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La révolte en Inde...

mercredi 23 février 2011, par Robert Paris

"Opprimés de l’Inde levez-vous" : le chant de révolte d’un paysan du Pendjab

Il salue le visiteur en brandissant son moignon en l’air, à la manière communiste. Bant Singh, paysan pauvre du nord de l’Inde passé à tabac pour avoir osé traîner en justice les violeurs de sa fille, chante aujourd’hui la révolution, au nom de tous les opprimés.

Ses chansons a cappella, scandées avec rage en pendjabi, dénoncent les inégalités héritées du système des castes, l’exploitation des paysans sans terre, la corruption politique et les violences policières.

"Nous, les prolétaires, voulons les même droits que les riches, nous voulons une vie de respect et d’égalité. Mes chansons sont des mots que je lance en l’air comme des gouttes de sang", dit cet homme au corps brisé de "40-42 ans".

Battu avec une barre de pompe à eau jusqu’à ce que sa chair devienne de "la pulpe" par des inconnus venus venger les puissants propriétaires terriens condamnés pour le viol de sa fille de 17 ans, il a dû se faire amputer des deux bras et d’une jambe, raconte-t-il, posé comme une marionnette sur sa paillasse.

Les sept auteurs du viol ont été condamnés à des peines de prison mais ils ont été libérés sous caution voici quatre mois. En dédommagement de son agression, il a reçu deux buffles et un million de roupies (16.200 euros). Le gouvernement lui a promis une parcelle de terre, qu’il attend toujours.

Sur le toit de sa maison partiellement recouvert de bouses de vache qui sèchent au soleil, un drapeau rouge flotte, symbole du "sang versé" par les pauvres depuis la nuit des temps.

"Je suis rentré chez moi tel un arbre mort. Mais ça m’est égal de ne plus avoir mes membres, ils n’ont pas coupé ma langue", assure ce militant du parti communiste dans le district de Mansa, à huit heures de route de New Delhi.

Son histoire a fait la une des journaux voici cinq ans mais c’est aujourd’hui sur sa voix qu’il veut miser pour toucher les ouvriers exploités.

Sa route a croisé par hasard celle de plusieurs jeunes musiciens, dont Taru Dalmia, chanteur de hip-hop et ska dont les paroles en anglais crachent son dégoût de la façon dont l’Inde se développe, au mépris des classes sociales les plus défavorisées.

"La plupart de la musique en Inde est liée au divertissement. Je voulais trouver des chanteurs révolutionnaires locaux qui puissent entrer en résonance avec moi parce qu’il doit y avoir des chansons politiques en Inde", martèle-t-il.

"On ne parle que de l’émergence d’une classe moyenne mais elle ne représente que 5% à 10% de la population. Elle permet simplement de créer un marché pour les multinationales étrangères, ce n’est pas la réalité du pays", argumente Taru, de son nom de scène Delhi Sultanate.

Il a découvert l’histoire de Bant Singh dans les journaux et vient de finir en collaboration avec deux autres artistes une maquette baptisée "Word, Sound, Power" (le mot, le son, le pouvoir), disponible sur internet (http://www.wordsoundpower.org).

Le CD composé de plusieurs titres en pendjabi sur de la musique électro, devrait sortir d’ici quelques semaines.

Pour Taru, 30 ans, rentré en Inde voici dix ans après une enfance en Allemagne et en Californie, Bant Singh est "une sorte de héros, il est un exemple de la façon dont on peut lutter contre l’adversité. Son corps est à lui seul une révolution".

Il voudrait maintenant rencontrer d’autres chanteurs révolutionnaires, notamment dans les Etats en proie à des violences comme le Cachemire ou le Chhattisgarh — l’un des fiefs de la rébellion maoïste — et créer un label spécifique.

Mais pour Bant Singh, "ce n’est pas seulement avec les chansons qu’on lutte, il faut prendre les armes" : "Des rébellions armées se sont déjà produites dans l’Histoire, pas seulement au Pendjab mais aussi dans le reste de l’Inde et cela peut encore se produire", met-t-il en garde.


