l’ignorance de ce que sera l’avenir des luttes de classe internationales. Sur quels rivages verra-t-on en premier lieu des luttes à caractère révolutionnaire, c’est-à-dire ayant un contenu authentiquement internationaliste, politique, social et contestant la propriété privée des moyens de production, de financement et d’échange ? Sera-ce en Europe occidentale, territoire où le mouvement ouvrier révolutionnaire a occasionnellement laissé sa marque, ou dans d’autres régions du monde, notamment des pays pauvres comme la Turquie, qui ne manque pas non plus de militants ni de riches expériences de luttes courageuses ?

Là n’est peut-être pas la question. Finalement, les luttes peuvent se succéder, et en ce domaine la Turquie n’a pas de leçon à recevoir, sans avoir de portée révolutionnaire. L’important, c’est de joindre les luttes et le programme, et que celui-ci soit communiste, c‘est-à-dire se donnant pour objectif l’abolition du salariat. Là-dessus, il est urgent de revenir au programme tel que Karl Marx le présentait en conclusion d’une conférence donnée devant la direction de son Internationale, en 1865. Marx, partant des luttes quotidiennes des travailleurs, dit et écrit :

« En même temps, et tout à fait en dehors de l’asservissement général qu’implique le régime du salariat, les ouvriers ne doivent pas s’exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne. Ils ne doivent pas oublier qu’ils luttent contre les effets et non contre les causes de ces effets, qu’ils ne peuvent que retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction, qu’ils n’appliquent que des palliatifs, mais sans guérir le mal. Ils ne doivent donc pas se laisser absorber exclusivement par les escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiétements ininterrompus du capital ou les variations du marché. Il faut qu’ils comprennent que le régime actuel, avec toutes les misères dont il les accable, engendre en même temps les conditions matérielles et les formes sociales nécessaires pour la transformation économique de la société. Au lieu du mot d’ordre conservateur : "Un salaire équitable pour une journée de travail équitable", ils doivent inscrire sur leur drapeau le mot d’ordre révolutionnaire : "Abolition du salariat".

Après cet exposé très long et, je le crains, bien fatigant, mais qu’il me fallait faire pour traiter de façon satisfaisante mon sujet, je conclurai en proposant d’adopter la résolution suivante :

Une hausse générale du niveau des salaires entraînerait une baisse générale du taux des profits, mais ne toucherait pas en somme au prix des marchandises.

La tendance générale de la production capitaliste n’est pas d’élever le salaire normal moyen, mais de l’abaisser.

Les trade-unions agissent utilement en tant que centres de résistance aux empiétements du capital. Elles manquent en partie leur but dès qu’elles font un emploi peu judicieux de leur puissance. Elles manquent entièrement leur but dès qu’elles se bornent à une guerre d’escarmouches contre les effets du régime existant, au lieu de travailler en même temps à sa transformation et de se servir de leur force organisée comme d’un levier pour l’émancipation définitive de la classe travailleuse, c’est-à-dire pour l’abolition définitive du salariat. » (Karl Marx, Salaire, prix et profit)

Avril 2007

André Lepic

Messages

  • mardi 4 juin 2013 à 18h30

    Lieu : Paris 1e

    Fontaine des Innocents
    Place Joachim du Bellay
    Métro Les Halles (Porte Lescot)

    carte

    113 rdv pour ce lieu
    3 parties : 1 2 3
    Turquie : OccupyGezi
    Rassemblement de soutien aux campeurs du Parc de Gezi à Taksim

    http://www.demosphere.eu/rv/26715

    Nous appelons à exprimer votre solidarité en participant au rassemblement le mardi 4 juin à de 19h à la Fontaine des Innocents.

    Nous condamnons le recours excessif à la force contre des manifestants pacifiques à Taksim en Turquie.

    Nous sommes préoccupés par l’usage excessif de la force, y compris spray de gaz poivré contre des manifestants pacifiques dans un parc au centre d’Istanbul.

    Gezi Park à Taksim, Istanbul, est confronté à la démolition pour donner place à la construction d’un centre commercial. Des milliers de manifestants opposés à ce projet campent dans le parc depuis plusieurs jours. Depuis le début de l’occupation du parc, plusieurs milliers de personnes sont venues témoigner de leur soutien : des associations culturelles, des syndicats, des groupes d’artistes, d’étudiants, des défenseurs de la nature, des anticapitalistes…

    Le vendredi 31 mai à l’aube, la police est intervenue pour détruire leurs tentes, et a utilisé du gaz poivré pour disperser les manifestants. Plus de 23 manifestants ont été grièvement blessés.