100 000 manifestants à New Delhi, le 23 février

Une centaine de milliers de personnes ont manifesté aujourd’hui à New Delhi. Ils dénonçaient la hausse des prix alimentaires et le fort taux de chômage. Ces manifestations interviennent dans un contexte difficile pour le gouvernement, plongé dans de multiples scandales de corruption. A la différence de la plupart des révoltes dues aux prix des denrées alimentaires ces derniers mois (en particulier ces dernières semaines), la foule n’a pas réclamé le renversement du gouvernement, mais un changement de direction et des réformes efficaces. Mais l’on se demande déjà si le Premier ministre indien Manmohan Singh restera jusqu’à la fin de son mandat en 2014.

Les problèmes sont multiples : le prix des denrées alimentaires a augmenté de 18% rien que pour le mois de décembre 2010. Les catégories les plus pauvres sont bien évidemment les plus touchées. Le fort taux de chômage dans certaines régions n’arrange rien.

L’inflation est devenue l’un des problèmes majeurs du gouvernement Singh, et plus largement, de pays tout entier. Il a d’ailleurs reconnu il y a quelques jours qu’elle représentait une sérieuse menace pour la croissance indienne. N’avoir pas su freiner l’inflation n’est cependant pas le seul reproche que les manifestants font à leurs dirigeants. Leur démonstration de force intervient un jour après l’annonce par le Premier ministre qu’il acceptait une enquête parlementaire sur des scandales impliquant plusieurs milliards de dollars. Beaucoup estiment que d’autres révélations le forceraient à quitter le pouvoir.

La manifestation d’aujourd’hui est malgré tout une bonne nouvelle pour les syndicats. Forts de 9 millions d’adhérents, ils avaient largement perdu de leur influence depuis le début des années 90. Avec la montée des revendications sociales, il retrouve désormais quelques couleurs. Encore faut-il transformer l’essai.

Au moins 100.000 manifestants, dont certains adhérents d’une centrale liée au parti du Congrès au pouvoir, ont manifesté mercredi dans les rues de la capitale indienne New Delhi, en direction du parlement, pour protester contre la hausse des prix alimentaires et le chômage.

Il s’agit de la plus grande manifestation dans la capitale depuis des années, et la présence de militants d’un syndicat proche du Parti du Congrès dénote l’inquiétude au sein du parti au pouvoir face à l’inflation sur les denrées, qui a atteint 18% en décembre en rythme annuel.

L’Inde, troisième économie d’Asie, est confrontée à un taux d’inflation à deux chiffres pour les prix alimentaires. Les centaines de millions de pauvres de ce pays de plus d’un milliard d’habitants sont les plus durement touchés.

"On gagne 100 à 125 roupies par jour (deux à trois dollars). Comment allons-nous survivre avec ça si les prix augmentent autant ?", s’interrogeait un manifestant, Kailash Sain, venu du Rajasthan, dans l’ouest de l’Inde.

"Les prix vont finir par tuer l’homme de la rue", lisait-on sur une banderole.

Messages

  • Des dizaines de milliers de manifestants défilaient mercredi dans les rues de la capitale fédérale indienne pour protester contre l’inflation galopante qui détériore encore davantage la situation de millions de pauvres.

    Les manifestants, en majorité issus de la classe ouvrière, arboraient pour un grand nombre d’entre eux des drapeaux communistes et scandaient des slogans contre l’inflation et la corruption. Les routes du centre-ville de New Delhi ont été coupées à la circulation.

    Le défilé, organisé par le Comité des syndicats indiens (CITU, affilié au parti communiste) et auquel se sont associés d’autres syndicats, vise à faire pression sur le gouvernement à quelques jours du vote du budget annuel au parlement lundi prochain.

    Cette organisation syndicale attend de 800.000 à un million de manifestants. Pour l’heure, la police n’était pas en mesure de fournir des chiffres.

  • Hautes castes, basses castes : les femmes s’unissent dans la rue en Inde, contre les aggressions, viols, meutres .

    Mais seuls les travailleurs et travailleuses des basses castes pourront diriger le renversement total du régime capitaliste, qui maintient ou développe des oppressions barbares et l’exploitation quotidienne.

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