    Les droits fondamentaux internationaux exigent que lors des dispersions, les policiers évitent l’utilisation de la force.

    Nous appelons l’ouverture d’une enquête rapide, indépendante et impartiale sur les allégations d’excès et l’utilisation inutile de la force, et de veiller à ce que les fonctionnaires de la police responsable d’usage arbitraire ou abusif de la force soient poursuivis.

    Nous exprimons notre solidarité avec ce mouvement et appelons à un rassemblement de soutien aux campeurs de Gezi Park à Taksim.

    Le rassemblement de ce mardi à 19h se veut une manifestation de soutien à la lutte pour la sauvegarde de Gezi park et contre les violences faites par la police.

    Par conséquent, l’objectif est d’informer l’opinion publique française et de sensibiliser la société française (syndicats, partis politique, citoyen,...) pour que de tels comportements policiers ne se produisent plus ni en Turquie ni dans d’autres pays.

    Il ne s’agit pas d’une lutte "nationale" mais bien d’une lutte internationale pour un autre monde. Aussi, nous ne permettrons pas les banderoles des organisations politique turque, ni la présence des drapeaux, ni le portrait de qui que ce soit. Tout les nationalistes de tous bords sont priés de ne pas venir déranger notre manifestation.

    Nous essayons d’organiser une prise de paroles des organisations et des partis politiques français pour soutenir notre lutte. Parce ce que un autre monde, sans drapeau, sans étiquette, international et de solidarités entre les peuples est possible.
    Les premiers signataires :

    L’ACORT -L’Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie
    Ligue des droits de l’Homme - LDH
    Assemblée européenne des citoyens (AEC-HCA France)
    CEDETIM - Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale
    Réseau IPAM - Initiatives pour un autre monde
    FTCR- Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rive
    ATMF- Association des Travailleurs Maghrébins de France
    Comité pour le Respect des libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie
    FASE (Fédération pour une Alternative Sociale et écologique)

    https://fbcdn-sphotos-h-a.akamaihd.net/hphotos-ak-frc3/397416_10151645913920821_1330520660_n.jpg

    Lien : http://www.demosphere.eu/rv/26715
    Source : https://www.facebook.com/events/1265593742168
    Source : message reçu le 2 juin 20h
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    Solidaires de la résistance populaire en Turquie !

    Ces dernières quarante huit heures ont été marquées par une formidable mobilisation populaire en Turquie qui a engrangé d’importants succès malgré une terrible répression policière.

    Le point de départ de la mobilisation est un projet du gouvernement et de la mairie d’Istanbul de détruire le parc Gezi sur la place Taksim au cœur de la métropole pour le transformer en un complexe commercial et pseudo-"culturel". Ce projet écologiquement néfaste et démocratiquement illégitime a suscité une résistance courageuse qui est allée en s’amplifiant.

    Le mouvement lie désormais la défense de l’écologie urbaine, les droits démocratiques et la résistance à l’autoritarisme néo-libéral.

    Malgré la répression policière qui a d’ores et déjà entraîné plus des centaines de blessés, la mobilisation a réussi à occuper en masse la place Taksim, obligeant la police à se retirer alors que des mouvements similaires se développe dans les autres villes du pays .

    Le gouvernement Erdogan et son parti l’AKP montrent une nouvelle fois leur véritable visage : au service des puissants et autoritaire.

    Nous saluons le succès de la mobilisation populaire en Turquie !

    Nous exprimons notre solidarité aux occupants de la place Taksim et de tous ceux qui se sont joints à leur mobilisation à travers la Turquie.

    Nous soutenons tous les manifestants victimes de la barbarie policière et/ou qui subissent des poursuites judiciaires.

    Nous appelons à participer aux rassemblements unitaires de solidarité dans toute la France, notamment, à Paris, le mardi 4 juin, à 19 heures, à la Fontaine des Innocents.

    infos, photos et vidéos :

    http://occupygezipics.tumblr.com/
    http://stream.wsj.com/story/world-stream/SS-2-44156/SS-2-244137/?mod=wsj_streaming_world-stream
    http://onedio.com/haber/gezi-parki-eyleminden-dehset-veren-fotograflar-116604

    Source : http://initiativegrecqueaparis.wordpress.com/...
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    Massive Riot Against State Terrorism in Turkey

    This is an informative mail about current situation in Istanbul, Turkey. After two days of protest about the urban gentrification of Gezi Park (biggest park in Taksim where green areas continually being destroyed), people got fed up with police brutality and violence.

    Especially silence of the media, increasing attacks of government and freedom of individuals, imperial aims of the state trying to take advantage of the Syria have expended the recent conflict in riots.

    The clashes continued all day and night yesterday. At least seven civilians were murdered by the police attacks, hundreds were injured, hundreds are in custody where they are beaten up and some tortured.

    All temples of capitalism had to close down in Taksim. There is a great deal of solidarity on the streets, many small shops and homes, universities ; all pharmacies opened their doors to protesters. Turkish Chamber of Architects and Engineers Office is turned into a hospital with volunteer doctors and nurses. And they are treating wounded protesters.

    In many places in Istanbul, police stations has been attacked. Fascist groups were beaten up by anarchists. People from the Asian side who wanted to join the riot were blocked by the police, but they walked on the highway after midnight, crossing the Bosphorus Bridge on foot and made it. The Prime Minister blamed the social web informing the murders, and ironically called the people who are sharing news as fascists.

    The protest has spread all over Turkey. People are on streets in Ankara, Izmir, Eskisehir, Sakarya, Isparta and many others.

    These protests are not only for the Gezi Park as state-suppressed mainstream media claims. The riot is now the revolt of the hundreds of thousands of people protesting against state oppression and violence. We as revolutionary anarchists have been and we are going to be on the streets, against the police violence state terrorism.

    We are expecting solidarity action from all anarchists and anti-authoritarians all around the world.

    Everywhere is Istanbul and everywhere is resistance against state terrorism, police violence and capitalist exploitation.

    We will continue to report as riot continues.

    Revolutionary Anarchist Action (DAF)

    Source : http://www.zcommunications.org/massive-riot-a...

  • Luttes de classes en Turquie

    Il est bel et bien révolu, le temps où la République turque affichait de fringants taux de croissance à la chinoise (jusqu’à 9 % en 2010) jalousés par ses voisins européens. Aujourd’hui, le pays peine à dépasser la barre des 3 % et accuse une inquiétante hausse de son taux de chômage (environ 11 %) et du niveau d’inflation. Un sérieux revers pour "le miracle turc".

    "La Turquie traverse une période très difficile, elle a perdu sa boussole, ses ancrages économiques".

    Dans ce climat économique, les grands objectifs affichés par Erdogan pour 2023 et le centenaire de la République semblent hors d’atteinte. "Il voulait hisser la Turquie parmi les dix principales puissances économiques mondiales, rappelle Sinan Ülgen. Résultat : le pays recule actuellement au classement (18e place, NDLR)." Renvoyés également aux calendes grecques, le pari des 25 000 dollars de revenu annuel par habitant ou le PIB national à 2 000 milliards. Des revers qui laissent à penser que "la voie vers un plus grand bien-être pour tous", tracée par le leader turc, semble donc plus tortueuse que prévu.

  • Le 10 octobre 2015, un double attentat à la bombe a été commis à Ankara, dans un rassemblement pour la paix réunissant des dizaines de milliers de personnes. Bénéficiant visiblement de la complicité de l’Etat turc, cet acte odieux a causé la mort de 128 personnes et blessé des centaines d’autres, dont 34 grièvement. Aujourd’hui, la Turquie est un pays dans lequel les militants pacifistes et démocrates sont tués.

    Le rassemblement était organisé par des organisations de la société civile, des syndicats et des chambres de métiers tels que le KESK (Confédération des Syndicats de fonctionnaires), le DISK (Confédération des Syndicats progressistes de Turquie), le TMMOB (Union des Chambres d’Architectes et d’Ingénieurs de Turquie) et le TTB (Union turque des Médecins). Des forces paramilitaires qui ne pouvaient tolérer une telle manifestation ont fait exploser des bombes sur la place du meeting. La paix a été assassinée. Les civils ont été soumis à la terreur.

    Une fois de plus, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a déclaré que Daesh était derrière ces attaques, exactement comme il l’avait fait après les explosions survenues dans le meeting du HDP, à Diyarbakir, le 5 juin, et après l’attentat de Suruc qui a tué 33 personnes le 20 juillet dernier. Daesh n’a cependant revendiqué aucun de ces attentats. Il ne fait aucun doute que l’AKP est directement responsable de l’attentat d’Ankara. Depuis quatre ans, le gouvernement AKP soutient Daesh en lui fournissant armes et aide logistique, contribuant ainsi au renforcement du groupe et à l’aggravation de la menace qu’il représente. Il a par ailleurs développé dans les derniers temps une politique de tension qui alimente la violence, les divisions et l’intolérance &agrav e ; travers tout le pays. Suite à l’attentat d’Ankara, Daesh a diffusé une déclaration dans laquelle il félicite ses auteurs, sans en revendiquer la responsabilité.

    Erdogan est à l’origine de ces attentats

    Depuis des mois, le Gouvernement AKP et le Président R.T. Erdogan cherchent à exacerber les tensions en Turquie, espérant en retirer un gain politique. Ils visent systématiquement le HDP, les syndicats, les journalistes et, généralement, les milieux qui travaillent pour la paix. De par sa politique de tension, Erdogan est directement à l’origine de ces attaques qui sèment la terreur au sein de la population. Jamais les dirigeants de la Turquie n’avaient autant exalté la terreur. Les déclarations incendiaires des figures de proue de l’AKP ont provoqué les attaques terroristes les plus meurtrières de l’histoire de la Turquie. Le Ministre turc de l’intérieur l’a déclaré ouvertement : « Quiconque résiste sera neutralisé. » Quelques j ours avant l’attentat d’Ankara, Sedat Peker, chef de la mafia et grand partisan d’Erdogan, avait déclaré : « Ils vont se noyer dans leur propre sang. Je suis le compatriote d’Erdogan. »
    Malgré les appels à la paix et au cessez-le feu, l’Etat persiste dans la guerre

    Peu avant l’attentat d’Ankara, le PKK avait annoncé qu’il envisageait de répondre aux appels à mettre fin aux hostilités en décrétant une trêve unilatérale. Cependant, le Vice-premier ministre Yalcin Akdogan a tout fait pour ignorer cette déclaration. Il a fini par déclarer : « Nous en avons assez des cessez-le feu. » Finalement, l’attentat d’Ankara a démontré que l’AKP et ses gangs n’étaient pas en faveur de la paix.

  • Des ouvriers du textile ont laissé des mots sur des habits pour interpeller les clients sur leurs conditions de travail en Turquie, rapporte Mashable.

    Des clients venus faire du shopping dans une boutique Zara d’Istanbul ont fait une découverte surprenante. Ils ont trouvé une note accrochée aux vêtements de la marque sur laquelle on pouvait lire : « J’ai fabriqué cet article que vous vous apprêtez à acheter et je n’ai pas été rémunéré », rapporte Mashable ce lundi. Selon Associated Press, des ouvriers du textile travaillant pour l’entreprise turque Bravo, qui fournit notamment Zara, sont venus déposer eux-mêmes ces mots de désespoir sur les vêtements pour alerter sur leurs conditions de travail. Les ouvriers racontent que leur entreprise, qui a mis la clé sous la porte du jour au lendemain, leur doit trois mois de salaire. Contactée par l’agence américaine, l’entreprise Inditex, qui détient la marque Zara, n’a pas souhaité commenter l’information.

    Des marques internationales mises en cause

    Le sort de ces ouvriers du textile a déjà beaucoup fait réagir. Ainsi, 20 000 personnes ont déjà signé la pétition sur change.org qui appelle l’entreprise Bravo à rémunérer ses salariés. Les entreprises Next et Mango sont également interpellées puisque les 140 ouvriers à l’origine de la pétition affirment également les fournir en produits textiles. Ces derniers rappellent que ces grandes marques à la renommée internationale, et à qui revient une grande partie des bénéfices des ventes de vêtements, doivent s’assurer que les produits vendus sont réalisés dans des conditions équitables. Certaines d’entre elles, comme Zara, s’y sont engagées en signant des accords internationaux sur les droits des ouvriers de leurs fournisseurs.

  • Des centaines de travailleurs de la construction turcs ont été arrêtés par la police et des gendarmes au cours du week-end après que des travailleurs eurent organisé des manifestations de masse contre les conditions de travail meurtrières sur le chantier d’un nouvel aéroport à Istanbul.

    Des milliers de travailleurs ont débrayé et ont protesté avec colère après qu’un accident impliquant un bus a blessé 17 de leurs collègues. L’incident est le dernier d’une série d’accidents sur le chantier, que les travailleurs qualifient de « cimetière » en raison du manque de protections de sécurité de base et de la pression du gouvernement et de l’entrepreneur pour ouvrir l’aéroport géant d’ici la fin du mois prochain.

    Des centaines de travailleurs ont scandé : « Nous sommes des travailleurs, nous avons raison. Nous gagerons n’importe comment. » le hashtag qui soutient les travailleurs, #köledegiliz (# nous ne sommes pas des esclaves) a reçu un fort soutien dans toute la Turquie.

    Selon Ozgur Karabulut, un responsable du syndicat Dev Yapi-Is, la police et les gendarmes ont utilisé des véhicules militaires, des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser les manifestations des travailleurs en grève. « Ils ont fait irruption dans le campement des travailleurs avec 30 gendarmes, ont fait tomber les portes et ont arrêté environ 500 travailleurs », a déclaré Karabulut par téléphone à Reuters.

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